Hier le jeune auteur que je suis a eu ses premiers contacts, petits messages, téléphone, avec des libraires. De "vrais" libraires. Comme je les vois, dans mon carrousel des images : en province, de petites échoppes joyeuses et claires, où les livres voyagent de la main à la main, dans une sorte de calme affection.
Alors c'est revenu en moi.
Le bruit du camion, en double file, moteur au ralentit.
L'embouteillage et les Klaxons.
Les cartons sur le diable rouge dans la rue Kuhn, à Strasbourg, celle qui court à la gare.
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Le "dzing-tchak" des ficelles que l'on coupe avec la vieille lame au manche brisé, entouré d'adhésif, mais qui tranche comme une baïonnette. Le raclement des cartons qui s'ouvrent. Et cette odeur ! Un peu de ce parfum de papier et de mystère, humide et doux, de l'étrange pays où naissent les livres.
Mon père, la tête au labeur, coupait, ouvrait. En sueur, avec son mauvais poumon qui sifflait, il me passait les livres.
Les piles s'élevaient sur le comptoir, par colonnes de rêves et de désirs.
Là ma soeur et ma mère comptaient, pointaient les commandes et alignaient les héros sur les rayons.
Il y avait de tout, de Villiers à Perec, de Verne à Gary, Bob Morane et aussi Winnetou.
On restait sérieux, mais en nous, c'était Noël. L'arrivée des livres, c'était toujours du futur et des promesses.
Moi ? De mon père aux femmes, j'étais la noria. Je portais sur mes bras. Si mal. Je traînais, lisais en coin les quatrièmes de couvertures. Repérais les trésors que j'allais cacher sous mes draps dès le soir. Parfois, souvent, je n'y tenais plus. Sans entendre les remontrances je filai dans l'arrière boutique, m'asseyais sur le meuble de métal, et commençais à dévorer ce nouvel album, cet énorme Dumas illustré dont les coins s'enfonçaient dans mes cuisses laissées nues par la culotte. Et les mots, par équipages, par cordées et par caravanes, entraient dans ma tête.
Ce que je ne comprenais pas, dans toute cette bousculade, c'était le silence de mon père.
Mais cela est une si longue et autre histoire.
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1 commentaire:
C'est un bien joli texte que voilà, il est l'exact reflet de ce que peut-être une librairie.
merci de nous faire partager vos sentiments.
bien amicalement.
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