Annie avec ses rousseurs éparpillées partout, des cheveux si profonds et bleus d'être noirs, et ma gorge serrée, quand je voulais regarder dans ses yeux. Annie pour qui mon sang faisait tant de bruit, dans mes veines, que je pensais qu'elle était un morceau de moi.
Elle s'était dressée, avait traversé la cour de récréation, était venue à moi raide et rouge comme si on lui avait frotté les joues avec de la neige.
"Ne me montre plus jamais du doigt !" Elle s'est retournée et ne m'a plus jamais parlé. Ou alors si elle m'a reparlé, je ne m'en souviens plus. C'est que cela ne pouvait plus être pareil entre nous. ça brise comme du verre, l'amour, à six ans.
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Ce jour-là j'ai su que ma mère avait raison, qui répétait qu'il ne fallait pas montrer les gens du doigt. Surtout en ricanant, adossé aux rambardes avec les plus crétins, ceux qui prenaient des poses et faisaient la loi.
Je suis rentré, seul, avec mon cartable en cuir qui me sciait le dos. Je shootais dans les cailloux et je maudissais les nuages. Je reniflais.
Hélène Loevenbruck, chercheuse à l'Institut de la Communication Parlée (CNRS, INPG et université Grenoble), s'est penchée sur le mystère de l'origine de notre manie de pointer du doigt. Le secret dit-elle, réside dans la période de notre vie où cette activité tourne à plein régime : chez le bébé de dix mois.
Il a été montré que peu avant un an tous les bébés du monde deviennent de bien étranges explorateurs, qui se déchaînent soudain en un ballet consistant à désigner les objets qui les intéressent à leurs parents, qui en réponse les leur nomment, sous menace de pleurs et de cris. Deux mois après cette période du "montrage du doigt" les bébés prononcent leurs premiers mots. Ils continuent à pointer du doigt pour communiquer avec leur entourage jusqu'à 20 mois. Après, on leur explique que cela ne se fait plus... Et encore plus tard, ils font semblant de ne plus s'intéresser à rien, et surtout pas aux personnes du sexe désiré...
La révélation de ce travail de recherche, c'est que le pointage est essentiel dans la communication. Hélène Loevenbruck a démontré, par une étude de l'activité du cerveau d'une douzaine d'adultes, que les zones de pointage gestuel et vocal sont voisines dans le cerveau. Savoir faire une phrase est donc aussi important que "pointer" les mots importants dans cette phrase. Cette démonstration révolutionne l'approche "classique" de l'apprentissage et de la compréhension du langage, qui concentre son attention sur la syntaxe (l'art d'assembler les mots) et délaisse la prosodie (l'intonation de la voix).
Et à l'âge adulte, c'est par l'expression du visage, et les variations de l'intonation de la voix dans une phrase que ce pointage se ferait, pour attirer l'attention de son interlocuteur.
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