Dans la cave et les odeurs moisies, en allant chercher le vin, on l'a tous fait.
Eteindre. Pour voir.
La lumière m'est venue dans un autre noir. C'était par un été suant, au Théatre de Chaillot, Paris. Dans cette exposition "conceptuelle" et déboussolante il s'agissait de s'évader d'un faux hôpital, de se faire éternuer dessus par de faux tableaux dont les personnages étaient "vrais", de se glisser sous de faux plafonds tout en gazon. Enfin, on y parvenait : la scène du Théâtre, recouverte de l'immense et fameuse "boîte noire". Restait à y pénétrer, suffoquer, mijoter. Les bras en avant, au pas lent, rançonné par des meubles vicieux, attaqué par une bande de vases et d'échelles, j'étais sur le point d'hurler lorsqu'une voix m'a accosté : "Bonjour. Je suis aveugle je vais vous guider. Faites-moi confiance".
C'était bien vu. Malgré sa main moite dans mon oreille, dans le noir, c'était lui qui voyait.
photo
Et puis ces "aveugles voyants", révélés à Londres, dans les années 90, par des expériences universitaires. Le sujets ne voient rien. On a vérifié, tu parles. Et pourtant lorsqu'on leur lance un objet gros comme un ballon, dans un réflexe ils l'esquivent ou le parent (au moins "presque" toujours). Ils n'ont en aucun cas la sensation de voir, mais ils ont vu.
Avais-je compris ? Suite à la "boîte noire" de Chaillot, et à la disparition de mon inhibition à l'égard des aveugles, j'avais contracté cette manie, dans la rue, de harponner le premier tapoteur de canne venu. L'autre jour je repère un gentleman : casquette, pantalon large et tige blanche, louvoyant sur le trottoir, bien en peine. Le candidat idéal ! Salivant déjà de ma b.a., j'accroche son bras :
- Bonjour. Vous allez vers où ? Je peux aider ?
Sa canne vrombit à deux centimètres de mon pif, manquant sa cible d'un cheveu.
Il vocifére, me poursuit au jugé :
- Bouff' ta race, laisse moi tranquill', zombie, gros naz, cass' toi, j't'ai rien d'mandé putain d'ta mère.
On est du même quartier. Chaque fois que je le croise, je fais celui qui n'a rien vu.
Une toute autre façon de s'aveugler m'a ébloui : celle de Martine et Frida.
La première chose à dire, c'est que Martine je l'aime comme un tajine amandes et pruneaux. C'est vrai, c'est la fille la plus chouette que je connaisse depuis que je suis né, je crois, à part deux ou trois autres, mais qui n'ont pas son parfum.
Martine pour situer, c'est jolie rousse, tailleur chic ou jean's à trous, qui va voir son copain intello-braqueur fourré en tôle pendant douze ans, et puis le jour de sa libération, poursuivie par l'urgence, passe au suivant sur la liste des-hommes-de-ma-vie. Ajoutez à ce détail qu'elle est revenue d'Oran, qu'elle secoue depuis trois décennies un rêve de vivre avec tous ses amis réunis dans un château, qu'elle est journaliste scientifique et va demander conseil aux dieux des arbres et des mares munie d'un grand bâton comme une druidesse scandinave et vous aurez une idée de comment la lumière peut être dorée et le coeur bondissant quand elle commence à vous parler de l'herbe qui pousse et des amours qu'il ne faut pas laisser passer. Un être solaire ?
Un jour Martine devient amie avec une nouvelle copine. Avec Martine et son profil d'Andalouse d'Algérie cela prend deux secondes et demi. L'amie, disons Frida, entre dans la bande à Martine et s'accole à, disons Robert, et là on se dit que c'est beau la vie quand ça colle même si on est plus à l'âge où la colle fait des petits. J'oublie de souligner. S'il y en a qui collent des affiches, Martine c'est des gens. Voyez : "Et si je collais Lulu avec Gilou ? ". Secouez. Expérience en cours. Résultat : Martine vit entourée de vieux grognons incasables, puisque tous les autres sont collés chez eux, à attendre le prochain décollage pour revenir grossir la bande en recherche de moitiés à coller.
L'histoire du "pas vu" commence ici. Frida et Robert, c'est de la colle caviar. Mais entre Martine et Frida cela commence à sentir le trop vu. Allez comprendre pourquoi. L'amour jaloux de l'amitié. Ou le contraire.
La scène de rupture entre les amies a lieu lors d'un réveillon, dont on peut dire que l'on aura vécu une manière d'éruption de l'Etna arrosée des chutes du Zambèze, pour la vapeur et la chaleur. Cela ne me dérange pas. Prenant la vie comme elle vient et les bavards comme ils sont, sauf quand ils n'ont plus rien à se dire, les cris et les postillons, ça m'est égal. Bref, ce soir de 31 évidemment, entre Martine et Frida, ce fut stupeur, hurlements et rupture fatale. Je ne savais pas. Mais chez les filles aussi, il y a des coqs qui se volent dans les plumes.
Quelques jours plus tard Julien, fils cadet de Martine, en apnée parmi les vieilleries, poussières et autres photos, exhume l'image de la classe de Martine à douze ans. On devrait toujours se méfier des plongeurs amateurs. Vous voyez le genre de photo : des filles alignées comme des oignons, sous le halo jauni des années. Car même si Martine reste à jamais jeunette, ses douze ans, eux, ne datent pas d'hier.
Julien dit : "Oh, tiens, maman...
- Oui, oui (soupir) mon fils, c'est une vieille photo de ta mère (merci, il avait compris)
- Mais là, parmi tes copines, on dirait comme Frida, sur la photo...
- Meuuuuh Julien, tu es fatigué ? Tu es fou, mon fils ?
- Non, non, je te jure !
Elle regarde. Blémit malgré tout son teint mat à cause du soleil et des gènes. Regarde le ciel et dieu. Enfin le plafond. Voilà, la lumière revient. La mémoire dessillée, le souffle court, hagarde, tremblements et tout, transpercée, elle exhale :
- Frida !
Frida. Cette Frida qu'elle rencontra deux années auparavant, qui devint son amie, se mit à la colle avec l'un de ses plus vieux et chers camarades, et avec qui elle vient d'allumer le grand incendie de l'amour fini, Frida était son problème, déjà, à douze ans. Elles étaient copines vachardes, les deux dominantes en conflit dans la classe. Sur la photo, on l'entrevoit. Elles sont aux antipodes du groupe de filles. Des regards qui s'évitent et des éclairs qui se croisent. Pole nord, pole sud.
Martine et Frida, à quatre décennies de distance, s'étaient sans le savoir deux fois joué le même drame des amies/rivales.
Au fond de l'oeil, nous avons une tache aveugle. Une zone sans rétine, où le nerf optique rejoint l'oeil. Quand la vie nous emm..., c'est pile avec ce "t'as rien vu" que nous la contemplons.
Placez-vous en face de cette page. Fermez l'oeil droit et fixez l'étoile. A environ 30 centimètres, vous ne verrez plus le nuage noir avec l'oeil gauche. Et inversement. A appliquer avec parcimonie aux humains. Certains sujets de ce traitement ne n'auraient jamais réapparus.
☁.........................................................☆
17.7.07
15.7.07
Rien de rien, t'es zéro
On peut le voir cruel comme la bulle, ou alors bête comme la lune, Zéro. Non, Zéro, c'est notre triomphe d'abstraction. Une invention fort tardive des civilisations (ailleurs, on ne sait pas). Et si, à Babylone et en Chine on usait depuis longtemps de pâles sortes de zéros, c'était pour combler les espaces. Mettre quelque chose sur les étagères des tableaux de numération (en chiffre, comme pour écrire 10000). Et non pour exprimer la quantité nulle (nombre), et la manoeuvrer.
Intéressant : le "rien", plus difficile à concevoir et à exprimer que des armées. Le rien, si difficile à entrevoir, puisqu'il exclut tout y compris lui. Cette phrase de Char, qui me semble bien aller : "Dans nos Ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté." (Feuillets d'Hypnos)
Le magnifique double usage de Zéro, à la fois comme chiffre et comme nombre du rien (comme signe et comme valeur), nous provient du Vème siècle indien. Là, du moins, les premiers témoignages : il existait un effet un vocable indien (et quantité de synonymes) désignant le « vide », l'« espace » ou «le manquant », le "non-créé". En sanskrit il s'agit de śūnya (çûnya) ou shûnya.
photo
Vous protestez ? L'idée de vide était présente dans de nombreuses philosophies et civilisations.
Oui, d'ailleurs chez les Grecs :
"Donc, avant tout, fut le vide; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le coeur et le sage vouloir.
Du Vide naquirent Erèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Ether et Lumière du Jour. Terre, elle, d'abord enfanta un être égal à elle-même ; capable de la couvrir tout entière, Ciel Etoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais."
Hésiode (poète, VIIIème siècle av J.-C.). Théogonie.
Oui le vide était là. Mais cette lucidité du "non-être" était bien plus acérée au coeur de la religion hindoue. Elle y forge la symbolique centrale : l'espace y est considéré comme vide (âkâsha), synonyme de shûnya. Le ciel d'éther (le 5ème élément) est vide, ce qui en fait le contenant, le réceptacle de toutes choses et des quatre autres éléments (l'eau, la terre, le feu et l'air).
Tiens le ciel, l'horizon cosmique, se représente par un cercle. C'est ainsi que le dessin symbolique du ciel d'éther en est venu, par simple glissement sémantique, à désigner en sanskrit l'espace vide de chiffres entre les chiffres. Vide mais ne demandant qu'à se remplir... Ou à absorber... Le zéro sanskrit est représenté par un rond car il résume l'éther du ciel et le mouvement du monde !
Notons que dans certaines régions, ce zéro cercle (shûnya-bindu) fut un temps en concurrence avec le zéro point, origine de toutes choses (shûnya-châkrâ). Il faut croire que la mythologie du cercle-vide était la plus forte. Zéro-rond l'emporta.
L'étape suivante consista en un usage du shûnya pour les opérations arithmétiques. La trace la plus ancienne en est un écrit de l'astronome Varahamihira (575). On définit peu après le zéro comme le résultat de la soustraction d'un nombre à lui-même. N-N = 0
Et Brahmagupta en livre les lois (et introduit les nombres négatifs), dans la nudité d'un poème (628)
"un dû moins zéro est un dû,
un bien moins zéro est un bien,
zéro moins zéro est nul,
un dû retranché de zéro est un bien,
un bien retranché de zéro est un dû,
le produit de zéro par un dû ou un bien est zéro..."
Le zéro rejoignit d'abord le monde arabe, où il devint « ṣifr » (Sifr صِفْر), ce qui signifie « vide » et « grain », racine du mot chiffre. Ce fut le mathématicien pisan Fibonacci , fils de marchand et qui accomplit de nombreux périples dans le monde arabe (en devant compter et comprendre comment comptaient les Arabes) qui traduisit Sifr par l'italien zephirus (qui devint zevero puis zero) qui en porta l'usage en Occident chrétien, au début du XIIIème siècle.
Intéressant : le "rien", plus difficile à concevoir et à exprimer que des armées. Le rien, si difficile à entrevoir, puisqu'il exclut tout y compris lui. Cette phrase de Char, qui me semble bien aller : "Dans nos Ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté." (Feuillets d'Hypnos)
Le magnifique double usage de Zéro, à la fois comme chiffre et comme nombre du rien (comme signe et comme valeur), nous provient du Vème siècle indien. Là, du moins, les premiers témoignages : il existait un effet un vocable indien (et quantité de synonymes) désignant le « vide », l'« espace » ou «le manquant », le "non-créé". En sanskrit il s'agit de śūnya (çûnya) ou shûnya.
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Vous protestez ? L'idée de vide était présente dans de nombreuses philosophies et civilisations.
Oui, d'ailleurs chez les Grecs :
"Donc, avant tout, fut le vide; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le coeur et le sage vouloir.
Du Vide naquirent Erèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Ether et Lumière du Jour. Terre, elle, d'abord enfanta un être égal à elle-même ; capable de la couvrir tout entière, Ciel Etoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais."
Hésiode (poète, VIIIème siècle av J.-C.). Théogonie.
Oui le vide était là. Mais cette lucidité du "non-être" était bien plus acérée au coeur de la religion hindoue. Elle y forge la symbolique centrale : l'espace y est considéré comme vide (âkâsha), synonyme de shûnya. Le ciel d'éther (le 5ème élément) est vide, ce qui en fait le contenant, le réceptacle de toutes choses et des quatre autres éléments (l'eau, la terre, le feu et l'air).
Tiens le ciel, l'horizon cosmique, se représente par un cercle. C'est ainsi que le dessin symbolique du ciel d'éther en est venu, par simple glissement sémantique, à désigner en sanskrit l'espace vide de chiffres entre les chiffres. Vide mais ne demandant qu'à se remplir... Ou à absorber... Le zéro sanskrit est représenté par un rond car il résume l'éther du ciel et le mouvement du monde !
Notons que dans certaines régions, ce zéro cercle (shûnya-bindu) fut un temps en concurrence avec le zéro point, origine de toutes choses (shûnya-châkrâ). Il faut croire que la mythologie du cercle-vide était la plus forte. Zéro-rond l'emporta.
L'étape suivante consista en un usage du shûnya pour les opérations arithmétiques. La trace la plus ancienne en est un écrit de l'astronome Varahamihira (575). On définit peu après le zéro comme le résultat de la soustraction d'un nombre à lui-même. N-N = 0
Et Brahmagupta en livre les lois (et introduit les nombres négatifs), dans la nudité d'un poème (628)
"un dû moins zéro est un dû,
un bien moins zéro est un bien,
zéro moins zéro est nul,
un dû retranché de zéro est un bien,
un bien retranché de zéro est un dû,
le produit de zéro par un dû ou un bien est zéro..."
Le zéro rejoignit d'abord le monde arabe, où il devint « ṣifr » (Sifr صِفْر), ce qui signifie « vide » et « grain », racine du mot chiffre. Ce fut le mathématicien pisan Fibonacci , fils de marchand et qui accomplit de nombreux périples dans le monde arabe (en devant compter et comprendre comment comptaient les Arabes) qui traduisit Sifr par l'italien zephirus (qui devint zevero puis zero) qui en porta l'usage en Occident chrétien, au début du XIIIème siècle.
14.7.07
Le soir où j'ai étranglé l'univers
A douze ans, personne n'a peur des questions. "Avant l'Univers, il y avait quoi ?" était celle qui revenait le plus souvent nager en moi, les soirs de ces années-là. Sous la tente de mes draps, lorsque je ne lisais pas avec la petit lampe kaki, j'écoutais le rock à la radio. En sourdine. En rêvassant à ces milliards de soleils, aux galaxies et aux distances qui ne cessent de grandir. Tentant de deviner où cela avait court-circuité. Comment s'était ouverte cette étrange place pour nous. Oui étrange. Car comment pouvons-nous avoir cette sensation d'éternité et savoir qu'un jour nos cendres finiront sous les peupliers agités par le vent, ou sur le promontoire éblouissant d'une île de Méditerrannée ?
photo
J'y rêvasse toujours, disent ceux qui me connaissent. Bon, mais l'Univers ? J'imaginais que quelqu'un ou quelque chose l'avait construit. Que nous étions comme les poissons rouge dans le bocal fabriqué par une autre civilisation. Comme les fourmis que nous pouvons obliger à s'installer chez nous, dans une cage en verre, doivent se questionner sur les forces occultes que leur sont nos doigts. Et une fois le chauffage installé sur Terre, nous étions venu occuper notre niche, dans le zoo des Géants. Les tremblements de terre et les volcans étaient les accidents. Lorsque l'un des ces Invisibles éternuait, il provoquait des cataclysmes. Rien de nouveau depuis Voltaire et Micromégas. Les mythes de l'Olympe et de Zarathoustra.
Et bien entendu, comme le marmonnent tous les romans de science fiction, tout cela aura une fin. Mon préféré pour les fins du monde, c'était Asimov. Mine de rien il nous annonce que lorsque nous ne serons plus là, toutes les espèces étant mortelles, les robots prendront notre place et survivront, eux, à l'implosion finale. Logique. Si nous sommes là, c'est pour transformer le feu des étoiles en puces de silicium. Et ces puces, ces machines à traiter l'information, tôt ou tard, pourront se dispenser de leurs créateurs.
C'est un point de vue de scientifique. A cause de l'entropie : dans l'Univers, tout tend à se désorganiser. Tout : les soleils, la tasse de café qui refroidit, les liquides mêlés et que l'on ne peut plus démêler. Tout, sauf dans des oasis, comme la Terre, où l'emergence de la vie fait que, pour un "instant", tout de même quelques milliards d'années, des structures complexes surgissent et vont contre la tendance générale au néant.
L'autre jour, dans un journal du soir je tombe sur ma question :
"Qu'existait-il avant qu'existe l'Univers ?"
Mon coeur de douze ans a fait boum.
La réponse était la suivante :
"Une nouvelle pièce vient d'être apportée au débat, avec la présentation, dans l'édition en ligne de Nature Physics du 1er juillet, d'un travail théorique de l'Allemand Martin Bojowald, de l'Institut de physique et de géométrie gravitationnelles de l'université de Pennsylvanie. Il conclut que, s'il est possible d'apprendre quelque chose de ce qu'il y avait avant le début de tout, nous ne pouvons en avoir qu'une compréhension incomplète. Que nous en sommes réduits, à jamais peut-être, aux affres de la spéculation." (Le Monde 9 juillet 2007)
Alors quoi ? Toutes ces années pour rien ? Toutes ces armées de filles et de gars qui font des études, calculent, regardent dans des télescopes géants, tout ça pour dire ça ?
Ce n'est pas ce que j'avais construit avec Asimov.
Pour lui et moi, le temps n'existe pas. L'entropie n'est qu'une illusion
C'est notre illusion, puisqu'il nous faut bien venir au monde et repartir, à nous. Un peu comme lorsque vous roulez, en voiture. Les flocons de neige ne touchent plus le pare-brise. Ou le soleil qui semble s lever et se coucher. Le temps ne passe pas. C'est nous qui passons.
Ce que nous appelons Univers est éternel. Sans origine et sans but. Juste là, à la fois figé et palpitant. Etrangement, cela me va. Plus d'inquiétude. Ce qui compte c'est nous. Nos vies seules. Cesser d'espérer ou de regretter. Laisser la réalité peser sur nous. Occuper nos corps et nos vies comme si nous animions, pour un temps, les carapaces vides. Un bal masqué.
Plus tard j'ai entendu parler de Nietzsche. "Le Grand Style". Le geste libre, l'homme parvenant à établir l'harmonie dans les forces qui s'exercent sur lui, ne se laissant plus déchiqueter par elles. Le bonheur ? Renoncer aux remords du passé et aux illusions du futur. La bonne vie est d'aimer le présent. De le considérer comme une éternité essentielle, quel que soit le "vécu".
Mortels, à chaque instant nous sommes éternels.
Sous les draps. En coupant la radio. En quittant Bowie, T. Rex ou les Who, ce délicieux sentiment d'éternité se glissait en moi. J'étais immortel, puisque je pouvait étrangler la radio. Lui laisser la vie ou l'ôter. Papa et maman étaient immortels aussi. Je les retrouverai dès le matin. J'étais le Géant de mon Univers à moi. Je vivais dans le présent.
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J'y rêvasse toujours, disent ceux qui me connaissent. Bon, mais l'Univers ? J'imaginais que quelqu'un ou quelque chose l'avait construit. Que nous étions comme les poissons rouge dans le bocal fabriqué par une autre civilisation. Comme les fourmis que nous pouvons obliger à s'installer chez nous, dans une cage en verre, doivent se questionner sur les forces occultes que leur sont nos doigts. Et une fois le chauffage installé sur Terre, nous étions venu occuper notre niche, dans le zoo des Géants. Les tremblements de terre et les volcans étaient les accidents. Lorsque l'un des ces Invisibles éternuait, il provoquait des cataclysmes. Rien de nouveau depuis Voltaire et Micromégas. Les mythes de l'Olympe et de Zarathoustra.
Et bien entendu, comme le marmonnent tous les romans de science fiction, tout cela aura une fin. Mon préféré pour les fins du monde, c'était Asimov. Mine de rien il nous annonce que lorsque nous ne serons plus là, toutes les espèces étant mortelles, les robots prendront notre place et survivront, eux, à l'implosion finale. Logique. Si nous sommes là, c'est pour transformer le feu des étoiles en puces de silicium. Et ces puces, ces machines à traiter l'information, tôt ou tard, pourront se dispenser de leurs créateurs.
C'est un point de vue de scientifique. A cause de l'entropie : dans l'Univers, tout tend à se désorganiser. Tout : les soleils, la tasse de café qui refroidit, les liquides mêlés et que l'on ne peut plus démêler. Tout, sauf dans des oasis, comme la Terre, où l'emergence de la vie fait que, pour un "instant", tout de même quelques milliards d'années, des structures complexes surgissent et vont contre la tendance générale au néant.
L'autre jour, dans un journal du soir je tombe sur ma question :
"Qu'existait-il avant qu'existe l'Univers ?"
Mon coeur de douze ans a fait boum.
La réponse était la suivante :
"Une nouvelle pièce vient d'être apportée au débat, avec la présentation, dans l'édition en ligne de Nature Physics du 1er juillet, d'un travail théorique de l'Allemand Martin Bojowald, de l'Institut de physique et de géométrie gravitationnelles de l'université de Pennsylvanie. Il conclut que, s'il est possible d'apprendre quelque chose de ce qu'il y avait avant le début de tout, nous ne pouvons en avoir qu'une compréhension incomplète. Que nous en sommes réduits, à jamais peut-être, aux affres de la spéculation." (Le Monde 9 juillet 2007)
Alors quoi ? Toutes ces années pour rien ? Toutes ces armées de filles et de gars qui font des études, calculent, regardent dans des télescopes géants, tout ça pour dire ça ?
Ce n'est pas ce que j'avais construit avec Asimov.
Pour lui et moi, le temps n'existe pas. L'entropie n'est qu'une illusion
C'est notre illusion, puisqu'il nous faut bien venir au monde et repartir, à nous. Un peu comme lorsque vous roulez, en voiture. Les flocons de neige ne touchent plus le pare-brise. Ou le soleil qui semble s lever et se coucher. Le temps ne passe pas. C'est nous qui passons.
Ce que nous appelons Univers est éternel. Sans origine et sans but. Juste là, à la fois figé et palpitant. Etrangement, cela me va. Plus d'inquiétude. Ce qui compte c'est nous. Nos vies seules. Cesser d'espérer ou de regretter. Laisser la réalité peser sur nous. Occuper nos corps et nos vies comme si nous animions, pour un temps, les carapaces vides. Un bal masqué.
Plus tard j'ai entendu parler de Nietzsche. "Le Grand Style". Le geste libre, l'homme parvenant à établir l'harmonie dans les forces qui s'exercent sur lui, ne se laissant plus déchiqueter par elles. Le bonheur ? Renoncer aux remords du passé et aux illusions du futur. La bonne vie est d'aimer le présent. De le considérer comme une éternité essentielle, quel que soit le "vécu".
Mortels, à chaque instant nous sommes éternels.
Sous les draps. En coupant la radio. En quittant Bowie, T. Rex ou les Who, ce délicieux sentiment d'éternité se glissait en moi. J'étais immortel, puisque je pouvait étrangler la radio. Lui laisser la vie ou l'ôter. Papa et maman étaient immortels aussi. Je les retrouverai dès le matin. J'étais le Géant de mon Univers à moi. Je vivais dans le présent.
12.7.07
Triangles chocolat
Le vent soufflait sur nos nuques. C'était un soir de décembre. Un soir déjà sombre, de neige et de pluie mêlées. Mon fils de huit ans sortait de l'école et dans le petit abri que nous faisait notre bavardage, je sentis sa peine.
- J'ai eu une mauvaise note.
- Ah (vous savez, ce ah qui tente de cacher l'enjeu que nous n'arrivons pas à ne pas accorder à l'école)
- En quoi ?
- Les triangles.
Triangle impossible de Penrose et d'Escher
On est entrés au café et on a fait "slurp" avec nos chocolats chauds. Le ventre plein l'aveu est plus facile :
- je n'arrive pas à retenir leurs formes
- Pourquoi ?
- Je sais pas. Ca reste pas, dans ma tête.
Je regardai son cahier. La leçon de calcul égrenait les formes de triangles remarquables et autres : isocèle (2 côtés de même longueur), équilatéral (trois côtés identiques), scalène (trois côtés différents), rectangle (angle droit entre 2 côtés). Le cours était limpide, bien présenté.
- Mais c'est super, les triangles, tu sais ça permet de mesurer des tas de choses, de construire des immeubles, de naviguer sur les mers lointaines... (je m'arrête, car je vois son air ahuri)
- Tu veux dire, ça sert à quelque chose, ça ?
- Oui, comme les notes de musique, comme les nuages dans le ciel, comme à peu près tout ce que tu vois ou ne vois pas. Tout "sert", de différentes manières.
(je m'arrête encore, car j'ai un flash, des triangles qui brillent dans ma tête)
- Mais au fait, on t'a dit d'où venaient les triangles, ce que l'on pouvait faire avec ?
- Non. Juste dit d'apprendre les mots qui vont avec, là...
- Sans te parter de Thalès ?
- Ma laisse ?
L'épisode suivant eut lieu un dimanche, vers midi. Le froid nous tordait le nez mais dans ciel, le soleil était à notre rendez-vous. Sous la tour Eiffel, on aurait cru que tout ce fer allait décoller pour emmener Paris sur une autre planète. C'était aussi l'avis des pigeons, qui par nuages, volaient sans se poser, se méfiant du vieil épouvantail d'acier.
- Tu vois la tour ?
- On va pas monter ? On l'a déjà fait l'an dernier. Trop de monde.
- Non, mais si je te demande de la mesurer ?
- Faut grimper. Et puis t'as pas de ficelle assez longue ha ha.
- On va la mesurer sans monter.
- Ah (ce ah des enfants qui savent que vous préparé votre lapin qui sort du chapeau)
- On va suivre son ombre.
- Ah.
- On va compter le nombre de pas que mesure l'ombre et on fera comme un certain Thalès, qui il y a des siècles et des siècles, mesura, dit-on, la hauteur des pyramides sans monter dessus.
- Ah.
On compta. Traversant le pont. Trichant un chouilla car une partie de l'ombre était à côté, dans la Seine.
- Et maintenant ? fit le gaillard aux oreilles rouges
- On reconnait bien que la tour, l'ombre sur le sol, et la ligne imaginaire qui relie la pointe de l'ombre à la vraie pointe de la tour est un triangle. Tiens, un triangle rectangle, d'ailleurs, puisque la tour a été construite droite.
- Oui papa. (mon fils a toujours été indulgent avec moi)
- Et nous aussi, notre ombre là, sur le sol, elle fait un triangle rectangle, avec nous. Regarde ton ombre fait un pas. Et toi, tu mesures un mètre vingt...
- Vingt cinq !
On arrondit... Donc la tour, dont l'ombre fait 250 pas, elle mesure ?
- Un peu plus de 250 mètres ?
- Deux dixièmes en plus, comme pour toi : un pas, un mètre et 20 dixièmes de mètre.
- Euh...
- On trouve 300. C'est pas mal, avec nos à peu près et nos tricheries. Elle fait 320m, en fait.
La question des triangles était réglée. Le garçon n'a plus eu de vrais soucis en maths, jamais. Quand l'école était défaillante, il allait chercher ses réponses en parcourant d'autres jardins.
Nota : demander à des enfants d'ingurgiter des définitions sans leur livrer les clefs de leur usage, et au moins une fraction de leur histoire est un assassinat écoeurant et organisé de l'intelligence ! Ceux qui procèdente de la sorte devraient se trouver contraints de mémoriser, ligne après ligne, l'annuaire téléphonique d'Oulan Bator, pardon, ᠤᠯᠠᠭᠠᠨ ᠪᠠᠭᠠᠲᠤᠷ.
Nota 2 : la légende de Thalès au pied des pyramides est sans doute fausse. Mais en voici le principe, qui lui est juste.
source des dessins :wikipédia
- J'ai eu une mauvaise note.
- Ah (vous savez, ce ah qui tente de cacher l'enjeu que nous n'arrivons pas à ne pas accorder à l'école)
- En quoi ?
- Les triangles.
Triangle impossible de Penrose et d'Escher
On est entrés au café et on a fait "slurp" avec nos chocolats chauds. Le ventre plein l'aveu est plus facile :
- je n'arrive pas à retenir leurs formes
- Pourquoi ?
- Je sais pas. Ca reste pas, dans ma tête.
Je regardai son cahier. La leçon de calcul égrenait les formes de triangles remarquables et autres : isocèle (2 côtés de même longueur), équilatéral (trois côtés identiques), scalène (trois côtés différents), rectangle (angle droit entre 2 côtés). Le cours était limpide, bien présenté.
- Mais c'est super, les triangles, tu sais ça permet de mesurer des tas de choses, de construire des immeubles, de naviguer sur les mers lointaines... (je m'arrête, car je vois son air ahuri)
- Tu veux dire, ça sert à quelque chose, ça ?
- Oui, comme les notes de musique, comme les nuages dans le ciel, comme à peu près tout ce que tu vois ou ne vois pas. Tout "sert", de différentes manières.
(je m'arrête encore, car j'ai un flash, des triangles qui brillent dans ma tête)
- Mais au fait, on t'a dit d'où venaient les triangles, ce que l'on pouvait faire avec ?
- Non. Juste dit d'apprendre les mots qui vont avec, là...
- Sans te parter de Thalès ?
- Ma laisse ?
L'épisode suivant eut lieu un dimanche, vers midi. Le froid nous tordait le nez mais dans ciel, le soleil était à notre rendez-vous. Sous la tour Eiffel, on aurait cru que tout ce fer allait décoller pour emmener Paris sur une autre planète. C'était aussi l'avis des pigeons, qui par nuages, volaient sans se poser, se méfiant du vieil épouvantail d'acier.
- Tu vois la tour ?
- On va pas monter ? On l'a déjà fait l'an dernier. Trop de monde.
- Non, mais si je te demande de la mesurer ?
- Faut grimper. Et puis t'as pas de ficelle assez longue ha ha.
- On va la mesurer sans monter.
- Ah (ce ah des enfants qui savent que vous préparé votre lapin qui sort du chapeau)
- On va suivre son ombre.
- Ah.
- On va compter le nombre de pas que mesure l'ombre et on fera comme un certain Thalès, qui il y a des siècles et des siècles, mesura, dit-on, la hauteur des pyramides sans monter dessus.
- Ah.
On compta. Traversant le pont. Trichant un chouilla car une partie de l'ombre était à côté, dans la Seine.
- Et maintenant ? fit le gaillard aux oreilles rouges
- On reconnait bien que la tour, l'ombre sur le sol, et la ligne imaginaire qui relie la pointe de l'ombre à la vraie pointe de la tour est un triangle. Tiens, un triangle rectangle, d'ailleurs, puisque la tour a été construite droite.
- Oui papa. (mon fils a toujours été indulgent avec moi)
- Et nous aussi, notre ombre là, sur le sol, elle fait un triangle rectangle, avec nous. Regarde ton ombre fait un pas. Et toi, tu mesures un mètre vingt...
- Vingt cinq !
On arrondit... Donc la tour, dont l'ombre fait 250 pas, elle mesure ?
- Un peu plus de 250 mètres ?
- Deux dixièmes en plus, comme pour toi : un pas, un mètre et 20 dixièmes de mètre.
- Euh...
- On trouve 300. C'est pas mal, avec nos à peu près et nos tricheries. Elle fait 320m, en fait.
La question des triangles était réglée. Le garçon n'a plus eu de vrais soucis en maths, jamais. Quand l'école était défaillante, il allait chercher ses réponses en parcourant d'autres jardins.
Nota : demander à des enfants d'ingurgiter des définitions sans leur livrer les clefs de leur usage, et au moins une fraction de leur histoire est un assassinat écoeurant et organisé de l'intelligence ! Ceux qui procèdente de la sorte devraient se trouver contraints de mémoriser, ligne après ligne, l'annuaire téléphonique d'Oulan Bator, pardon, ᠤᠯᠠᠭᠠᠨ ᠪᠠᠭᠠᠲᠤᠷ.
Nota 2 : la légende de Thalès au pied des pyramides est sans doute fausse. Mais en voici le principe, qui lui est juste.
source des dessins :wikipédia
11.7.07
Effet coca-mentos
Certains textes "naturels" sont des oeuvres. Je vous livre ici (en version brute) un article de Wikipédia, déniché grâce à Enro.
Geyser obtenu par soudaine immersion de "Mentos" dans du "Coca-Cola light"
" L’effet geyser du mélange mentos-boisson gazeuse est lié au dégazage brutal du gaz carbonique lors de l'immersion de la friandise. Il a commencé par être popularisé aux États-Unis sous le nom de Mentos eruption, Diet coke eruption, Mentos-Diet Coke Geyser et variantes similaires. Cette réaction s'est fait connaître du grand public en 2006. Phénomène physico-chimique intrigant, elle est rapidement devenue un phénomène de pop culture.
photo
1 Mécanisme
2 Réactions
3 Autres expériences à base de sodas
4 Voir aussi
5 Références
Une première hypothèse est que la tension superficielle de la boisson rafraîchissante, un frein à l'expansion des bulles de gaz carbonique par dégazage du CO2 dissous, est abaissée lors de l'immersion de la friandise de sorte que le dégazage est fortement accéléré. Il a été suggéré que la gomme arabique est à l'origine de l'effet. Toutefois, il n'y a pas de réaction lors de l'immersion de gomme pure dans une boisson gazeuse.
Une thèse plus solide est l'influence de l'irrégularité et de la porosité des fragments de friandise lors de la dissolution de celle-ci : chaque fragment, par sa présence, modifie localement la structure du solvant et en abaisse localement la tension de surface. Il sert ainsi de site de nucléation pour la formation d'une bulle. Il s'agirait là donc d'un processus physique et non d'une réaction chimique. Un phénomène similaire, moins violent toutefois, se produit lors de la cuisson de l'eau : celle-ci bout préférentiellement à proximité de certains aliments.
Une autre hypothèse sérieuse est que le sucre de la friandise est à l'origine d'un phénomène de relargage, c'est-à-dire que la solubilité du gaz carbonique diminue à haute concentration de glucose. Toutefois, les sucres usuels (fructose, glucose, saccharose) ne provoquent qu'un effet limité. Par ailleurs, certaines des boissons utilisées sont déjà fortement sucrées.
Enfin, certaines expériences tendent à montrer que la forme de la bouteille a un impact sur la puissance des jets.
La porte-parole de la Coca-Cola Company Susan McDermott a indiqué qu'il s'agissait d'un amusement et que l'entreprise préférerait voir le public consommer la boisson plutôt que de faire des expériences avec. Elle indique par ailleurs que « la folie du mentos […] ne colle pas avec l'image de marque de Coca-Cola ».
La division américaine de Mentos se félicite au contraire de cet effet de publicité qu'elle estime à 50 % de ses dépenses annuelles."
Geyser obtenu par soudaine immersion de "Mentos" dans du "Coca-Cola light"
" L’effet geyser du mélange mentos-boisson gazeuse est lié au dégazage brutal du gaz carbonique lors de l'immersion de la friandise. Il a commencé par être popularisé aux États-Unis sous le nom de Mentos eruption, Diet coke eruption, Mentos-Diet Coke Geyser et variantes similaires. Cette réaction s'est fait connaître du grand public en 2006. Phénomène physico-chimique intrigant, elle est rapidement devenue un phénomène de pop culture.
photo
1 Mécanisme
2 Réactions
3 Autres expériences à base de sodas
4 Voir aussi
5 Références
Une première hypothèse est que la tension superficielle de la boisson rafraîchissante, un frein à l'expansion des bulles de gaz carbonique par dégazage du CO2 dissous, est abaissée lors de l'immersion de la friandise de sorte que le dégazage est fortement accéléré. Il a été suggéré que la gomme arabique est à l'origine de l'effet. Toutefois, il n'y a pas de réaction lors de l'immersion de gomme pure dans une boisson gazeuse.
Une thèse plus solide est l'influence de l'irrégularité et de la porosité des fragments de friandise lors de la dissolution de celle-ci : chaque fragment, par sa présence, modifie localement la structure du solvant et en abaisse localement la tension de surface. Il sert ainsi de site de nucléation pour la formation d'une bulle. Il s'agirait là donc d'un processus physique et non d'une réaction chimique. Un phénomène similaire, moins violent toutefois, se produit lors de la cuisson de l'eau : celle-ci bout préférentiellement à proximité de certains aliments.
Une autre hypothèse sérieuse est que le sucre de la friandise est à l'origine d'un phénomène de relargage, c'est-à-dire que la solubilité du gaz carbonique diminue à haute concentration de glucose. Toutefois, les sucres usuels (fructose, glucose, saccharose) ne provoquent qu'un effet limité. Par ailleurs, certaines des boissons utilisées sont déjà fortement sucrées.
Enfin, certaines expériences tendent à montrer que la forme de la bouteille a un impact sur la puissance des jets.
La porte-parole de la Coca-Cola Company Susan McDermott a indiqué qu'il s'agissait d'un amusement et que l'entreprise préférerait voir le public consommer la boisson plutôt que de faire des expériences avec. Elle indique par ailleurs que « la folie du mentos […] ne colle pas avec l'image de marque de Coca-Cola ».
La division américaine de Mentos se félicite au contraire de cet effet de publicité qu'elle estime à 50 % de ses dépenses annuelles."
9.7.07
Cercles de fumée
Ces jeunes années où l'on doit martyriser un violon ou un pipeau, d'autres nagent dans la boue en rêvant de Platini ou de Zidane. Denis et Pierre, mes deux frères de sang, étaient matheux. Pour eux, chaque soir en rentrant de l'école, c'était racines carrées et Entiers relatifs. Je me tenais au loin. Attendant qu'ils aient épuisé leurs palabres avec les Théorèmes. De mon côté je chevauchais à travers les romans de Karl May, j'apprenais les ruses de Winnetou, l'indien de la prairie où rodent malfaisants et nuages bas. Très fort, May. Adulé par Thomas Mann, ficelé au poteau par la critique, et vous emportant dans le Wild West sans y avoir jamais posé la pointe d'un mocassin.
Mais lorsqu'au clocher six heures sonnaient, je disais adios au Rio Pecos. En silence, encouragé par les odeurs de cyprès et de buis, je progressai vers les fenêtres des deux captifs. Pas un moineau ne piaillait. Pas une branche ne me trahissait. Les graviers que j'expédiais sur les vitres étaient le signal de la liberté.
photo
Dansant sur nos vélos mes potes et moi nous envolions vers les collines. Chemises ouvertes, haletants, les cuisses en feu, nous devenions cette fois Huck Finn et Tom Sawyer. Les canailles de Mark Twain. C'était bien pour faire plaisir à Denis. Pierre, lui, ne crachait que par Jack London. Mais il nous fatiguait de citations : "Donner un os à un chien n'est pas de la charité. La charité, c'est partager l'os avec le chien».
On lui laissait ses chiens et son Grand Nord gelé. Denis et moi ne convoitions que le moite et louche Mississippi. Dans les bosquets poussaient des roseaux, qui nous faisaient des pipes plus longues que des calumets. Pas question d'avaler. Le P4, ce tabac à 20 centimes était une plaie. Non, juste de quoi terroriser les mouches en leur soufflant nos rêves et nos fumées bleues. Ce que je faisais le mieux c'était de jolis cercles, qui passaient dans les larges anneaux précédents. Mon secret ? Garder la fumée, en tas, dans la bouche, y faire des trous avec la langue. Sans souffler, surtout. Je ne l'ai jamais avoué à Denis. Il me faisait trop plaisir, avec ses joues creuses et ses ronds mal fichus.
Grimpés aux arbres, taillant des frondes, sifflant avec des brins d'herbe, dissimulés dans les orties des fortins qui ceinturent Strasbourg, nous livrions parfois bataille aux minus du village d'à côté. Ils étaient dix fois plus nombreux. Ce qui nous enseigna l'art de l'esquive. Le Mississipi, je vous dis.
Ce jour-là, Pierre ne répondit pas à mes cailloux. Son père m'ouvrit la porte et son sourire. "Il n'est pas là ce soir. Entre ?". Georges était du CNRS. Une sorte d'agent d'un FBI extraterrestre, aux cheveux tout fous et blancs. Dans le secret du bureau où il s'enfermait, il devait cracher des formules comme un dragon vomit le feu. Mais dans la vie, il avait ce regard trop doux, à ne pas oser dégainer un gâteau, de peur qu'on lui dise non. Avec sa femme rigolote et géniale qui chantait et tapait dur sur son clavecin, "puisque c'était ainsi avant que l'on invente le piano".
Georges et moi étions comme des abrutis, englués dans le silence du couloir, sans rien à nous avouer. J'observai mes genoux égratignés et couleur d'herbe. Doucement, comme ça, il me demanda pourquoi je n'aimais pas les maths.
- J'en sais rien.
- Tu préfères lire ?
- Vous savez ça ?
- Jules Verne ?
- Oh ça, j'ai tout lu. Non des aventures, des vraies..
J'ai dit Twain. je savais déjà que cela faisait plus chic que Winnetou. Pardon, frère.
Alors il a pris une feuille, et tracé un cercle. Un ballot de cercle noir, sur fond blanc.
Pas question de montrer ma trouille : "Oui et alors ?"
- On peut le dessiner le cercle, mais il n'est jamais parfait. Le mien tu vois, il est moyen.
C'est vrai. Il était tordu et moche comme la fumée de Denis, son cercle.
- Alors, tu vois, c'est comme dans les histoires, il faudrait un mot pour dire cercle, mais un mot qui dirait aussi sa taille, et à qui on pourrait ajouter d'autres mots, pour fabriquer autant de cercles qu'il y a d'étoiles dans le ciel.
J'ai arrêté de faire le mariole.
- Maintenant regarde. Ici je trace un repère, comme des branches d'arbre. Ici les abscisses, l'axe des x. Et à angle droit, vers le haut de la feuille, les ordonnées, les y. Chaque point peut se repérer avec une valeur de x et de y, un peu comme les longitudes et les latitudes, quand tu es perdu dans le désert.
"J'connais, on vient de faire ça, en classe. Encore un truc qui sert à rien".
- Non, regarde, si j'écris x ² + y ² = 1...
- Oula
- Laisse aller. Tu vois ça fait un point ici, un autre là. Et si tu traces sous les points, tu auras un cercle. Cette formule, tu vois, c'est comme dire cercle, mais en plus précis.
Je le jure, de la manière dont il me parlait, rien qu'à moi, et voulait m'emmener dans sa montagne à maths, cela a fait comme un incendie dans ma tête. Les x et les y se mettaient à dessiner des cercles et des loopings comme des abeilles qui rigolent.
Attention. Je ne suis jamais devenu une bombe en maths. Mais je les ai bien traversées, ces jungles de Réels et de Complexes. Et puis elles m'ont offert d'accoster la physique. Ah ça, je ne regrette pas. Tu parles, quelque chose qui voudrait savoir comment poussent les flocons de neige et comment volent les mouettes ! Vous connaissez plus drôle ? Un truc qui passe son temps à poser des questions ? Comme si on pouvait savoir, au fond.
Quelque mois plus tard, un samedi de pluie, Georges, mon nouveau copain à tête d'Einstein, m'a emmené en secret visiter son labo du CNRS. Un accélérateur de particules, rien que pour nous deux. Ca vrombrissait et faisait des étincelles grandes comme des autos. Et ces odeurs électriques ! Mieux que les machines des ces navires cracheurs d'escarbilles et fuyant vers la Nouvelle Orléans.
Sans même m'en apercevoir, je suis entré dans la science comme on pénètre dans une forêt ébouriffée par le vent.
Mais lorsqu'au clocher six heures sonnaient, je disais adios au Rio Pecos. En silence, encouragé par les odeurs de cyprès et de buis, je progressai vers les fenêtres des deux captifs. Pas un moineau ne piaillait. Pas une branche ne me trahissait. Les graviers que j'expédiais sur les vitres étaient le signal de la liberté.
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Dansant sur nos vélos mes potes et moi nous envolions vers les collines. Chemises ouvertes, haletants, les cuisses en feu, nous devenions cette fois Huck Finn et Tom Sawyer. Les canailles de Mark Twain. C'était bien pour faire plaisir à Denis. Pierre, lui, ne crachait que par Jack London. Mais il nous fatiguait de citations : "Donner un os à un chien n'est pas de la charité. La charité, c'est partager l'os avec le chien».
On lui laissait ses chiens et son Grand Nord gelé. Denis et moi ne convoitions que le moite et louche Mississippi. Dans les bosquets poussaient des roseaux, qui nous faisaient des pipes plus longues que des calumets. Pas question d'avaler. Le P4, ce tabac à 20 centimes était une plaie. Non, juste de quoi terroriser les mouches en leur soufflant nos rêves et nos fumées bleues. Ce que je faisais le mieux c'était de jolis cercles, qui passaient dans les larges anneaux précédents. Mon secret ? Garder la fumée, en tas, dans la bouche, y faire des trous avec la langue. Sans souffler, surtout. Je ne l'ai jamais avoué à Denis. Il me faisait trop plaisir, avec ses joues creuses et ses ronds mal fichus.
Grimpés aux arbres, taillant des frondes, sifflant avec des brins d'herbe, dissimulés dans les orties des fortins qui ceinturent Strasbourg, nous livrions parfois bataille aux minus du village d'à côté. Ils étaient dix fois plus nombreux. Ce qui nous enseigna l'art de l'esquive. Le Mississipi, je vous dis.
Ce jour-là, Pierre ne répondit pas à mes cailloux. Son père m'ouvrit la porte et son sourire. "Il n'est pas là ce soir. Entre ?". Georges était du CNRS. Une sorte d'agent d'un FBI extraterrestre, aux cheveux tout fous et blancs. Dans le secret du bureau où il s'enfermait, il devait cracher des formules comme un dragon vomit le feu. Mais dans la vie, il avait ce regard trop doux, à ne pas oser dégainer un gâteau, de peur qu'on lui dise non. Avec sa femme rigolote et géniale qui chantait et tapait dur sur son clavecin, "puisque c'était ainsi avant que l'on invente le piano".
Georges et moi étions comme des abrutis, englués dans le silence du couloir, sans rien à nous avouer. J'observai mes genoux égratignés et couleur d'herbe. Doucement, comme ça, il me demanda pourquoi je n'aimais pas les maths.
- J'en sais rien.
- Tu préfères lire ?
- Vous savez ça ?
- Jules Verne ?
- Oh ça, j'ai tout lu. Non des aventures, des vraies..
J'ai dit Twain. je savais déjà que cela faisait plus chic que Winnetou. Pardon, frère.
Alors il a pris une feuille, et tracé un cercle. Un ballot de cercle noir, sur fond blanc.
Pas question de montrer ma trouille : "Oui et alors ?"
- On peut le dessiner le cercle, mais il n'est jamais parfait. Le mien tu vois, il est moyen.
C'est vrai. Il était tordu et moche comme la fumée de Denis, son cercle.
- Alors, tu vois, c'est comme dans les histoires, il faudrait un mot pour dire cercle, mais un mot qui dirait aussi sa taille, et à qui on pourrait ajouter d'autres mots, pour fabriquer autant de cercles qu'il y a d'étoiles dans le ciel.
J'ai arrêté de faire le mariole.
- Maintenant regarde. Ici je trace un repère, comme des branches d'arbre. Ici les abscisses, l'axe des x. Et à angle droit, vers le haut de la feuille, les ordonnées, les y. Chaque point peut se repérer avec une valeur de x et de y, un peu comme les longitudes et les latitudes, quand tu es perdu dans le désert.
"J'connais, on vient de faire ça, en classe. Encore un truc qui sert à rien".
- Non, regarde, si j'écris x ² + y ² = 1...
- Oula
- Laisse aller. Tu vois ça fait un point ici, un autre là. Et si tu traces sous les points, tu auras un cercle. Cette formule, tu vois, c'est comme dire cercle, mais en plus précis.
Je le jure, de la manière dont il me parlait, rien qu'à moi, et voulait m'emmener dans sa montagne à maths, cela a fait comme un incendie dans ma tête. Les x et les y se mettaient à dessiner des cercles et des loopings comme des abeilles qui rigolent.
Attention. Je ne suis jamais devenu une bombe en maths. Mais je les ai bien traversées, ces jungles de Réels et de Complexes. Et puis elles m'ont offert d'accoster la physique. Ah ça, je ne regrette pas. Tu parles, quelque chose qui voudrait savoir comment poussent les flocons de neige et comment volent les mouettes ! Vous connaissez plus drôle ? Un truc qui passe son temps à poser des questions ? Comme si on pouvait savoir, au fond.
Quelque mois plus tard, un samedi de pluie, Georges, mon nouveau copain à tête d'Einstein, m'a emmené en secret visiter son labo du CNRS. Un accélérateur de particules, rien que pour nous deux. Ca vrombrissait et faisait des étincelles grandes comme des autos. Et ces odeurs électriques ! Mieux que les machines des ces navires cracheurs d'escarbilles et fuyant vers la Nouvelle Orléans.
Sans même m'en apercevoir, je suis entré dans la science comme on pénètre dans une forêt ébouriffée par le vent.
8.7.07
Paysan du ciel
Il y a le fil, jaune, de la clôture électrique. Alors, pour ne pas prendre de châtaigne, lève ta jambe. Partout, sur l’herbe moussue, ruisselle ce parfum des bouses qui fait parler la terre. Mais où sont passées les « filles » ? Pas loin. Sophie les siffle, les chante, les crie. Les beautés caramel rappliquent au galop. Des limousines à la langue de soie. En bas, à la grande ferme, la centaine de taurillons que l’on engraisse quelques mois, à l’abri et au maïs, ne sont que numéros. Mais ici, dans le pré de la colline, les vaches sont les chéries de la patronne. Et elles le savent, qui ruminent et rigolent des yeux.
(en été)
Sur ce mamelon de la Gascogne râpeuse, pas trop loin d’Aillas ni de la lente Garonne de Mauriac nous sommes à Dautic, la petite ferme que Sophie Bourillon vient de sauver des ronces. « C’est beau, non ? Les collines, on dirait la mer, et puis d'ici tu vois loin, loin », rit Sophie, ses cheveux flottant dans ce vent qui distribue encore des baffes de gel. Pierre après poutre, elle la retape, sa maison des prés. « Pour en faire un gîte, une auberge, un relais équestre, un truc bio, où je serai en harmonie avec la nature, où des gens pourront venir... ».
L’an dernier, avec Cyril, son mari, et quelques amis « à la campagne les gens sont restés solidaires », s’étonne-t-elle , Sophie a grimpé sur le toit glissant et hissé 12 000 tuiles vers le ciel. Des risques ? Il faut aller vite, moins cher. « On est souvent limite », concède Cyril. Une fois, Sophie a été matraquée par un jeune taureau, un de ceux restés trop longtemps à la ferme pour cause de crise de la vache folle. Ce jour-là, il a bien cru perdre la mère de Corentin et de Victoire.
Il y a 20 ans, le jeune Bourillon déguerpissait de Bordeaux, fuyait son destin de notable. Cyril rachète la ferme de ses grands-parents. Une dizaine d’années plus tard, Sophie la citadine, passionnée de chevaux, le trouve là. Épaule contre épaule, ils ont galéré, traversé vaches maigres et folles, et les jours aphteux aussi. Aujourd’hui, la grande ferme, celle du bas, a été rendue à l'élégance de ses poutres et de ses briques. Il y a les deux enfants rieurs, les amis de la côte du Poulet, Kiev et Tahiti, les chevaux, un sac à puces gris et noir tout couillon avec les brebis et deux tracteurs.
La trouille, la vraie, n’est pas loin. L’angoisse de tout un monde paysan qui se sent perdu, téléguidé, contemplé comme une espèce rare, au musée du "c'était mieux avant". Il n'y a pas que des saints ici. La nuit parfois, claquent des coups de carabine et brûlent des broussailles. "Faut se faire respecter", laisse tomber un voisin. La discussion de ce soir, sans un regard pour la télé, allumée, mais le son coupé : "faut-il faire du bio ?" Les uns sont pour. Les autres contre. On verra. On fera comme on pourra.
Certains paysans sont restés des rois. Les jambes en terre, le regard au ciel. Décidant de leurs vies comme le marin, face à la grande houle. Comme lui, ils ne savent pas bien lâcher les mots. C'est pourquoi la parole et les silences ont ici un poids que les autres n'imaginent pas.
(en été)
Sur ce mamelon de la Gascogne râpeuse, pas trop loin d’Aillas ni de la lente Garonne de Mauriac nous sommes à Dautic, la petite ferme que Sophie Bourillon vient de sauver des ronces. « C’est beau, non ? Les collines, on dirait la mer, et puis d'ici tu vois loin, loin », rit Sophie, ses cheveux flottant dans ce vent qui distribue encore des baffes de gel. Pierre après poutre, elle la retape, sa maison des prés. « Pour en faire un gîte, une auberge, un relais équestre, un truc bio, où je serai en harmonie avec la nature, où des gens pourront venir... ».
L’an dernier, avec Cyril, son mari, et quelques amis « à la campagne les gens sont restés solidaires », s’étonne-t-elle , Sophie a grimpé sur le toit glissant et hissé 12 000 tuiles vers le ciel. Des risques ? Il faut aller vite, moins cher. « On est souvent limite », concède Cyril. Une fois, Sophie a été matraquée par un jeune taureau, un de ceux restés trop longtemps à la ferme pour cause de crise de la vache folle. Ce jour-là, il a bien cru perdre la mère de Corentin et de Victoire.
Il y a 20 ans, le jeune Bourillon déguerpissait de Bordeaux, fuyait son destin de notable. Cyril rachète la ferme de ses grands-parents. Une dizaine d’années plus tard, Sophie la citadine, passionnée de chevaux, le trouve là. Épaule contre épaule, ils ont galéré, traversé vaches maigres et folles, et les jours aphteux aussi. Aujourd’hui, la grande ferme, celle du bas, a été rendue à l'élégance de ses poutres et de ses briques. Il y a les deux enfants rieurs, les amis de la côte du Poulet, Kiev et Tahiti, les chevaux, un sac à puces gris et noir tout couillon avec les brebis et deux tracteurs.
La trouille, la vraie, n’est pas loin. L’angoisse de tout un monde paysan qui se sent perdu, téléguidé, contemplé comme une espèce rare, au musée du "c'était mieux avant". Il n'y a pas que des saints ici. La nuit parfois, claquent des coups de carabine et brûlent des broussailles. "Faut se faire respecter", laisse tomber un voisin. La discussion de ce soir, sans un regard pour la télé, allumée, mais le son coupé : "faut-il faire du bio ?" Les uns sont pour. Les autres contre. On verra. On fera comme on pourra.
Certains paysans sont restés des rois. Les jambes en terre, le regard au ciel. Décidant de leurs vies comme le marin, face à la grande houle. Comme lui, ils ne savent pas bien lâcher les mots. C'est pourquoi la parole et les silences ont ici un poids que les autres n'imaginent pas.
7.7.07
Comment vont les antilopes ?
"Vroum, vroum" font les chromes immobiles sur le bitume. Isabelle, sa crinière rousse où chuchote le soleil, et moi tentons de rallier Babylone. Fluidité autoroutière à zéro. Vent tiède et nuages en forme de bisons, qui galopent en se foutant de nous. Pour distraire mon bras, je stoppe Lady in Satin de Billie Holiday, et je pince la radio. Météo, bourse, tiercé, résultats sportifs, nouveau robot idiot, bricolage, proclamations téléphonées en provenance de scènes politiques ou diplomatiques érigées pour la presse. Du vide qui s'écoule. Quelques vacarmes, aussi, qui nous tirent de notre hypnose, pour la réclame.
A la roulette des souvenirs, mes pensées circulent mieux que nos pneus. Elles me portent dans ce journal quitté depuis longtemps, face aux lunettes à costume gris qui venaient d'être propulsées directeur adjoint de la rédaction. Je traversais ce bourbier que les journalistes détestent tant : "vendre" un sujet à celui qui distribue les pages.
photo
Quelques semaines plus tôt, j'avais rencontré un malade. Il m'avait livré la manière dont il avait été (bien) soigné. Nous étions devenus complices. Alors il me raconta. Lucide, enfermé par son cancer, il avait décidé de se faire la belle à la manière des "Invasions Barbares". Le film conte la fin de vie d'un universitaire québécois, dans une maison, au bord d'un lac, entouré de ses proches, de leur histoires, de leur affection.
C'est ainsi que Gérard voulait s'évaporer. Finir son voyage en clarté, en Suisse, puisque dans notre pays choisir son issue est criminel. Il me demandait de témoigner de ses démarches, au nom du petit brin de camaraderie sur lequel nous étions perchés. J'avais refusé. Sa femme insistait. "Cela pourra ouvrir une voie, pour les suivants..." Et puis Gérard avait été journaliste. Pas si mal placé pour jauger de ce qu'il faut taire ou dire.
C'était cela que les lunettes et moi évoquions. "Un reportage sur l'euthanasie ?" Non, le récit de quelqu'un qui voulait que l'on sache. Un récit qui serait signé par le malade, simplement transcrit par moi.
La réponse d'un grand responsable traverse le ciel, immédiate et lumineuse comme la foudre. Dans ces cerveaux-là, tout va vite : "L'euthanasie, c'est trop triste, vieux. Non, non, les élections approchent et tout le monde broie du noir. Fais nous quelque chose de gai, tiens, sur les merveilles de la science, les maladies que l'on guérit, les nouvelles façons de faire la fête. Hein ? Du gai, tu vois ?
- Mais ne crois tu pas que cela serait professionnel de traiter ce sujet... C'est un débat qui va rebondir, plusieurs procédures judiciaires sont en cours, le cadre législatif va exploser...
- Non", avait conclu mon hiérarque, soudain radioactif comme un pulsar.
J'ai sursauté. La radio de l'auto, dans un souffle soudain joyeux, trompetait :
La Société de conservation de la faune sauvage, un groupe environnemental basé à New York, a annoncé la nouvelle mardi, en se basant sur un programme d'étude aérienne ayant permis la découverte de plus de 1,2 million .
" C'est incroyable, c'est une chevauchée fantastique. On vient de retrouver un troupeau sauvage, des dizaines de milliers, peut-être des millions d'antilopes, gazelles, éléphants et d'autres animaux sauvages dans le sud du Soudan, dans une région où plus personne, depuis 25 ans n'avait été observer la vie sauvage ... Il existe encore sur notre planète des oasis de vie, inconnues, oubliées... Ce sont d'excellentes nouvelles pour le monde et pour le sud du Soudan, a estimé à New York le président de l'association de la Faune sauvage, lors d'une conférence de presse".
Suivait la voix de l'envoyé au Soudan qui avait survolé la région. Selon lui il s'agissait peut-être désormais de la région la plus riche en vie sauvage. Du plus grand réservoir biologique d'Afrique.
Le journaliste, sur ce ton compatissant que l'on met en générique à la langue de bois : "certes c'est une situation délicate..., il y a eu des drames humains dans cette région, des guerres civiles qui ont empêché de suivre l'évolution de la faune, mais quelle bonne nouvelle. Vous devez avoir envie de monter des expéditions sur le terrain, pour voir de plus près ? Et préserver cette merveille, contre les bandes armées ?"
Je fermai le robinet et tentai d'imaginer quelle tête avait le type qui avait décidé pour moi qu'il s'agissait d'une "bonne nouvelle". Je pensai aux deux millions de morts laissés par la guerre civile, dans ces sables. Aux derniers gorilles, aussi, rescapés d'autre folies humaines, en sursis dans les forêts épaisses, sur les pentes de la chaîne des Volcans. Oublis, simplifications, aveuglements et sursis. Ces mensonges ajoutés aux mensonges qui nous jettent dans le brouillard.
A la roulette des souvenirs, mes pensées circulent mieux que nos pneus. Elles me portent dans ce journal quitté depuis longtemps, face aux lunettes à costume gris qui venaient d'être propulsées directeur adjoint de la rédaction. Je traversais ce bourbier que les journalistes détestent tant : "vendre" un sujet à celui qui distribue les pages.
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Quelques semaines plus tôt, j'avais rencontré un malade. Il m'avait livré la manière dont il avait été (bien) soigné. Nous étions devenus complices. Alors il me raconta. Lucide, enfermé par son cancer, il avait décidé de se faire la belle à la manière des "Invasions Barbares". Le film conte la fin de vie d'un universitaire québécois, dans une maison, au bord d'un lac, entouré de ses proches, de leur histoires, de leur affection.
C'est ainsi que Gérard voulait s'évaporer. Finir son voyage en clarté, en Suisse, puisque dans notre pays choisir son issue est criminel. Il me demandait de témoigner de ses démarches, au nom du petit brin de camaraderie sur lequel nous étions perchés. J'avais refusé. Sa femme insistait. "Cela pourra ouvrir une voie, pour les suivants..." Et puis Gérard avait été journaliste. Pas si mal placé pour jauger de ce qu'il faut taire ou dire.
C'était cela que les lunettes et moi évoquions. "Un reportage sur l'euthanasie ?" Non, le récit de quelqu'un qui voulait que l'on sache. Un récit qui serait signé par le malade, simplement transcrit par moi.
La réponse d'un grand responsable traverse le ciel, immédiate et lumineuse comme la foudre. Dans ces cerveaux-là, tout va vite : "L'euthanasie, c'est trop triste, vieux. Non, non, les élections approchent et tout le monde broie du noir. Fais nous quelque chose de gai, tiens, sur les merveilles de la science, les maladies que l'on guérit, les nouvelles façons de faire la fête. Hein ? Du gai, tu vois ?
- Mais ne crois tu pas que cela serait professionnel de traiter ce sujet... C'est un débat qui va rebondir, plusieurs procédures judiciaires sont en cours, le cadre législatif va exploser...
- Non", avait conclu mon hiérarque, soudain radioactif comme un pulsar.
J'ai sursauté. La radio de l'auto, dans un souffle soudain joyeux, trompetait :
La Société de conservation de la faune sauvage, un groupe environnemental basé à New York, a annoncé la nouvelle mardi, en se basant sur un programme d'étude aérienne ayant permis la découverte de plus de 1,2 million .
" C'est incroyable, c'est une chevauchée fantastique. On vient de retrouver un troupeau sauvage, des dizaines de milliers, peut-être des millions d'antilopes, gazelles, éléphants et d'autres animaux sauvages dans le sud du Soudan, dans une région où plus personne, depuis 25 ans n'avait été observer la vie sauvage ... Il existe encore sur notre planète des oasis de vie, inconnues, oubliées... Ce sont d'excellentes nouvelles pour le monde et pour le sud du Soudan, a estimé à New York le président de l'association de la Faune sauvage, lors d'une conférence de presse".
Suivait la voix de l'envoyé au Soudan qui avait survolé la région. Selon lui il s'agissait peut-être désormais de la région la plus riche en vie sauvage. Du plus grand réservoir biologique d'Afrique.
Le journaliste, sur ce ton compatissant que l'on met en générique à la langue de bois : "certes c'est une situation délicate..., il y a eu des drames humains dans cette région, des guerres civiles qui ont empêché de suivre l'évolution de la faune, mais quelle bonne nouvelle. Vous devez avoir envie de monter des expéditions sur le terrain, pour voir de plus près ? Et préserver cette merveille, contre les bandes armées ?"
Je fermai le robinet et tentai d'imaginer quelle tête avait le type qui avait décidé pour moi qu'il s'agissait d'une "bonne nouvelle". Je pensai aux deux millions de morts laissés par la guerre civile, dans ces sables. Aux derniers gorilles, aussi, rescapés d'autre folies humaines, en sursis dans les forêts épaisses, sur les pentes de la chaîne des Volcans. Oublis, simplifications, aveuglements et sursis. Ces mensonges ajoutés aux mensonges qui nous jettent dans le brouillard.
6.7.07
D'où vient le sable ?
On promet de résister. De ne pas courir dans le froid en hurlant de plaisir. La première neige est là, qui fait de nos ventres des vertiges. Et les rues du village sont des allées dociles et tendres, où rôde le délicat silence des merveilles.
Les bonnets de laine sortent des maisons. Dans le noir les racloirs de bois hurlent de devoir défigurer la couche de poudreuse.
Avec Denis et Pierre, nous glissons par notre chemin du matin. Vers le terminus du 64, l'autocar qui à son tour nous mènera en ville, au lycée. Sur la route, une "quatreL" Renault orange. Seule, elle valse sans bruit. Lentement dérape, à un cheveu d'un poteau de béton. C'est léger comme l'image, sur la toile du ciné.
photo
Les pieds mordus par le froid, les gants raidis d'avoir lancé des boules. En retard. Faut prendre par le raccourci. Nous tournons le coin. Eh, faudrait courir, les gars. Mes potes sont soudés sur place. Des fumées de locomotives sortent des becs ouverts en grand. Ils me montrent. Le soleil n'est toujours pas levé mais on voit bien, avec le lampadaire du carrefour : sur les champs, quelque chose a saupoudré. Quelque chose de fou. Un sable rouge, qui loin, partout, fait comme s'il avait neigé du sang sur la neige.
Denis hausse les épaules, malin.
"Le vent."
"Quoi le vent ?"
"La tempête du sud, parfois elle apporte du sable du désert, depuis le Sahara, par-dessus la Méditerranée".
Nous sommes repartis vers le lycée, deux fois ivres de bonheur.
Le sable ? C'est du roc. Du roc de montagne ou de plaine, fouetté, martyrisé, brisé, réduit entre 0,063 et 2 mm, emporté par le gel, la pluie et le vent. Des grains qui se heurtent, s'usent, et vont encore plus loin. Il s'agit de silice. Un constituant très dur. En combine avec de l'oxygène cela fait du quartz. Et si cela peut devenir minuscule, cela compose tout de même plus de la moitié de l'écorce terrestre.
Le plus drôle, avec le sable, c'est qu'il fait le contraire de ce que vous voulez. Vous le retenez ? Il se glisse entre les doigts. Vous voulez le sécher ? Il prend l'humidité. On entreprend de le tasser ? Et voilà qu'il ruisselle comme de l'eau.
Le secret, c'est l'air entre les grains. Selon les pressions, ils forment de petits ponts, des voûtes de minuscules cathédrales. Ils s'arcqueboutent. Et le sable, alors, se croit pierre. Une seconde après, lorsque l'on appuie plus, le voilà qui s'écoule à nouveau.
Le pire c'est que lorsque le roc est devenu sable de rivière, a gagné l'océan, la plage, et que des millions d'années ont filé, doucement alors ils se transforme à nouveau. Il se colle, se cimente, s'agglutine et redevient roche : grès rose, granite noir : on a l'embarras du choix. A moins de décider d'en faire des immeubles, du verre ou des puces d'ordinateurs.
Moi, c'est en vastes dunes oranges du Kalahari, celles qui "chantent", que je l'aime. Une rumeur, un effet de vibration, lorsque les grains dégringolent la pente. Ou alors lorsqu'il tombe du ciel, après avoir traversé les océans. Pour nous dire que tout voyage toujours, loin.
Les bonnets de laine sortent des maisons. Dans le noir les racloirs de bois hurlent de devoir défigurer la couche de poudreuse.
Avec Denis et Pierre, nous glissons par notre chemin du matin. Vers le terminus du 64, l'autocar qui à son tour nous mènera en ville, au lycée. Sur la route, une "quatreL" Renault orange. Seule, elle valse sans bruit. Lentement dérape, à un cheveu d'un poteau de béton. C'est léger comme l'image, sur la toile du ciné.
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Les pieds mordus par le froid, les gants raidis d'avoir lancé des boules. En retard. Faut prendre par le raccourci. Nous tournons le coin. Eh, faudrait courir, les gars. Mes potes sont soudés sur place. Des fumées de locomotives sortent des becs ouverts en grand. Ils me montrent. Le soleil n'est toujours pas levé mais on voit bien, avec le lampadaire du carrefour : sur les champs, quelque chose a saupoudré. Quelque chose de fou. Un sable rouge, qui loin, partout, fait comme s'il avait neigé du sang sur la neige.
Denis hausse les épaules, malin.
"Le vent."
"Quoi le vent ?"
"La tempête du sud, parfois elle apporte du sable du désert, depuis le Sahara, par-dessus la Méditerranée".
Nous sommes repartis vers le lycée, deux fois ivres de bonheur.
Le sable ? C'est du roc. Du roc de montagne ou de plaine, fouetté, martyrisé, brisé, réduit entre 0,063 et 2 mm, emporté par le gel, la pluie et le vent. Des grains qui se heurtent, s'usent, et vont encore plus loin. Il s'agit de silice. Un constituant très dur. En combine avec de l'oxygène cela fait du quartz. Et si cela peut devenir minuscule, cela compose tout de même plus de la moitié de l'écorce terrestre.
Le plus drôle, avec le sable, c'est qu'il fait le contraire de ce que vous voulez. Vous le retenez ? Il se glisse entre les doigts. Vous voulez le sécher ? Il prend l'humidité. On entreprend de le tasser ? Et voilà qu'il ruisselle comme de l'eau.
Le secret, c'est l'air entre les grains. Selon les pressions, ils forment de petits ponts, des voûtes de minuscules cathédrales. Ils s'arcqueboutent. Et le sable, alors, se croit pierre. Une seconde après, lorsque l'on appuie plus, le voilà qui s'écoule à nouveau.
Le pire c'est que lorsque le roc est devenu sable de rivière, a gagné l'océan, la plage, et que des millions d'années ont filé, doucement alors ils se transforme à nouveau. Il se colle, se cimente, s'agglutine et redevient roche : grès rose, granite noir : on a l'embarras du choix. A moins de décider d'en faire des immeubles, du verre ou des puces d'ordinateurs.
Moi, c'est en vastes dunes oranges du Kalahari, celles qui "chantent", que je l'aime. Une rumeur, un effet de vibration, lorsque les grains dégringolent la pente. Ou alors lorsqu'il tombe du ciel, après avoir traversé les océans. Pour nous dire que tout voyage toujours, loin.
4.7.07
Découverte : le Poil pousse dans le cerveau
par Catherine Vidal (Invitée de ce blog)
Neurobiologiste, Institut Pasteur.
Discours à ses honorables collègues pataphysiciens.
Publié en exclusivité dans ce carnet, en hommage aux travaux du fort regretté Perec, Georges.
On a maintes fois chanté le Décervelage. On a arraché les cervelles par kilos et célébré le Décervelage dans l'espace-temps du calendrier pataphysique. Un tel succès ne doit cependant pas occulter la démarche qui s'impose à tout pataphysicien. Il est temps en effet de se préoccuper de l'anti-Décervelage, j'ai nommé : l'Encervelage.
Le concept ? Loin d'être abstrait, il fut décrit par Georges Perec dans un article célèbre intitulé : "Démonstration expérimentale d'une organisation tomatotopique chez la Cantatrice" (Seuil, 1991). L'article illustre les effets du lancer de la tomate sur la réaction "yellante" (de hurlement) chez la soprano de l'espèce Cantatrix sopranica L. (Linné). Grâce à un dispositif expérimental inédit capable d'induire des jets de tomate de haute volée, on assiste à une déstabilisation majeure de la cervelle de la soprano : un processus d'Encervelage, ou stimulation des cellules nerveuses.
photo
En effet il s'avère que le lancer frappant de tomate entraîne des changement drastiques de l'activité électrique des neurones au niveau des aires cérébrales du tractus légumineux, des noyaux thalami et du sulcus musicalis. L'importance de l'observation a été tout de suite saluée par la communauté neuroscientifique, cependant son interprétation est longtemps restée énigmatique. Comment expliquer en particulier que la tomate écrasée sur le front stimule davantage les neurones que l'écrasement sur la joue?
La question fait référence au grand débat sur la dualité de la "tomatotopie" (tomate/topos) versus la "somatotopie" (soma /topos). Cette dernière décrit la répartition des zones du cerveaux qui sont activées lors de la stimulation tactile des différentes parties du corps (fig 1). Il apparaît que les informations provenant des pieds, des jambes et du tronc occupent une surface cérébrale réduite, alors que le visage et la main sont représentés sur une large région du cortex. On remarquera que les zones correspondant aux doigts et à la partie supérieur du visage sont très proches. Il s'agit là d'une disposition somatotopique propre à l'Homo sapiens. Les experts s'accordent pour penser qu'elle explique notre habileté à nous mettre le doigt dans l'oeil ou dans le nez.
Mais elle pourrait aussi rendre compte de la puissance de l'Encervelage induit par l'impact de la tomate sur le front : la proximité somatotopique permettrait une diffusion vers la zone de la main avec pour conséquence l'activation d'un plus grand nombre des neurones. Mais par quel mécanisme? Comment l'influx nerveux peut-il sauter d'une aire cérébrale à une autre? Cette question a mobilisé les chercheurs pendant des décennies. Armés de microélectrodes de patch-clamp, de sondes moléculaires fluorescentes et de puces à ADN, les scientifiques viennent de percer le mystère: les neurones communiquent entre eux grâce à des Poils!
Les images de microscopie électronique montrent sans contestation possible que la membrane des neurones est hérissée d'une multitude de Poils nommés par les spécialistes "épines dendritiques" (fig 2). C'est là que sont localisées les synapses qui permettent à l'influx nerveux de passer d'un neurone à l'autre.
Sachant que chacun de nos 100 milliards de neurones est connecté à 10 000 autres neurones, on peut évaluer à un million de milliards le nombre de synapses et donc de Poils dans le cerveau. Les chiffres parlent : le cerveau est bien l'organe le plus poilu de l'organisme.
Un cas extrême vient d'être décrit dans une expérience d'imagerie cérébrale par IRM chez des patients souffrant du syndrome dit "du Poil dans la main" ou "piloérection ex manu" pour les cliniciens (fig 3).
Il s'agit là d'une pathologie très invalidante qui conduit le sujet à une réduction forcée de son activité journalière à mesure que le Poil pousse dans sa main. Les conséquences au niveau cérébral sont impressionnantes. En effet, la réduction de mobilité manuelle (due à l'encombrement par le Poil) entraîne un rétrécissement progressif de la zone du cortex représentant la main. Pire, la zone du visage adjacente en profite pour occuper la place vacante ! (fig 4).
Si rien n'est tenté, le patient se retrouve cérébralement amputé de la main, tout en développant le syndrome secondaire "de la grosse tête". L'expérience clinique a montré que la section du poil est inopérante car il repousse inexorablement. L'extraction chirurgicale en profondeur pour le détacher du follicule pileux n'est pas plus efficace. L'espoir repose désormais sur l'épilation laser. Des expériences pilotes indiquent que cette technologie épilatoire est efficace non seulement pour prévenir la repousse en périphérie, mais surtout pour enrailler la dégradation cérébrale (fig 5).
Deux mois après l'épilation, la main regagne progressivement son territoire au détriment du visage. Et finalement, au bout de cinq mois, on constate le retour à une situation cérébralement équilibrée et surtout à un confort de vie retrouvé pour le patient.
En conclusion, cette étude de cas est une illustration exemplaire des capacités d'adaptation du cerveau en réponse à l'invasion d'un Poil périphérique. Cette "plasticité cérébrale" est l'oeuvre des Poils synaptiques qui permettent aux neurones de communiquer entre eux pour réagir aux changements de l'environnement (voir Vidal et Benoit-Browaeys, 2005). L'Encervelage pressenti par George Perec chez la soprano dès 1974, trouve donc enfin au début du XXIème siècle sa pleine démonstration neurophysiologique expérimentale.
Bibliographie
- Georges Pérec
Cantatrix Sopranica et autres écrits scientifiques, Seuil, 1991
- Catherine Vidal et Dorothée Benoit-Browaeys
Cerveau, sexe et pouvoir, Belin, 2005
Nota : les figures n'ont pu, encore être reproduites ici. Mais nous ne désespérons pas.
Neurobiologiste, Institut Pasteur.
Discours à ses honorables collègues pataphysiciens.
Publié en exclusivité dans ce carnet, en hommage aux travaux du fort regretté Perec, Georges.
On a maintes fois chanté le Décervelage. On a arraché les cervelles par kilos et célébré le Décervelage dans l'espace-temps du calendrier pataphysique. Un tel succès ne doit cependant pas occulter la démarche qui s'impose à tout pataphysicien. Il est temps en effet de se préoccuper de l'anti-Décervelage, j'ai nommé : l'Encervelage.
Le concept ? Loin d'être abstrait, il fut décrit par Georges Perec dans un article célèbre intitulé : "Démonstration expérimentale d'une organisation tomatotopique chez la Cantatrice" (Seuil, 1991). L'article illustre les effets du lancer de la tomate sur la réaction "yellante" (de hurlement) chez la soprano de l'espèce Cantatrix sopranica L. (Linné). Grâce à un dispositif expérimental inédit capable d'induire des jets de tomate de haute volée, on assiste à une déstabilisation majeure de la cervelle de la soprano : un processus d'Encervelage, ou stimulation des cellules nerveuses.
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En effet il s'avère que le lancer frappant de tomate entraîne des changement drastiques de l'activité électrique des neurones au niveau des aires cérébrales du tractus légumineux, des noyaux thalami et du sulcus musicalis. L'importance de l'observation a été tout de suite saluée par la communauté neuroscientifique, cependant son interprétation est longtemps restée énigmatique. Comment expliquer en particulier que la tomate écrasée sur le front stimule davantage les neurones que l'écrasement sur la joue?
La question fait référence au grand débat sur la dualité de la "tomatotopie" (tomate/topos) versus la "somatotopie" (soma /topos). Cette dernière décrit la répartition des zones du cerveaux qui sont activées lors de la stimulation tactile des différentes parties du corps (fig 1). Il apparaît que les informations provenant des pieds, des jambes et du tronc occupent une surface cérébrale réduite, alors que le visage et la main sont représentés sur une large région du cortex. On remarquera que les zones correspondant aux doigts et à la partie supérieur du visage sont très proches. Il s'agit là d'une disposition somatotopique propre à l'Homo sapiens. Les experts s'accordent pour penser qu'elle explique notre habileté à nous mettre le doigt dans l'oeil ou dans le nez.
Mais elle pourrait aussi rendre compte de la puissance de l'Encervelage induit par l'impact de la tomate sur le front : la proximité somatotopique permettrait une diffusion vers la zone de la main avec pour conséquence l'activation d'un plus grand nombre des neurones. Mais par quel mécanisme? Comment l'influx nerveux peut-il sauter d'une aire cérébrale à une autre? Cette question a mobilisé les chercheurs pendant des décennies. Armés de microélectrodes de patch-clamp, de sondes moléculaires fluorescentes et de puces à ADN, les scientifiques viennent de percer le mystère: les neurones communiquent entre eux grâce à des Poils!
Les images de microscopie électronique montrent sans contestation possible que la membrane des neurones est hérissée d'une multitude de Poils nommés par les spécialistes "épines dendritiques" (fig 2). C'est là que sont localisées les synapses qui permettent à l'influx nerveux de passer d'un neurone à l'autre.
Sachant que chacun de nos 100 milliards de neurones est connecté à 10 000 autres neurones, on peut évaluer à un million de milliards le nombre de synapses et donc de Poils dans le cerveau. Les chiffres parlent : le cerveau est bien l'organe le plus poilu de l'organisme.
Un cas extrême vient d'être décrit dans une expérience d'imagerie cérébrale par IRM chez des patients souffrant du syndrome dit "du Poil dans la main" ou "piloérection ex manu" pour les cliniciens (fig 3).
Il s'agit là d'une pathologie très invalidante qui conduit le sujet à une réduction forcée de son activité journalière à mesure que le Poil pousse dans sa main. Les conséquences au niveau cérébral sont impressionnantes. En effet, la réduction de mobilité manuelle (due à l'encombrement par le Poil) entraîne un rétrécissement progressif de la zone du cortex représentant la main. Pire, la zone du visage adjacente en profite pour occuper la place vacante ! (fig 4).
Si rien n'est tenté, le patient se retrouve cérébralement amputé de la main, tout en développant le syndrome secondaire "de la grosse tête". L'expérience clinique a montré que la section du poil est inopérante car il repousse inexorablement. L'extraction chirurgicale en profondeur pour le détacher du follicule pileux n'est pas plus efficace. L'espoir repose désormais sur l'épilation laser. Des expériences pilotes indiquent que cette technologie épilatoire est efficace non seulement pour prévenir la repousse en périphérie, mais surtout pour enrailler la dégradation cérébrale (fig 5).
Deux mois après l'épilation, la main regagne progressivement son territoire au détriment du visage. Et finalement, au bout de cinq mois, on constate le retour à une situation cérébralement équilibrée et surtout à un confort de vie retrouvé pour le patient.
En conclusion, cette étude de cas est une illustration exemplaire des capacités d'adaptation du cerveau en réponse à l'invasion d'un Poil périphérique. Cette "plasticité cérébrale" est l'oeuvre des Poils synaptiques qui permettent aux neurones de communiquer entre eux pour réagir aux changements de l'environnement (voir Vidal et Benoit-Browaeys, 2005). L'Encervelage pressenti par George Perec chez la soprano dès 1974, trouve donc enfin au début du XXIème siècle sa pleine démonstration neurophysiologique expérimentale.
Bibliographie
- Georges Pérec
Cantatrix Sopranica et autres écrits scientifiques, Seuil, 1991
- Catherine Vidal et Dorothée Benoit-Browaeys
Cerveau, sexe et pouvoir, Belin, 2005
Nota : les figures n'ont pu, encore être reproduites ici. Mais nous ne désespérons pas.
Comptez-vous
"Comptez-vous". C'était sa phrase, à l'adjudant, à l'armée. Nous pouvions le sentir à ses cuisses écartées, aux rangers clouées dans la boue, à ses épaules gonflées. Avec sa modestie divine, il nous disait que nos neurones ne nous mettaient à l'abri de rien. Que le rempart entre nos fragilités et le chaos, c'était lui. Il savourait. Nous devions, alignés, reconnaître que le glaive était tout et que nous n'étions rien. Nous nous comptions. Un par un. J'étais "trois", premier rang. "Plus fort", hurlait-il. J'ai souvent imaginé de rompre, de citer Shakespeare, ou Borges. Je ne l'ai jamais fait. Il était la sombre loi qui ne respecte que soi. Et "trois" était aussi dur à dire que d'accepter la folie des mondes aveugles.
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Il y a cette histoire : des chercheurs du MIT ont "compté" une foule italienne en analysant les signaux émis par les téléphones portables. Plus de discussion : chiffres des organisateurs, estimations de la police, finies la poétique louche et l'amusante fourchette. A un près, on sait combien et où ils vont. On notera que ceux qui ne sont pas abonnés n'existent pas... Ces égaré, on les "évalue".
Il y a ce que l'on ne dit pas : ce que permettent déjà, offriront demain, nos jouets, téléphones, gps, rfid (puces à lectures distantes, sous la peau ou dans nos passeports) et autres à venir. Notre laisse à la fourmilière. Notre interdépendance accrue, sans mots ni regards. Notre surveillance, par les machines. A notre insu. Pour le meilleur, le pire, qu'importe. Le mot est là : surveillance. Le simple fait d'adopter les machines nous emmène ailleurs.
Je me suis souvenu du mètre étalon. Il en demeure un à Paris, sous une arcade de la rue de Vaugirard, au coin de la rue Garancière, face au Palais du Luxembourg.
Solitaire, personne ne le regarde. Un mur de pierre. Corniche cimentée, figure et idole, marquée mètre. C'est la Convention qui fit placer 16 de ces étalons dans Paris, en 1796. Il falllait répandre la mesure nouvelle du monde, celle des Lumières. L'ordre technique prenait le pas sur l'ordre religieux. Les unités diverses et locales cédaient devant l'unique, l'universel, puisque le mètre voulu par la Convention et les savants est une partie de la circonférence du monde. Une mesure dérobée à la nature. Ou alors imposée à elle. Les deux sont vrais.
Voilà ce que font de nous les machines que nous inventons. A leur tour elles nous inventent d'autres destinées. Nous distillent en douceur mais sans relâche un autre monde. Transforment notre relation en levier. Rien d'innocent. Le mètre n'existe pas, pour celui qui n'a nul besoin de mesurer.
Le mètre est machine. Autant que le nombre et la foule qui se compte. Qu'avons nous encore de commun, nous qui portons à nos poignets des heures atomiques, dans nos poches des localisation par satellite et des liaisons au Net, dans nos esprits des vacarmes solitaires et distants ? Qu'avons-nous de commun avec ce paysan qui rentrait ses brebis, par peur du loup, sur le Causse, voici deux ou trois siècles ? Que lui dirions-nous, qui ne savons pas estimer la hauteur du soleil dans le ciel ?
Imaginez. Que la loi de l'électricité s'évanouisse. Que nos machines meurent sans larmes. Survivons. Nous ferions comme on fit à Venise ou au Siam. Nous voyagerions à la godille, au pas du cheval. Comme les Indiens de la forêt, nous dirions "beaucoup" et ririons de l'oubli, là où machine affiche son compteur et ses souvenirs sans âme.
Compter. Ce fut la première machine que l'homme imposa au monde. D'elle vinrent toutes les autres, et encore d'autres.
Cela ne semble ni bien ni mal. Alors ? Comptons. Et que chaque matin aussi l'on regarde le soleil sans chercher à goûter autre chose que cette chaleur freinée par les arbres.
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Il y a cette histoire : des chercheurs du MIT ont "compté" une foule italienne en analysant les signaux émis par les téléphones portables. Plus de discussion : chiffres des organisateurs, estimations de la police, finies la poétique louche et l'amusante fourchette. A un près, on sait combien et où ils vont. On notera que ceux qui ne sont pas abonnés n'existent pas... Ces égaré, on les "évalue".
Il y a ce que l'on ne dit pas : ce que permettent déjà, offriront demain, nos jouets, téléphones, gps, rfid (puces à lectures distantes, sous la peau ou dans nos passeports) et autres à venir. Notre laisse à la fourmilière. Notre interdépendance accrue, sans mots ni regards. Notre surveillance, par les machines. A notre insu. Pour le meilleur, le pire, qu'importe. Le mot est là : surveillance. Le simple fait d'adopter les machines nous emmène ailleurs.
Je me suis souvenu du mètre étalon. Il en demeure un à Paris, sous une arcade de la rue de Vaugirard, au coin de la rue Garancière, face au Palais du Luxembourg.
Solitaire, personne ne le regarde. Un mur de pierre. Corniche cimentée, figure et idole, marquée mètre. C'est la Convention qui fit placer 16 de ces étalons dans Paris, en 1796. Il falllait répandre la mesure nouvelle du monde, celle des Lumières. L'ordre technique prenait le pas sur l'ordre religieux. Les unités diverses et locales cédaient devant l'unique, l'universel, puisque le mètre voulu par la Convention et les savants est une partie de la circonférence du monde. Une mesure dérobée à la nature. Ou alors imposée à elle. Les deux sont vrais.
Voilà ce que font de nous les machines que nous inventons. A leur tour elles nous inventent d'autres destinées. Nous distillent en douceur mais sans relâche un autre monde. Transforment notre relation en levier. Rien d'innocent. Le mètre n'existe pas, pour celui qui n'a nul besoin de mesurer.
Le mètre est machine. Autant que le nombre et la foule qui se compte. Qu'avons nous encore de commun, nous qui portons à nos poignets des heures atomiques, dans nos poches des localisation par satellite et des liaisons au Net, dans nos esprits des vacarmes solitaires et distants ? Qu'avons-nous de commun avec ce paysan qui rentrait ses brebis, par peur du loup, sur le Causse, voici deux ou trois siècles ? Que lui dirions-nous, qui ne savons pas estimer la hauteur du soleil dans le ciel ?
Imaginez. Que la loi de l'électricité s'évanouisse. Que nos machines meurent sans larmes. Survivons. Nous ferions comme on fit à Venise ou au Siam. Nous voyagerions à la godille, au pas du cheval. Comme les Indiens de la forêt, nous dirions "beaucoup" et ririons de l'oubli, là où machine affiche son compteur et ses souvenirs sans âme.
Compter. Ce fut la première machine que l'homme imposa au monde. D'elle vinrent toutes les autres, et encore d'autres.
Cela ne semble ni bien ni mal. Alors ? Comptons. Et que chaque matin aussi l'on regarde le soleil sans chercher à goûter autre chose que cette chaleur freinée par les arbres.
3.7.07
Rapid flowers
Nébuleuse d'Orion. Telescope Hubble (Esa-Nasa)
En collaboration avec leurs collègues de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni et les laboratoires américains Sandia (Californie) et Argonne (Chicago), les chercheurs du laboratoire de physique des atomes, des lasers, des molécules et des surfaces (PALMS, CNRS/Université Rennes 1) ont étudié une cinquantaine de réactions entre des atomes d’oxygène et des hydrocarbures, à des températures comprises entre 23 K et 298 K (– 250 et 25 ° Celsius). Ils ont montré que certaines réactions lentes à température ambiante (sur Terre) devenaient rapides à basse température (et dans le "vide"), un phénomène lié à la présence ou non d’une barrière énergétique autour des molécules sidérales.
"C'est des éléments que provient tout ce qui a été, qui est, et qui sera dans l'avenir,
C'est par eux que les arbres, les hommes et les femmes peuvent grandir,
Et les bêtes sauvages et les oiseaux et les poissons qui vivent de l'eau,
Et même les dieux à la longue existence, rayonnants des honneurs des plus hauts,
Les éléments sont toujours les mêmes, mais ils vont des uns aux autres, circulant
Sous des formes différentes, tant leurs échanges produisent de changements..."
EMPEDOCLE (La genèse des éléments, Vème siècle avant notre ère)
2.7.07
Ne me montre plus jamais du doigt !
Annie avec ses rousseurs éparpillées partout, des cheveux si profonds et bleus d'être noirs, et ma gorge serrée, quand je voulais regarder dans ses yeux. Annie pour qui mon sang faisait tant de bruit, dans mes veines, que je pensais qu'elle était un morceau de moi.
Elle s'était dressée, avait traversé la cour de récréation, était venue à moi raide et rouge comme si on lui avait frotté les joues avec de la neige.
"Ne me montre plus jamais du doigt !" Elle s'est retournée et ne m'a plus jamais parlé. Ou alors si elle m'a reparlé, je ne m'en souviens plus. C'est que cela ne pouvait plus être pareil entre nous. ça brise comme du verre, l'amour, à six ans.
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Ce jour-là j'ai su que ma mère avait raison, qui répétait qu'il ne fallait pas montrer les gens du doigt. Surtout en ricanant, adossé aux rambardes avec les plus crétins, ceux qui prenaient des poses et faisaient la loi.
Je suis rentré, seul, avec mon cartable en cuir qui me sciait le dos. Je shootais dans les cailloux et je maudissais les nuages. Je reniflais.
Hélène Loevenbruck, chercheuse à l'Institut de la Communication Parlée (CNRS, INPG et université Grenoble), s'est penchée sur le mystère de l'origine de notre manie de pointer du doigt. Le secret dit-elle, réside dans la période de notre vie où cette activité tourne à plein régime : chez le bébé de dix mois.
Il a été montré que peu avant un an tous les bébés du monde deviennent de bien étranges explorateurs, qui se déchaînent soudain en un ballet consistant à désigner les objets qui les intéressent à leurs parents, qui en réponse les leur nomment, sous menace de pleurs et de cris. Deux mois après cette période du "montrage du doigt" les bébés prononcent leurs premiers mots. Ils continuent à pointer du doigt pour communiquer avec leur entourage jusqu'à 20 mois. Après, on leur explique que cela ne se fait plus... Et encore plus tard, ils font semblant de ne plus s'intéresser à rien, et surtout pas aux personnes du sexe désiré...
La révélation de ce travail de recherche, c'est que le pointage est essentiel dans la communication. Hélène Loevenbruck a démontré, par une étude de l'activité du cerveau d'une douzaine d'adultes, que les zones de pointage gestuel et vocal sont voisines dans le cerveau. Savoir faire une phrase est donc aussi important que "pointer" les mots importants dans cette phrase. Cette démonstration révolutionne l'approche "classique" de l'apprentissage et de la compréhension du langage, qui concentre son attention sur la syntaxe (l'art d'assembler les mots) et délaisse la prosodie (l'intonation de la voix).
Et à l'âge adulte, c'est par l'expression du visage, et les variations de l'intonation de la voix dans une phrase que ce pointage se ferait, pour attirer l'attention de son interlocuteur.
Elle s'était dressée, avait traversé la cour de récréation, était venue à moi raide et rouge comme si on lui avait frotté les joues avec de la neige.
"Ne me montre plus jamais du doigt !" Elle s'est retournée et ne m'a plus jamais parlé. Ou alors si elle m'a reparlé, je ne m'en souviens plus. C'est que cela ne pouvait plus être pareil entre nous. ça brise comme du verre, l'amour, à six ans.
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Ce jour-là j'ai su que ma mère avait raison, qui répétait qu'il ne fallait pas montrer les gens du doigt. Surtout en ricanant, adossé aux rambardes avec les plus crétins, ceux qui prenaient des poses et faisaient la loi.
Je suis rentré, seul, avec mon cartable en cuir qui me sciait le dos. Je shootais dans les cailloux et je maudissais les nuages. Je reniflais.
Hélène Loevenbruck, chercheuse à l'Institut de la Communication Parlée (CNRS, INPG et université Grenoble), s'est penchée sur le mystère de l'origine de notre manie de pointer du doigt. Le secret dit-elle, réside dans la période de notre vie où cette activité tourne à plein régime : chez le bébé de dix mois.
Il a été montré que peu avant un an tous les bébés du monde deviennent de bien étranges explorateurs, qui se déchaînent soudain en un ballet consistant à désigner les objets qui les intéressent à leurs parents, qui en réponse les leur nomment, sous menace de pleurs et de cris. Deux mois après cette période du "montrage du doigt" les bébés prononcent leurs premiers mots. Ils continuent à pointer du doigt pour communiquer avec leur entourage jusqu'à 20 mois. Après, on leur explique que cela ne se fait plus... Et encore plus tard, ils font semblant de ne plus s'intéresser à rien, et surtout pas aux personnes du sexe désiré...
La révélation de ce travail de recherche, c'est que le pointage est essentiel dans la communication. Hélène Loevenbruck a démontré, par une étude de l'activité du cerveau d'une douzaine d'adultes, que les zones de pointage gestuel et vocal sont voisines dans le cerveau. Savoir faire une phrase est donc aussi important que "pointer" les mots importants dans cette phrase. Cette démonstration révolutionne l'approche "classique" de l'apprentissage et de la compréhension du langage, qui concentre son attention sur la syntaxe (l'art d'assembler les mots) et délaisse la prosodie (l'intonation de la voix).
Et à l'âge adulte, c'est par l'expression du visage, et les variations de l'intonation de la voix dans une phrase que ce pointage se ferait, pour attirer l'attention de son interlocuteur.
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