Assis sur un muret de pierres en Sicile, Gide vit Truman Capote s'empourprer de colère et jurer contre une coupure de presse qui maltraitait son dernier roman. "Les chiens aboient" fit Gide, en sueur et mal d'inspiration. Truman garda ce titre pour un recueil de portraits à l'acide et au champagne, comme il avait la faiblesse d'aimer.
On n'a jamais vu un loup aboyer. Ni un renard. Comme si la grande famille des chiens s'était interdit cette possibilité dans la nature. Surprise donc : notre chien-chien domestique détient l'exclusivité de l'aboiement. Et s'il redevient sauvage, comme cela s'est passé pour Dingo l'australien, il perd au passage le wha et refait silence. Certains on voulu savoir où na se nicher cette différence, alors que toutou domestique et cousin sauvage sont si proches.
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"On retrouve des indications d'aboiement de coyote dans la littérature scientifique, mais c'est tellement exceptionnel que le fait est décrit sur des pages entières", souligne Mark Feinstein, du Hampshire College, au Massachusetts. Avec Raymond Coppinger, les scientifiques ont tenté de comprendre ce phénomène, qui amène certains chiens à aboyer jusqu'à sept heures durant (record officiel, mon dieu qui note de telles choses), ou à pousser plus de 90 aboiements par minute dans la cas du cocker.
C'est insupportable aux oreilles de l'homme. Et c'est peut-être là qu'il faut rechercher la solution de l'énigme, estiment certains "chercheurs" de wha. L'aboiement canin se situe quelque part entre le cri de détresse d'un bébé, particulièrement efficace pour se signaler à des oreilles humaines, et le grondement féroce d'un animal sauvage. Autre signal redoutable, pour nos aïeux des cavernes.
Bien entendu, tous les Canidés ont les moyens physiques de produire du wha. La meilleure preuve en étant que les louveteaux ou les jeunes coyotes jappent durant leurs premiers mois. Mais par la suite, leur wha disparait, comme s'il devenait superflu.
Et si l'aboiement du chien domestique était un pis aller consenti par l'animal à ses besoins de communication avec l'humain ? Une concession dans le processus de domestication de l'homme par le chien, en quelque sorte.
C'est une expérience de Dimitry Beliayev, un chercheur russe, qui a mis les Américains sur cette voie. Sur une vingtaine de générations, en partant de renards sauvages, Beliayev a sélectionné les individus les plus dégourdis, et les a domestiqués. Et voilà, mais oui, les renards commencèrent à faire wha wha...
Le parralèlle avec la domestication du loup et d'autres Canidés est tentant : pour les amadouer, contrôler leur agressivité, nos ancètres auraient développé chez le chien la dépendance à la nourriture. Précisément, que fait le chiot pour obtenir la têtée ? Il jappe. L'aboiement, encouragé chez le jeune, il a été soutenu chez le chien adulte, habitué à quémander de la nourriture à l'homme. dans le même temps. Cette faculté à faire wha de toutes les couleurs aura en quelque sorte été perfectionnée par le chien pour augmenter son interaction avec l'homme, et garnir son ventre...
On retrouve des traces de domestication de chiens 7 millénaires avant Jésus-Christ en Anatolie, et jusqu'à 13.000 ans en Sibérie. A quoi servaient-ils ? "Rabateurs et pisteurs de gibier, ils faisaient des auxiliaires de chasse précieux. Mais également omnivores, ils étaient commodes à nourrir, et faisaient de parfaits éboueurs dans les campements", note Jean-Pierre Digard, ethnologue et directeur de recherches au CNRS.
Lévrier de chasse, ou ramasse-tout dans les poubelles antiques, le chien était utile. Et ensuite, source de nourriture appréciable, sa chair fut consommée dans l'Europe néolithique et en Amérique pré-colombienne, et plus récemment, en Chine, au Ghana, au Canada, ou en Allemagne (la dernière boucherie canine a fermé ses portes à Münich entre les deux guerres, note Digard dans "L'homme et les animaux domestique", (ed Fayard). A qu'wha bon, dira-t-on.
Ses poils filés, tressés, sa peau tannée, son agressivité encouragée pour la défense, sa force utilisée pour tirer des charges, le chien aurait aussi quelques raisons d'aboyer pour demander des comptes à l'homme... Mais comme chacun sait, notre "wha" à poils ne retient rien, ou presque, de nos vilenies.
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