6.7.07

D'où vient le sable ?

On promet de résister. De ne pas courir dans le froid en hurlant de plaisir. La première neige est là, qui fait de nos ventres des vertiges. Et les rues du village sont des allées dociles et tendres, où rôde le délicat silence des merveilles.

Les bonnets de laine sortent des maisons. Dans le noir les racloirs de bois hurlent de devoir défigurer la couche de poudreuse.

Avec Denis et Pierre, nous glissons par notre chemin du matin. Vers le terminus du 64, l'autocar qui à son tour nous mènera en ville, au lycée. Sur la route, une "quatreL" Renault orange. Seule, elle valse sans bruit. Lentement dérape, à un cheveu d'un poteau de béton. C'est léger comme l'image, sur la toile du ciné.
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Les pieds mordus par le froid, les gants raidis d'avoir lancé des boules. En retard. Faut prendre par le raccourci. Nous tournons le coin. Eh, faudrait courir, les gars. Mes potes sont soudés sur place. Des fumées de locomotives sortent des becs ouverts en grand. Ils me montrent. Le soleil n'est toujours pas levé mais on voit bien, avec le lampadaire du carrefour : sur les champs, quelque chose a saupoudré. Quelque chose de fou. Un sable rouge, qui loin, partout, fait comme s'il avait neigé du sang sur la neige.

Denis hausse les épaules, malin.
"Le vent."
"Quoi le vent ?"
"La tempête du sud, parfois elle apporte du sable du désert, depuis le Sahara, par-dessus la Méditerranée".
Nous sommes repartis vers le lycée, deux fois ivres de bonheur.

Le sable ? C'est du roc. Du roc de montagne ou de plaine, fouetté, martyrisé, brisé, réduit entre 0,063 et 2 mm, emporté par le gel, la pluie et le vent. Des grains qui se heurtent, s'usent, et vont encore plus loin. Il s'agit de silice. Un constituant très dur. En combine avec de l'oxygène cela fait du quartz. Et si cela peut devenir minuscule, cela compose tout de même plus de la moitié de l'écorce terrestre.

Le plus drôle, avec le sable, c'est qu'il fait le contraire de ce que vous voulez. Vous le retenez ? Il se glisse entre les doigts. Vous voulez le sécher ? Il prend l'humidité. On entreprend de le tasser ? Et voilà qu'il ruisselle comme de l'eau.

Le secret, c'est l'air entre les grains. Selon les pressions, ils forment de petits ponts, des voûtes de minuscules cathédrales. Ils s'arcqueboutent. Et le sable, alors, se croit pierre. Une seconde après, lorsque l'on appuie plus, le voilà qui s'écoule à nouveau.

Le pire c'est que lorsque le roc est devenu sable de rivière, a gagné l'océan, la plage, et que des millions d'années ont filé, doucement alors ils se transforme à nouveau. Il se colle, se cimente, s'agglutine et redevient roche : grès rose, granite noir : on a l'embarras du choix. A moins de décider d'en faire des immeubles, du verre ou des puces d'ordinateurs.

Moi, c'est en vastes dunes oranges du Kalahari, celles qui "chantent", que je l'aime. Une rumeur, un effet de vibration, lorsque les grains dégringolent la pente. Ou alors lorsqu'il tombe du ciel, après avoir traversé les océans. Pour nous dire que tout voyage toujours, loin.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Magnifique !

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