L'homme est-il un primate ébouriffé ? Un primate comme les autres (les singes ?) La question peut étonner, tant le "cousinage" de l'humain et des grands singes (gorilles, chimpanzés, orang-outans) semble établi. Au point que Desmond Morris en ai fait le "singe nu" et que les spécialistes, de découverte en découverte, ne cessent de s'extasier : "Il y a cinquante ans, quand nous ne savions pratiquement rien des chimpanzés, nous ne nous serions jamais doutés de la richesse et de la complexité de la culture des chimpanzés que nous avons découverte", explique Andrew Whiten, de l'université de Saint Andrews(Ecosse).
Toutefois, en errant sur internet, on tombera sur des sites féroce de stupidité. Là notre proximité avec nos primates cousins poilus est contestée, piétinée, considérée comme propagande, vilipendée avec des arguments qui ne méritent de notre part que simagrées et rictus dédaigneux.
C'est dès 1758 que Carl von Linné (suédois et naturaliste) conçoit un groupe devenu depuis un ordre (pour situer : règne animal, embranchement des chordés (cela désigne le système nerveux), classe des mammifères, ORDRE des primates) comprenant l'homme, les simiens, les prosimiens, les dermoptères et les chiroptères. Cent ans avant les publications de Darwin, la proximité entre les simiens et l'homme était déjà évidente, pour Linné. Il donna à ce groupe le nom de « préminient » (à la première place) : les primates. On a depuis considéré que dermoptères et les chiroptères sont des groupes séparés et plus éloignés.
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Pour les autres, au contraire, la proximité s'est renforcée : l'université d'état de Wayne, à Détroit (Etats-Unis) a par exemple comparé les expressions de 97 gènes fonctionnels de l'homme et du chimpanzé. La coïncidence entre les deux génomes, sur ces terrains, est de 99.4 %. Dans le sillage des travaux de ce type, certains ont proposé de classer "Pan troglodytes" et "Pan paniscus" dans le genre Homo.
"Ils" se servent d'outils en bois ou en pierre, font la guerre, ont de l'humour, du chagrin et une conscience d'eaux. Sur certains tests de compétences, ils sont mêmes meilleurs que les humains :
Le primatologue Tetsuro Matsuzawa, rapporte Le Monde, a étudié un jeune chimpanzé face à un ordinateur. Lui faisant scruter un écran ou apparaissaient de façon brève et aléatoire des chiffres de 1 à 9. L'expérience a été recommencée plusieurs fois avec les chiffres à des places différentes. Le chimpanzé, récompensé chaque fois par de la nourriture, ne s'est pratiquement jamais trompé et désignait chaque fois l'endroit où étaient apparus les chiffres. Un homme soumis à la même expérience ne la réussissait pas, et se souvenait rarement de plus d'un ou deux chiffres précédents. "L'homme ne peut pas le faire, assure Tetsuro Matsuzawa. Les chimpanzés sont supérieurs à l'homme dans ce domaine précis." Pour le scientifique, les hommes ont "perdu la mémoire immédiate et, en compensation se sont dotés de la symbolisation, et du langage".
Le fait que l'homme puisse désormais être considéré, du point de vue de l'évolution, tel un primate "comme les autres" ouvre un autre débat : en conséquence de cette proximité les grands singes proches n'ont-ils pas droit à une considération particulière de notre part ? Le philosophe australien Peter Singer, auteur de "animal liberation" souhaite ainsi depuis des décennies que l'on accorde à nos "cousins" un statut plus favorable, une protection rapprochée, une charte des "droits" du primate non-humain.
Des opposants à ce projet se sont déclarés dès les années 70 et demeurent très actifs aujourd'hui. Les bougres en blémissent : accorder des droits à un non-homme reviendrait à leur yeux à "rabaisser" l'homme au rang vulgaire de l'animal.
Faut-il que l'homme aie peur de son ombre pour craindre de diluer la définition de son humanité dans la reconnaissance de la proximité phylogénétique des grands singes ?
Hélas, si ces "droits" advenaient a être proclamés, cela sera sans doute à titre posthume, désormais. Nos primates parents sont aujourd'hui en passe d'être effacés de la surface de la planète... Pour certaines sous-espèces, on ne compte plus que quelques centaines d'individus. Globalement :
• Le chimpanzé, en voie d’extinction. Ils occupent surtout les zones des forêts pluviales, certains sont parvenus à s’adapter à la savane et zones boisées. D’ici dix ans, il risque de disparaître de la vie sauvage.
• Le bonobo ou chimpanzé nain, en voie d’extinction. Les bonobos occupaient autrefois un vaste territoire en Afrique équatoriale. Ils ne se rencontrent plus que dans une forêt pluviale du Zaïre.
• Le gorille, en voie d’extinction, actuellement stabilisé ? Le gorille de montagne, au nombre de 600 individus, survit sur les pentes des volcans du Virunga, et le gorille des plaines, environ 30000 individus dans le monde, survit au Zaïre, Cameroun, Congo, Gabon et Angola.
• L’orang-outan, en voie d’extinction. D’ici 2010 à Bornéo, les orangs-outans auront disparu de la vie sauvage.
Dans un grand telescopage, on pourra dire que certains (chercheurs) voyaient dans le comportement des primates non-humains les racines de la morale humaine. Ainsi, le comportement consistant à aller sauver un "autre" qui se noie, ou à se priver de nourriture car à chaque fois que l'on actionne le dispositif de "nourrissage" cela délivre une décharge électrique à un compagnon (une expérience humaine, faut-il préciser ?) a été observé chez des singes en captivité.
Marc Hauser, biologiste de l'évolution à Harvard, suggère dans son ouvrage “Moral Minds” que le cerveau des grands singes dispose de structures auxquelles une société animale peut apporter des comportements pouvant être assimilés à des règles morales, dans une complémentarité analogue au langage. Un point de vue que partage le primatologue Frans de Waal : les racines de la moralité pourraient être en nous comme chez les grands singes. Histoire, sociétés, langages auraient fait de ces premières briques de morale notre humaine et complexe "éthique".
De Wall rapporte ainsi avoir observé que la consolation était présente chez les grands singes mais absente chez les petits primates, comme les macaques, dont les mères ne rassurent pas les enfants blessé ou rejetés. Il pense que pour apaiser il faut être capable d'empathie et d'un certain niveau de conscience de soi, de son "être" que ne possèdent que les grands singes. Selon lui il s'agirait bien là d'un embryon de morale.
Et qui viendra nous consoler, nous, d'être d'aussi piètres cousins, lorsque notre "morale" nue n'aura pas suffit à sauver "leur" peau velue ?
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