20.3.07

Un pavé sous nos nez


je ne veux pas te quitter
mon sourire est attaché à ton corps
et le baiser de l'algue à la pierre
à l'intérieur de mon âge je porte un enfant gai et bruyant
(Tristan Tzara, Bifurcation)


Les décors complexes et finement travaillés des merveilles médiévales de l'architecture islamique, d'Ispahan à Agra, et de Grenade à Bagdad ont toujours intrigué. Mais il aura fallu attendre 2007 et la publication dans le magazine" Science" pour que l'embarrassante question du contenu mathématique de ces décors, à savoir celle du pavage non périodique sur une surface plane, soit posée.
Ces structures artisanales datent de notre Moyen Age, une époque ou les ouvriers arabes possédaient un art et un savoir extrêmement raffinés. Certes, ces figures entrelacées sont "jolies". Mais le problème c'est qu'elles sont impossibles à construire sans savoir ce que l'on fait. En effet, ces décors qui reprennent des éléments de base reproduits et structurés à l'infini comme des tuiles, ne sont pas affectés de distorsions. Cela serait le cas si elle avaient été réalisées à l'aide de simples règles et de compas, et avec une approche naïve, comme on le (pré)supposait jusque là.
Aux yeux de Peter J. Lu (Harvard University) et de Paul J. Steinhardt (Princeton University) les auteurs de ces fresques complexes et rigoureuses devaient disposer d'outils et de connaissances puissants. Déjà, tracer des milliers de simples décagones, les aligner de façon rigoureuse est infaisable. Hors les bâtiments de l'âge d'or de la civilisation islamique sont recouverts de figures bien plus complexes.

Où réside le secret ? Les tuiles dites "de girih" sont en fait des blocs à géométrie variable, établis au moyen de cinq figures de base (décagone, pentagone, diamant, noeud papillon, hexagone). Les artisans arabes médiévaux détenaient là une boîte à outils permettant de générer une nombre impressionnant de figures complexes et rigoureuses, par combinaisons, pas forcément répétitives.
Cette approche aboutit à produire des solutions à un traitement géométrique complexe des surfaces, par un pavement "non périodique" tel qu'on le manie aujourd'hui en physique (depuis les travaux, notamment de Robert Penrose, inspiré des dessins d'Escher) en parlant des quasi-cristaux. Ces matériaux longtemps jugés "impossibles" offrent des structures d'occupation de l'espace en trois dimensions, découverts au cours des années... 1970. L'impossible des chimistes a rejoint celui des artisans arabes, quelques siècles plus tard. A la barbe des théoriciens, dans les deux cas.


images : http://flickr.com/photos/tokyo_walker/213052618/ et http://www.321books.co.uk/images/road-reality-penrose-escher-circle-limit-I.gif
info : Science (usa)

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