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Un jour Todd Palmer, zoologue de Floride, se demanda pourquoi des acacias d'Afrique, depuis des années entourés de barrières, protégés des dévoreurs que sont girafes et éléphants, avaient si piètre allure. Le contraste était saisissant : d'autres arbres, se trouvant à l'extérieur de ces barrières, étaient eux tout flamboyants. Alors qu'à coup de dents ils étaient régulièrement broutés, tondus, ébranchés.
Etrange, non ?
Les acacias siffleurs sont des arbres communs dans les régions tropicales, sub-sahariennes et la savane d'Afrique de l'Est. Leurs grosses épines servent de nids à plusieurs espèces de fourmis piqueuses. Certains arbres sont pourvus de centaines de ces épines et abritent ainsi des armées de centaines de milliers de fourmis.
Insectes et acacias bénéficient de leur cohabitation: les fourmis trouvent là gîte et couvert (le nectar produit par les feuilles de l'arbre). Pour leur part les fourmis procurent une défense supplémentaire à l'arbre. Sensibles et agressives, elles surgissent à la moindre trépidation pour repousser tout ce qui bouge. Toutes sortes d'insectes, mais elles incommodent également les gros brouteurs, sans les dissuader totalement.
Un équilibre, en quelque sorte.
Ces interactions complexes sont le fruit de co-évolution entre espèces, un peu du même type que celles des fleurs et des insectes qui les butinent, s'y régalent et les pollenisent. Comme l'orchidée et son papillons à très longue trompe.
On connaît encore des fourmis d'Amérique centrale qui vivent dans des arbres, y traient des chenilles, consomment leur mielat. Lorsque la précieuse chenille est attaquée, elle pousse un "cri" . De quelle manière ? En frottant une grille à la surface de son enveloppe. Cette vibration fait accourir des fourmis qui se dressent et empêchent les guêpes pondeuses de se poser pour piquer et parasiter la chenille. La présence des fourmis est par ailleurs propice à la plante, qui pour ainsi dire la "jardinent".
Lorsque pour une mystérieuse raison (allez parler de clôtures électriques à un acacia) les arbres ne sont plus broutés par ces voraces de grands mammifères, leur cycle s'en trouve modifié. Les arbres produisent moins de feuillage et de nectar. Cela peut sembler paradoxal, mais c'est là leur réponse à la pression des herbivores. Un peu comme un arbre fruitier que l'on récolte et taille porte des fruits plus nombreux qu'un sauvageon.
Résultat, les colonies de ces arbres négligés périclitent et les fourmis finissent par chercher ailleurs des arbres plus "généreux". Elles abandonnent la place. Arrivent alors d'autres fourmis, plus passives, mais encore des régiments de xylophages qui s'attaquent au bois, forent leurs galeries, font bien davantage encore dépérir les arbres.
Osons le dicton :
Si tu veux voir l'arbre pousser et la fourmi rigoler, laisse brouter.
(D'après une étude publiée le 11 janvier par la revue Science)
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