24.12.07

Neiges

Je ne parvenais pas à dormir. De la fenêtre du salon, le front contre la vitre glacée, je la caressai. Des longueurs immobiles de l'hiver sa seule présence avait fait un sirop de silence et de promesses.

Des lampadaires la lumière descendait sur sa couche. Elle était parfaite, froide, attendant nos empreintes. Plus que quelques songes et nous serions au matin. Plus que quelques draps froissés et de ce monde parfait nous serions les sauvages.

La luge de bois attendait, renversée sur la table de la lingerie. Poncée, frottée, huilée, frottée encore. Les patins étincelaient. Leur incendie m'emporterait plus loin que les copains, vite, le long du ballast.
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Grand-père, une troisième fois, vint m'arracher à ma contemplation. En me conduisant au lit il ne put s'empêcher :
- Vous irez où ?
- Tu sais bien...
- N'en parle à personne. Surtout pas.

Lui et moi savions. La seule pente digne de nos luges, dans le coin, était le talus de la gare de triage. Derrière les chardons et les ronciers, cette descente nous faisait frôler les rails, les locos et les wagons aveugles un à un lancés sur les voies. Nous les dépassions. Nous les narguions. Et les contremaîtres avaient beau faire tonner les haut-parleurs des tours, avec nos luges nous étions des ombres plus insaisissables que des partisans.

La délicatesse de la neige. Le vacarme de métal et de vapeur des cheminots, l'odeur huilée des traverses, l'éclat tranchant des rails. La bulle de mon enfance était là, presque évanouie. Quand nous savons que nous sommes gosses c'est que cela s'annonce fini. Cette larme au coin des yeux de mon vieil Aloïs luisait de ne pouvoir embrasser la neige comme nous.

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