Peut-on sentir l'univers en soi ? Frémir, presque comme s'il s'agissait de la douleur d'un amour perdu ? Non? Si. Voilà qu'il neige. Le sirocco charrie du sable du désert. Et les étoiles transpercent de nocturnes nuages. Rien de ce qui se passe dans l'immensité du monde ne nous est étranger, rien. Les secrets sont friables, très bleus.
Je vais écouter battre le pendule de Foucault, sous la voûte de la chapelle du Conservatoire des Arts et Métiers. Parfois. Ecouter car il traverse l'air avec ce silence que produit un fauve qui a bondit. Non, je n'ignore pas Umberto Eco. Tenez : "C'est alors que je vis le Pendule... De la sphère de cuivre émanaient des reflets pâles et changeants, frappée qu'elle était par les derniers rayons du soleil qui pénétraient à travers les vitraux". Je ne dirai rien d'autre de ces 700 pages. Il faut relire ce roman, si l'on veut. Ce qui m'essouffle, me magnétise ce n'est pas ce texte. Il dit peu, du Pendule, derrière le lever de rideau. Non, c'est le vrai qu'il faut reluquer, ce câble d'acier tendu, muet, avec un point fixe très haut, idéal, qui supporte tout. Et cette lourdeur. Cette lente et immense masse. Allant, revenant, écrasant le temps, évadée de notre monde. Un astre. Un puits de mystère absolu.
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Voilà qu'il neige dans la chapelle. Et que les soleils traversent la voûte. Nous sommes entre les galaxies. Avec le pendule l'on a sous les yeux la machine du monde. La Terre en rotation, l'univers, puisque le lourd battant reste rivé aux étoiles les plus lointaines, dans un plan fixe, alors que nous, passagers de la planète, tournons. Rôles inversé. Nous sommes dans la cage et pendule est libre. La réponse ? On croit la toucher. Mais non, encore le mystère glisse et coule ailleurs.
Foucault, c'est Stéphane Deligeorges, de France Culture et auteur de "Foucault et ses pendules" (Editions Carré, Collection Vues des sciences, Paris, 1990 et 1995) qui en parle :
"C'est en janvier 1851, que ce physicien français né en 1819, monte dans la cave voûtée de son domicile rue d'Assas son expérience princeps. Elle va montrer qu'un simple pendule, en oscillant, révèle des effets très ténus de la rotation de la Terre. Pour cela, Léon Foucault installe un fil métallique de deux mètres de long supportant un lourd poids de fonte. Le 8 du mois, il découvre, vers deux heures du matin, la réalité d'un mouvement minuscule, mais qui est l'indice pour qui sait l'interpréter, d'un mouvement grandiose. "Le phénomène se développe avec calme, il est fatal, irrésistible (...) On sent, en le voyant naître et grandir, qu'il n'est pas au pouvoir de l'expérimentateur d'en hâter ni d'en retarder la manifestation. Tout homme mis en présence du fait demeure quelques instants pensifs et silencieux, et généralement il se retire, emportant par-devers lui un sentiment plus pressant et plus vif de notre incessante mobilité dans l'espace ", écrit-il.
Que dire aujourd'hui ? Suivons le théoricien Marc Lachièze-Rey : pourquoi le pendule est-il fixe ? Pourquoi désigne-t-il le seul repère absolu, celui du fond de l'univers, qui ne bouge pas, alors que nos planètes, soleils, nébuleuses et galaxies sont en mouvement ?
Ernst Mach est l'inspirateur d'Einstein. Selon le philosophe et le physicien, l'ensemble de la matière du cosmos agit sur toute la matière du cosmos. C'est ce qui explique l'inertie de toutes choses. Les matières ont une résistance au changement de mouvement (accélération et décélération), comme si la trame de l'univers exerçait sur eux une multitude d'actions. Toile d'araignée.
Mais alors si l'on tombe du ciel, pourquoi les étoiles ne nous retiennent-elles pas en l'air ? J'aimerai flotter dans le silence des flocons.
Tentez donc de pousser un camion en panne. Un cycliste à présent. Les deux sont montés sur roues, mais la différence est immense. Elle est due à l'inertie. L'effort à fournir n'est pas le même car la quantité de matière de nos deux "clients" n'est pas identique. Elle résiste au changement, à l'augmentation de mouvement (a). On parle de masse "inertielle" (Mi). (F=Mi.a)(2eme loi de Newton). Cette (Mi) inertielle intervient encore lorsqu'un avion s'écrase sur une vitre. Il provoque davantage de dégâts qu'un moucheron (résistance plus importante à la diminution du mouvement). Cette masse intertielle en quelque sorte "accumule " ou "restitue" de l'énergie lors de ses changements de mouvement (accélérations et décélérations).
Hé, il y a encore une autre masse au travail dans l'univers. Plus rien cette fois à voir avec des mouvements. On parle des objets. Ils s'adorent, ils s'attirent. La Terre la lune, les doigts de la main, le phare et le voilier qui passe devant sont poussés les un vers les autres par une force mystérieuse, qui dépend de leur distance et de leur quantité de matière (F=GmM/r2) (loi de la gravitation universelle : m et M sont les masses des deux objets, r la distance (au carré)). Nous sommes ainsi collés à la surface de la Terre. Reliés à elle. Là encore on dit "masse" mais gravitationnelle, cette fois on note (Mg).
Du sommet de la tour Eiffel, lâchez un ministre et un autobus. Lequel arrive en bas le premier ? Ce qui les attire vers le bas, c'est la force entre leurs masses et celle de Terre. Leur masses gravitationnelles les précipitent vers le sol et à ce jeu, c'est l'autobus qui doit gagner (on "imagine" que la résistance de l'air est nulle).
Mais le ministre et le bus ont aussi une "résistance" à cette accélération de leur mouvement. Et là, cette fois, c'est le ministre qui gagne : il a moins de masse inertielle que l'autobus.
Et bien voyez-vous, l'un des vastes mystères de la physique, c'est que masse inertielle et masse gravitationnelle, pourtant de "nature" différente dans notre représentation du monde, s'équilibrent parfaitement. Les effets de l'une compense à la perfection les vicissitudes de l'autre. Masse accélération et masse de résistance au changement s'anihilent. Et la réponse précise, côté ministre en chute libre, c'est que (dans le vide), le bus et lui iront se fracasser au sol dans le même instant. La durée de chute des corps est indépendante de leur masse. C'est le "principe d'équivalence". Mi = Mg ! Vous avez bien lu : "principe". Cela signifie que l'on ignore, au fond, comment virevolte la neige.
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