credit photo
Comme souvent, lorsque se promet à moi une grande soirée, l'une de ses celles où je me sens prêt à m'abandonner (c'est ce qu'il y a de meilleur, dans l'écriture, quand vous quittez le sol, partez léviter au-delà des nébuleuses et des astres, et revenez pour constater que l'aiguille a pivoté de deux ou trois heures), comme souvent, donc, sur le point d'en découdre avec les mots, l'informatique m'a poignardé. Cloué au sol, la chienne. La faute à un verre de nectar, renversé sur le clavier, d'abord. Et puis quelques grognements plus tard, à la clé USB, ce précieux petit monstre ou je note tout, et que je transporte avec moi, qui est cloné deux fois de peur que l'incendie ou qu'une inondation ne détruise mon terrier. J'avais oublié, juste, de la formater à la façon voulue par son Mac. Non, il ne s'agit pas de son protecteur, mais de mon ordinateur, mais peu importe. Ou voulais-je en venir ? Ah oui. Avec les mots, la soirée était finie.
Le sort s'acharne-t-il ? Le ciel et les cieux me haissent-ils ? (Oui les deux, ils sont différents, je suis renseigné puisque hier officiellement le Vatican a décrété que les limbes, l'errance des âmes non baptisées, cela n'existait plus et du coup, tremblant, je me suis documenté sur mes chances réelles d'aller au Paradis, vu qu'en tant que mécréant baptisé, avec tout ce surplus d'âmes ex-bannies qui allaient soudain faire procession entre l'entrée et moi, ce n'était plus dans la poche).
Enfin quoi, une loi aveugle au firmament ou quelque part dans les plaines mornes et infinies de la raison me poursuit-elle de sa vendetta ? Ayant passé l'âge de ne pas marcher sur les joints, entre les dalles, de contourner les échelles et même de compter les camions rouges dans la rue pour parier sur la suite de ma vie, j'ai haussé les épaules et sifflé un autre verre.
Je travaillerai demain...
Et puis soudain, c'est revenu. Comme ça. Météore en moi. "Oui, tiens, la loi de Murphy, que dit-elle au juste ?"
Que si pire doit arriver, il viendra. Souviens-toi, misérable : la tartine beurrée tombe éternellement du mauvais côté.
Les militaires, au langage plus odorant que les ingénieurs besognant pour eux, ce que faisait le dit Murphy sur une base de l'US Air Force (Edwards), formulent cela en clair : "loi de l'emmerdement maximum".
La tartine beurrée, pourtant, on se doute qu'elle nous berne. On parle d'elle, on se souvient de ses loopings bien entendu à cause du beurre. Car si elle n'était pas tartinée, tout le monde ramasserait le pain sans même y penser. Il en faut moins que cela pour fausser l'humain jugement, avouez. Se souvient-on des trains arrivés à l'heure ?
Ah mais non. Pas si simple. Pour ma part, je tiens à préciser que la recherche sur la chute du pain beurré en gravité normale et pas dans le vide fut réalisée par Robert Matthews, physicien de la Royal Statistical Society qui moissona pour cela le prix Ig Nobel de physique en 1996 (une satire, faut-il tartiner ?). En 2001, sous sa houlette, des écoliers de tout le Royaume-Uni lancèrent en l'air plus de 20 000 tartines. Une occupation moins bête que de lancer des flechettes dans le dos du corps professoral. Surprise : la face beurre obtint un score de contact au sol de plus de 60 %. Au lieu des 50 % que la raison entrovoyait ! Les scientistes dirent : c'est le poids du beurre.
Moi, seule, la violence des chiffres me reste. Et je me dis que demain encore, mon ordinateur pourrait tomber en panne. Notez : s'il est beurré, lui aussi, tout de même.
L'écume aux lèvres, bien amer, je me lève et titube vers Wikipédia. Qui me dit : "pour un événement quelconque, s'il existe une possibilité, on constate que cet événement peut se révéler, pour des raisons complètement aléatoires et injustes, la prémisse d'une série d'événements tout aussi négatifs que le premier, propres à empoisonner la vie de la victime. On dit alors qu'un ennui n'arrive jamais seul, ce que le populaire traduit en « il y a des jours comme ça où on ferait mieux de rester au lit »".
L'article m'achève à la hache : "on constate également que tout ce qui peut être entrepris pour tenter d'enrayer la "série noire" semble généralement et irrémédiablement voué à l'échec, pouvant même se révéler à l'occasion générateur de nouvelles et récurrentes avanies, exacerbant par là même une paranoïa grandissante.
Et puis il y avait par là tout un gang d'autres lois. En embuscade :
Commentaire de O’Toole : Murphy était un optimiste.
Cercle vicieux de Cavey : Toute tentative de démonstration d’une Loi de Murphy quelconque qui échoue prouve que la loi est exacte.
Loi d’Occurrence Murphyque : Murphy s’attaque toujours à vous lorsque vous êtes le moins en état de vous défendre.
Récursivité : Quoi qu’on espère, la loi de Murphy s’applique toujours au niveau n+1. Exemple : Laver sa voiture en espérant qu’il pleuve ne marchera pas.
Peur de Pascal : Plus on cherche à lutter contre Murphy, plus il frappe fort.
Loi d’Invocation de Murphy : Si vous invoquez Murphy contre vos ennemis, votre invocation se retournera contre vous.
Et si vous essayez de ruser en invoquant Murphy contre vous-même, ce sera le seul cas où votre invocation sera exaucée.
Combinatoire de Régnier : Une loi de Murphy n’arrive jamais seule. Si elle est seule c’est que d’autres sont en préparation.
Addition à la Loi de Murphy : Si tout va bien, c’est que quelque chose cloche.
Bon, allez, on va se coucher.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Les folles danses de la matière molle
En réussissant à produire dans un banal ruban de matière molle (silicone) des phénomènes ondulatoires complexes et inattendus (ondes de Dira...
-
Capricorne, au stade de larve, n'est qu'un creuseur. Un forçat tout à son festin de bois. Trois ans durant, aveugle, sourd, sans odo...
-
" Un coup de dés jamais n'abolira le hasard " inaugure une nouvelle ère pour la poésie. Stéphane Mallarmé compare son oeuvre à...
-
Catherine VINCENT (BLOG et ROMAN) (Le Monde et Le Monde.fr, le 15 juin) Quand la science se fait légère comme un papillon LE MONDE | 14.06.0...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire