J'aime me lever avant les autres. Avant lui.
A ces heures-là le soleil est rond, rouge et roule dans le blême du ciel sans trop rien annoncer de la journée. On aime ces matins pour ça. La stupeur. Cette naïveté. Ce lampion qui se hisse et s'imagine que tout peut recommencer comme si hier n'avait pas été. Son premier cri de lumière. Un premier cri qui chaque jour se fout de ce que sera sa vie.
photo
C'est en Corse, en voilier. Un mouillage et le balancement, sous le cap de Sénétose. Un silence peuplé de clapots et de pâleurs. A peine si la chaîne de l'ancre grince dans l'étrave. La lumière glisse en moi et me parle de mes promesses, de tous ces tendres passés. De tout ce qui fait ma vie, et jamais ne reste contre moi. Les seules caresses qui vous manquent sont celles qu'il faut à jamais pourchasser. Et là, elles sont presque à moi. Pouliches appaisés. Dans ces crinières d'argent je suis capable de me souvenir de tout. La mer me montre le passé. Me retourne le moindre regard dont on m'a effleuré. Et ces mains qui m'ont touché.
Dans l'écrin, là, de cette brume descendue des falaises, ma solitude est évanouie. Ces cailloux, ces murs que ne sculptent que les vents, au pied de cette tour belle et effondrée, cela pourrait se passer lorsque gabares et caravelles ralliaient les mondes. A l'époque des Maures, ou celle des drakkars. Cela pourrait aussi venir demain tant l'azur déversé sur le maquis égare le sable et ma dent. Le roc et la mer se respirent, enlacés. C'est à eux que j'appartiens.
Oui. Toute cette paix ne puise qu'à sa fin. Seul un instant pouvait receler cette force. Un instant. Il faut abandonner. On triche ? Les vagues vont venir. L'on ne triche pas ? Cela sera Mistral. Tout s'envolera.
Revenu à moi, je descends dans le carré. La bouilloire est chaude. Le souffle des dormeurs sans crainte.
La café à la main, je resurgis dans mon rose et tous ces bleus.
Et là, sans rien prévenir
Du bateau jusqu'aux rochers, la mer entière autour
Un torrent d'étincelles, un second, d'autres, et encore.
Des éclats, innombrables, minuscules, ont quitté l'eau.
Déchirement de soie
Ils retombent.
Il pleut des poissons.
Là dessous un gros, un mérou, un grondin, un barracuda
les a poussés une dernière fois au ciel avant son festin.
Une fois, comme eux, bondir sans cri.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Les folles danses de la matière molle
En réussissant à produire dans un banal ruban de matière molle (silicone) des phénomènes ondulatoires complexes et inattendus (ondes de Dira...
-
" Un coup de dés jamais n'abolira le hasard " inaugure une nouvelle ère pour la poésie. Stéphane Mallarmé compare son oeuvre à...
-
Capricorne, au stade de larve, n'est qu'un creuseur. Un forçat tout à son festin de bois. Trois ans durant, aveugle, sourd, sans odo...
-
Catherine VINCENT (BLOG et ROMAN) (Le Monde et Le Monde.fr, le 15 juin) Quand la science se fait légère comme un papillon LE MONDE | 14.06.0...
1 commentaire:
Bravo le Bleu.
Enregistrer un commentaire