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Pourquoi cette question ? Car en ce moment l'Euro semble dire quelque chose de l'Europe. Il devrait du moins nous encourager à penser.
Par exemple, dans le Monde aujourd'hui, cette opinion de Patrick Artus qui nous dit d'une façon très claire que l'Union est une forteresse monétaire et économique qui n'est pas dirigée. Un peu comme si ces peuples avaient construit un magnifique vaisseau apte à afronter toutes les mers et toutes les tempêtes, à rallier les rivages les plus luxuriants.
Mais il n'y a personne à la barre ! Juste une armée de technocrates dignes de Brazil, et quelques eurodéputés affairés à ne pas déplaire.
Personne pour dire à quoi doit servir cette richesse, quel monde elle est censée incarner et faire vivre. La question suivante est : faut-il un système de pilotage de l'UE ou les forces vives auront-elles capacité à faire émerger une sorte de sagesse ?
Pour ma part ce bateau ivre me fait trembler. Et si le "durable" et une économie sans expansion étaient les prochains objectifs politiques ? Je n'ose utiliser le mot de partage, tant il est galvaudé. Mais la phrase de Hugo retse plantée en moi : "C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches". Il reste aux peuples de ce continent à s'emparer de quelque chose qui puisse ressembler à un projet humain.
La tribune parue dans Le Monde :
Même après son petit recul récent, l'euro s'est apprécié de 20 % vis-à-vis du dollar depuis le début de l'année 2007 ; il est aujourd'hui surévalué de 30 % environ par rapport à la parité de pouvoir d'achat, c'est-à-dire par rapport au niveau qui donnerait un niveau de compétitivité normal à l'industrie européenne.
On critique souvent la Banque centrale européenne (BCE) pour cette évolution du taux de change de l'euro, mais il faut voir que des taux d'intérêt plus bas dans la zone euro ne changeraient pas grand-chose à cette évolution : l'euro s'est fortement apprécié vis-à-vis du dollar en 2006 et au premier semestre 2007 alors que les taux d'intérêt à court terme sur le dollar étaient beaucoup plus élevés que les taux d'intérêt sur l'euro (au début de 2006, 4,5 % aux Etats-Unis contre 2,25 % dans la zone euro), ce qui montre que les niveaux relatifs de taux d'intérêt ne sont pas les déterminants essentiels de la parité de l'euro.
La cause essentielle de l'appréciation de l'euro est à trouver dans les flux de capitaux qui se dirigent vers la zone euro : depuis 2002, et de manière croissante, les investisseurs non européens accroissent leurs détentions de titres (obligations, actions) en euros, avec des achats nets annuels de ces titres variant autour de 600 milliards d'euros par an. Ceci reflète la hausse du rôle de l'euro, au détriment essentiellement du dollar, comme monnaie internationale de réserve, pour les investisseurs privés comme pour les investisseurs publics : la part de l'euro dans les réserves de change des banques centrales est passée de 14 % en 2002 à 27 % au début de 2008.
Or la zone euro n'a pas besoin de ces financements extérieurs : elle n'a ni déficit commercial ni dette extérieure, c'est-à-dire qu'elle n'est pas vendeuse d'actifs au reste du monde, qu'elle n'a pas la nécessité de s'endetter auprès du reste du monde. Il y a donc une demande croissante d'actifs en euros de la part des investisseurs non européens, et pas d'offre correspondante : le rééquilibrage du marché des actifs en euros, à partir de cette situation initiale d'excès de demande, implique donc une appréciation de l'euro. L'euro fort vient donc du rôle croissant de monnaie internationale de réserve de l'euro.
La situation de la zone euro est aussi totalement opposée de celle des Etats-Unis, or le financement du déficit extérieur (autour de 750 milliards de dollars soit 481 milliards d'euros cette année) implique un recours massif à la vente d'actifs en dollars aux investisseurs non américains, c'est-à-dire l'attraction de l'épargne mondiale vers les Etats-Unis.
Lorsqu'un pays (une région) peut facilement financer un déficit extérieur en s'endettant (c'est-à-dire en vendant des actifs) auprès du reste du monde à un taux d'intérêt faible, puisque les actifs de ce pays sont recherchés, font l'objet d'une forte demande, on dit usuellement qu'il bénéficie "du privilège exorbitant de la monnaie de réserve", expression utilisée (avec jalousie de la part des Européens) pour les Etats-Unis et le dollar dans le passé.
Mais la zone euro bénéficie maintenant aussi du privilège exorbitant de la monnaie de réserve, avec le poids croissant de l'euro dans les portefeuilles internationaux. Seulement elle n'en profite pas pour financer facilement un déficit extérieur, elle subit, à cause de cette situation, une surévaluation de sa devise.
Il paraît donc normal de suggérer que la zone euro devrait utiliser le rôle international croissant de l'euro comme monnaie de réserve pour financer, en émettant sur le marché obligataire international, des projets utiles à sa croissance. Les Etats-Unis ont commis l'erreur depuis trente ans d'utiliser le rôle de monnaie de réserve du dollar pour financer des déficits publics improductifs (baisses d'impôts directs, dépenses militaires...) puis les achats de logement et la consommation des ménages. La contrepartie de leur dette extérieure est donc des dépenses de transferts publics et des dépenses des ménages, pas du capital productif ou des infrastructures.
L'Europe pourrait éviter ce piège en utilisant sa capacité nouvelle à se financer à des conditions favorables auprès du reste du monde pour réaliser des dépenses d'infrastructures publiques, de recherche et d'éducation supérieure, d'investissements dans le capital de PME innovantes. Concrètement, ce projet pourrait prendre la forme d'un programme spécial d'émissions d'obligations en euros de la Banque européenne d'investissements destinées aux non-résidents, calibré en fonction de l'excès de demande d'euros vu plus haut, c'est-à-dire de la hausse observée de la part de l'euro dans les portefeuilles obligataires des investisseurs non européens (c'est-à-dire 300 à 500 milliards d'euros par an en ce moment), et dont le produit serait affecté uniquement à des projets stimulant la croissance à long terme et sélectionnés au niveau européen, afin d'éviter la dérive vers le financement de transferts publics, de dépenses courantes.
L'existence de ce programme réduirait les handicaps de la zone euro (il reste bien sûr à traiter la difficulté du champ : union européenne ou zone euro puisque ce sont les actifs en euros qui font l'objet d'une forte demande) dans les domaines cités plus haut (recherche et développement, enseignement supérieur, espace, transports rapides ou économies en énergie, absence de croissance des PME...) et, faisant apparaître une offre de titres en euros en face de la demande pour ces titres, éviterait l'appréciation tendancielle de l'euro.
Evidemment, cette proposition se heurte au caractère simpliste des règles budgétaires de la zone : la limite de 3 % du PIB pour le déficit public du pacte de stabilité ne prend en compte ni la capacité de financement plus ou moins grande de ce déficit, ni la nature des investissements publics qu'une hausse des émissions publiques en euros permettrait de réaliser, ni bien sûr les effets sur le taux de change.
Personne pour dire à quoi doit servir cette richesse, quel monde elle est censée incarner et faire vivre. La question suivante est : faut-il un système de pilotage de l'UE ou les forces vives auront-elles capacité à faire émerger une sorte de sagesse ?
Pour ma part ce bateau ivre me fait trembler. Et si le "durable" et une économie sans expansion étaient les prochains objectifs politiques ? Je n'ose utiliser le mot de partage, tant il est galvaudé. Mais la phrase de Hugo retse plantée en moi : "C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches". Il reste aux peuples de ce continent à s'emparer de quelque chose qui puisse ressembler à un projet humain.
La tribune parue dans Le Monde :
Même après son petit recul récent, l'euro s'est apprécié de 20 % vis-à-vis du dollar depuis le début de l'année 2007 ; il est aujourd'hui surévalué de 30 % environ par rapport à la parité de pouvoir d'achat, c'est-à-dire par rapport au niveau qui donnerait un niveau de compétitivité normal à l'industrie européenne.
On critique souvent la Banque centrale européenne (BCE) pour cette évolution du taux de change de l'euro, mais il faut voir que des taux d'intérêt plus bas dans la zone euro ne changeraient pas grand-chose à cette évolution : l'euro s'est fortement apprécié vis-à-vis du dollar en 2006 et au premier semestre 2007 alors que les taux d'intérêt à court terme sur le dollar étaient beaucoup plus élevés que les taux d'intérêt sur l'euro (au début de 2006, 4,5 % aux Etats-Unis contre 2,25 % dans la zone euro), ce qui montre que les niveaux relatifs de taux d'intérêt ne sont pas les déterminants essentiels de la parité de l'euro.
La cause essentielle de l'appréciation de l'euro est à trouver dans les flux de capitaux qui se dirigent vers la zone euro : depuis 2002, et de manière croissante, les investisseurs non européens accroissent leurs détentions de titres (obligations, actions) en euros, avec des achats nets annuels de ces titres variant autour de 600 milliards d'euros par an. Ceci reflète la hausse du rôle de l'euro, au détriment essentiellement du dollar, comme monnaie internationale de réserve, pour les investisseurs privés comme pour les investisseurs publics : la part de l'euro dans les réserves de change des banques centrales est passée de 14 % en 2002 à 27 % au début de 2008.
Or la zone euro n'a pas besoin de ces financements extérieurs : elle n'a ni déficit commercial ni dette extérieure, c'est-à-dire qu'elle n'est pas vendeuse d'actifs au reste du monde, qu'elle n'a pas la nécessité de s'endetter auprès du reste du monde. Il y a donc une demande croissante d'actifs en euros de la part des investisseurs non européens, et pas d'offre correspondante : le rééquilibrage du marché des actifs en euros, à partir de cette situation initiale d'excès de demande, implique donc une appréciation de l'euro. L'euro fort vient donc du rôle croissant de monnaie internationale de réserve de l'euro.
La situation de la zone euro est aussi totalement opposée de celle des Etats-Unis, or le financement du déficit extérieur (autour de 750 milliards de dollars soit 481 milliards d'euros cette année) implique un recours massif à la vente d'actifs en dollars aux investisseurs non américains, c'est-à-dire l'attraction de l'épargne mondiale vers les Etats-Unis.
Lorsqu'un pays (une région) peut facilement financer un déficit extérieur en s'endettant (c'est-à-dire en vendant des actifs) auprès du reste du monde à un taux d'intérêt faible, puisque les actifs de ce pays sont recherchés, font l'objet d'une forte demande, on dit usuellement qu'il bénéficie "du privilège exorbitant de la monnaie de réserve", expression utilisée (avec jalousie de la part des Européens) pour les Etats-Unis et le dollar dans le passé.
Mais la zone euro bénéficie maintenant aussi du privilège exorbitant de la monnaie de réserve, avec le poids croissant de l'euro dans les portefeuilles internationaux. Seulement elle n'en profite pas pour financer facilement un déficit extérieur, elle subit, à cause de cette situation, une surévaluation de sa devise.
Il paraît donc normal de suggérer que la zone euro devrait utiliser le rôle international croissant de l'euro comme monnaie de réserve pour financer, en émettant sur le marché obligataire international, des projets utiles à sa croissance. Les Etats-Unis ont commis l'erreur depuis trente ans d'utiliser le rôle de monnaie de réserve du dollar pour financer des déficits publics improductifs (baisses d'impôts directs, dépenses militaires...) puis les achats de logement et la consommation des ménages. La contrepartie de leur dette extérieure est donc des dépenses de transferts publics et des dépenses des ménages, pas du capital productif ou des infrastructures.
L'Europe pourrait éviter ce piège en utilisant sa capacité nouvelle à se financer à des conditions favorables auprès du reste du monde pour réaliser des dépenses d'infrastructures publiques, de recherche et d'éducation supérieure, d'investissements dans le capital de PME innovantes. Concrètement, ce projet pourrait prendre la forme d'un programme spécial d'émissions d'obligations en euros de la Banque européenne d'investissements destinées aux non-résidents, calibré en fonction de l'excès de demande d'euros vu plus haut, c'est-à-dire de la hausse observée de la part de l'euro dans les portefeuilles obligataires des investisseurs non européens (c'est-à-dire 300 à 500 milliards d'euros par an en ce moment), et dont le produit serait affecté uniquement à des projets stimulant la croissance à long terme et sélectionnés au niveau européen, afin d'éviter la dérive vers le financement de transferts publics, de dépenses courantes.
L'existence de ce programme réduirait les handicaps de la zone euro (il reste bien sûr à traiter la difficulté du champ : union européenne ou zone euro puisque ce sont les actifs en euros qui font l'objet d'une forte demande) dans les domaines cités plus haut (recherche et développement, enseignement supérieur, espace, transports rapides ou économies en énergie, absence de croissance des PME...) et, faisant apparaître une offre de titres en euros en face de la demande pour ces titres, éviterait l'appréciation tendancielle de l'euro.
Evidemment, cette proposition se heurte au caractère simpliste des règles budgétaires de la zone : la limite de 3 % du PIB pour le déficit public du pacte de stabilité ne prend en compte ni la capacité de financement plus ou moins grande de ce déficit, ni la nature des investissements publics qu'une hausse des émissions publiques en euros permettrait de réaliser, ni bien sûr les effets sur le taux de change.