5.4.07

Voter. Mais autrement (1)

Extrait d'une tribune publiée par Michel Balinski et Rida Laraki, chercheurs au CNRS et au laboratoire d'économétrie de l'Ecole polytechnique, dans le Monde du 30 mars.
Il y aura douze candidats le 22 avril. Un électeur ne pourra s'exprimer au premier tour qu'en votant de treize façons différentes : pour un parmi les douze candidats, ou pour aucun (en votant blanc). Ce n'est qu'une bien maigre expression de son opinion vu la complexité et l'importance de la décision à prendre. Plus grave, ce choix est stratégique : faut-il voter selon "son coeur" ou voter "utile" ? Et comment un électeur peut-il savoir comment voter vraiment "utile" ?
La tâche est très complexe. Elle demande la connaissance de toutes les informations disponibles. Plusieurs ont jugé absurde l'annonce d'un sondage qui donnait François Bayrou gagnant contre Nicolas Sarkozy et contre Ségolène Royal au second tour, quand le même sondage le montrait troisième au premier tour. Loin d'être farfelue, cette information est pertinente.
En effet, certains des électeurs qui préfèrent Mme Royal à M. Bayrou de peu pourraient juger "utile" de donner leurs voix à François Bayrou en espérant qu'il batte Nicolas Sarkozy ; ou, certains ayant un penchant plus marqué pour M. Sarkozy que pour M. Bayrou pourraient décider "utile" de voter François Bayrou dans l'espoir d'écarter Ségolène Royal. Qu'un candidat soit écrasé au second tour pourrait induire certains de ses électeurs à voter "utile" pour un autre candidat. Un mode de scrutin, le "jugement majoritaire", issu d'une nouvelle théorie, évite tous ces problèmes. Il permet à l'électeur d'exprimer les nuances de ses préférences. L'électeur est invité à juger l'aptitude de chaque candidat à être un président "très bien", "bien", "assez bien", "passable", "insuffisant", ou "à rejeter".Il attribue, ainsi, une mention à chaque candidat. Le jugement exprimé dans cette échelle doit prendre en compte les idées politiques, sociales et économiques du candidat, son charisme, son âge, son honnêteté, son parti, son entourage et tout attribut que l'électeur pense important. L'électeur a de quoi s'exprimer : tandis qu'avec douze candidats le scrutin majoritaire lui permet treize façons d'exprimer son opinion, le jugement majoritaire lui en offre plus de deux milliards. Comment alors désigner le gagnant ? A chaque candidat est conférée sa mention majoritaire : 50 % de ses mentions sont plus élevées ou égales, 50 % sont moins élevées ou égales (c'est la "médiane" de ses mentions). Cette mention est la seule qui soit démocratique. Un seul tour suffit : l'élu est le candidat ayant la mention majoritaire la plus élevée. Une règle apparentée départage les candidats en cas d'égalité.
Photos : http://flickr.com/photos/hugo_provoste/329587245/ et http://flickr.com/photos/bingramos/126661740/

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