La piste rouge traverse le bush comme une coupure. Rectiligne. Avec "Kob", notre ranger, perchés sur le 4x4, nous filons le train à l'éléphant. Filer le train est le terme précis. A distance bien respectueuse, au ralenti, avec pour tout paysage son odeur, ses énormes fesses, sa queue et ses oreilles battantes.
Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi l'éléphant semble aussi énervé et ne marche pas droit. Il louvoie sur ce facile chemin, allant d'un bord à l'autre, écrasant buissons et arbustes.
Devant ma surprise, Kob est hilare.
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- Quoi ?
Il rit plus encore, plié sur le volant.
- Oh ? Qu'est-ce que je ne comprends pas ?
- Rien, c'est samedi soir, pour lui.
- Samedi soir ?
Il essuie une larme :
- Oui... Tu sais bien, il a picolé...
C'est ainsi que le long du Krüger Park, en Afrique du Sud, j'appris que les animaux sauvages sont adeptes de l'alcool. Non, ils ne l'achètent pas par packs de 24. C'est dans les fruits trop murs ou par les moissons fermentées, qu'ils ingurgitent par quintal, que les pachydermes dénichent leur ivresse.
Pour en savoir davantage, sous la houlette du psychologue Ronald K. Siegel, de l'université de Californie, une équipe de chercheurs a parcouru l'Afrique, l'Amérique du Sud, l'Asie tropicale et l'Océanie. Et recensé près de 2 000 cas de mammifères, oiseaux, reptiles et même insectes - adeptes de l'alcool et autres drogues "naturelles" (haschich des efflorescences du chanvre indien, opium des fruits du pavot, cocaïne de la coca, etc.).
Les chercheurs se sont en particulier intéressés à l'éléphant. On raconte des histoires de troupeaux joyeux, piétinant des dépôts de céréales ou se roulant dans des tapis de fruits fermentés. Rendus ensuite "bizarres" par l'alcool, ils déferlent parfois ensuite sur les villages, et aplatissent tout au passage.
Ne reculant devant rien, l'équipe de Siegel s'est livrée à une série d'expériences dans un parc de Californie. Ce qui a permis de constater que c'est à une concentration de sept degrés par litre que les pachydermes apprécient le mieux l'alcool.
Le chercheur en déduit que les animaux ont davantage qu'une simple "consommation opportuniste". A son avis les éléphants s'enivrent intentionnellement de manière à apaiser leurs souffrances ou le stress de leur vie quotidienne, exactement comme le feraient les humains. Une idée qui s'appuie sur le constat qu'en situation de stress (surpopulation) les pachydermes consomment davantage de fruits alcoolisés...
Etrange et "morale" conclusion. Pourquoi les éléphants n'auraient-ils pas simplement du "plaisir" a se sentir plus "légers" et à partager cette sensation, comme nous autres dans les bars à bière ?
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1 commentaire:
C'était sûrement des mâles !
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