28.5.07

L'année où la Chine se saborda

Pourquoi la mondialisation ? On pourrait remonter à Babylone, à Rome, aux premiers Empires de conquète et de commerce.

Mais des débris de gouvernails géants (11 mètres) récemment retrouvés en Chine, attestant des dimensions colossales des navires de l'amiral He, et la quasi-simultanéité de ces deux phénomènes me fait choisir le XVème siècle pour souligner le phénomène :

1436 : l'Empereur de Chine, Hongxi, interdit que l'on construise de nouveaux navires au long cours, et met fin aux explorations de l'amiral Zheng He, qui depuis 1405 arpentait les Océans, jusqu'au Mozambique, et selon certains, jusqu'aux Amériques. Zheng He était un Hui, un Han d'origine musulmane. Mǎ Sānbǎo, son véritable nom, était le fils d'un chef mongol (région du Yunnan), et lorsque son père fut vaincu puis tué, l'enfant fut castré (à 9 ans) pour devenir eunuque. Il grimpa les échelons au Palais Impérial et devint grand eunuque. Par son influence il obtint de l'empereur Yongle (celui qui déménagea la capitale impériale de Nankin à Pékin) le commandement de la flotte en préparation.

Une armada d'apparat pour laquelle on rapporte que près de la moitié de forêts de Chine furent sacrifiées. La flotte aurait compté 30 000 hommes et 70 vaisseaux à son apogée, des vaisseaux pouvant atteindre 130 mètres de long et 55 mètres de large, dotés de neuf mâts. Rebaptisé amiral Zheng He, Sanbao effectuera 6 expéditions pour Yongle, et une septième à la demande de Xuande, l'empereur qui succèdera à Hongxi.

Après cette septième expédition ces dépenses furent une nouvelle fois jugées trop lourdes et stériles. L'Empire ne commerçait pas. Il explorait, distribuait des présents, exhibait sa puissance. Un peu à la manière dont les Etats-Unis ont posé le pied sur la Lune, dans les années 70, de façon à démontrer leur suprématie. La flotte fut ainsi brûlée ou laissée à l'abandon et la Chine, empire terrien et de vaste étendue, aux ressources nombreuses et aux frontières difficiles à garantir se recentra sur ses préoccupations millénaires.

1443 : Le prince Henri le "navigateur" ordonne et ornanise les expéditions de ses marins , qui vont descendre toujours plus loin vers le sud, contourner l'Afrique, et ouvrir la voie de l'Asie au Portugal et à l'Europe. Les royaumes européens, en rivalités les uns avec les autres, et de taille parfois minuscules (Venise, le Portugal, l'Angleterre, la Hollande), avaient tout à gagner à étendre leurs territoires dans les territoires inexplorés et à tenir le commerce des denrées rares. La Santa Maria, la caravelle de Christophe Colomb (1495), fait 30 mètres de long et 8 mètres de large.


La "mondialisation" n'est pas le fruit du hasard. La conjonction des techniques (le navire cargo, les cartes, la boussole) et de l'économie (la plus value apportée par le commerce de denrées désirables et l'étendue des territoires européens que procure la conquête de ces "nouveaux mondes", la mise en production de zones nouvelles, la disponibilité d'une main d'oeuvre gratuite dans le cas de l'esclavage ou peu coûteuse) permet un accroissement significatif des richesses pour les acteurs historiques de cette mondialisation. Dans la guerre d'influence que se livrent les puissances économiques et militaires européennes, il est "vital" d'accéder aux richesses minières, agricoles, démographiques du vaste monde.

Cette vague de colonisation, de spoliation, couplée à la révolution industrielle, se complique à la fin du XIXème siècle et prend brutalement fin dans les années 1930. Le choc des Empires, la crise économique, la fermeture des frontière sont un point de rupture violent. La première et la seconde guerre mondiale constituent, d'un certain point de vue, la lutte entre les forces du monde passé et celles du futur. La désagrégation des Empires, l'émergence des Etats-Unis, de l'URSS, du Japon, les révoltes des peuples colonisés transforment un paysage jusque là contrôlé par le Grande-Bretagne, la France, l'Autriche-Hongrie.

Une seconde vague de mondialisation commence dans les années 60.
Ce n'est qu'en 1970 que les échanges mondiaux retrouvent leur niveau des années 1910.
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Pour la "deuxième vague" de mondialisation que nous connaissons aujourd'hui le cercle des acteurs s'est élargi. Davantage de nations participent au jeu (Chine, Asie, Inde, Amérique du Sud, Afrique...). Les instruments techniques ont évolué (avion, cargo, internet, énergie peu chère, règles des échanges internationaux). L'esclavage a disparu, et a été remplacé par un chantage à la misère. Le principe repose toujours sur la plus value attendue d'un produit lointain, désirable car moins coûteux que son équivalent local.

Il est intéressant de noter que la Chine, par le réservoir de main d'oeuvre dont elle dispose, par sa transformation de société agricole en géant industriel et par la structure de son régime politique et social est, sauf cataclysme, cette fois assurée de devenir la grande puissance mondiale du XXIème siècle.

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