Il y avait une question. Et parfois elle me démangeait tant que j’osais la poser à des chercheurs, lorsque des nuits partagées dans le local vie d’un télescope, à plus de 4.300 mètres d’altitude, ou bien les heures passées devant les ordinateurs de commande d’un accélérateur de particules me tendaient l’intimité que réclamait la sincérité de la réponse.
« Franchement, on sourit des connaissances des Anciens. On se moque des croyances, des superstitions, du monde plat, de la terre au centre de tout, de la génération spontanée, de l’astrologie et de la lecture dans les tripes du bœuf sacré… Mais ne crois-tu pas que demain, dans quelques siècles, nos lointains héritiers riront de notre savoir comme nous ricanons des errances de Descartes ou d’Aristote ? »
photo
A ma surprise, invariablement, savants ou découvreurs ont répondu :
« Non… Aujourd’hui ce n’est plus comme avant. Nous savons tant de choses. Ce qui reste à découvrir résiste, mais cela est mince… Il n’y aura plus de grandes révolutions scientifiques. Nous sommes proches du but »
Je suis buté. Je pense le contraire.
Il me semble que la certitude de notre savoir, cette conviction que nous avons ancrée en notre civilisation du progrès, que nous sommes presque parvenus au sommet de la montagne est un leurre que même des enfants écarteraient sans difficulté.
Je n’égrènerai pas, discipline par discipline, les arguments qui vont en ce sens. Je ne ferai pas la vertigineuse liste de ce que nous ne savons pas. Je ne soulignerai qu’un seul fait. Les vraies révolutions scientifiques, toujours, ont constitué des surprises. Et combien colossales.
Une rumeur en moi me dit qu’il n’en sera pas autrement. Et j’aime l’ humilité devant le mystère du monde que me procure cette calme conviction.
Je pense à cette découverte, publiée il y a quelques jours dans le journal Science : les bactéries échangent du matériel génétique avec les autres espèces vivantes, spontanément.
Il y a quelques années, je me souviens bien, dans un colloque, l’assemblée des savants a ri lorsque quelqu’un, un écrivain, osa avancer cela dans un jeu des « hypothèses ».
Xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
Source : New York Times (citant Science) :
« Bacteria are a generous sort, sharing their genes with other bacterial species practically at the drop of a hat. Such lateral gene transfer, as it is known, contributes to the spread of bacterial drug resistance, for example.
But lateral gene transfer between bacteria and multicellular organisms has been assumed to be exceedingly rare, for the reason that most cells in a higher organism are somatic; their genetic material does not get passed on. “So the opportunity for contact and lateral gene transfer would be fairly low,” said John H. Werren of the University of Rochester.
But now Dr. Werren, Julie C. Dunning Hotopp of the J. Craig Venter Institute in Rockville, Md., and colleagues report widespread transfer of bacterial genes into the genome of numerous invertebrates. The finding was published in Science.
This genome-within-a-genome involves Wolbachia pipientis, a bacterial parasite that is one of the most prevalent in the world, infecting close to three-quarters of all invertebrate species, typically in the reproductive cells. “If we were going to find lateral gene transfers, this is where we were going to find it,” Dr. Werren said.
The researchers looked for Wolbachia genes in the genomes of more than 24 invertebrates, including wasps and nematodes, and found it in 8. In some cases, just short sequences of the bacterial genome were embedded in the invertebrate DNA. But in the fruit fly Drosophila ananassae, practically the entire Wolbachia genome was present. Further work showed that the bacterial genetic material was passed on in reproduction like normal genes.
Dr. Werren said the transfer likely occurred when reproductive cells repaired damaged genes by grabbing bits and pieces of DNA. In these cases, some of the DNA comes from the bacteria.
“The next big question is what’s the biological significance,” Dr. Werren said. The answer, he said, will surely be in the area of evolution. “It’s happening frequently enough,” he added, “that it’s inevitably going to be leading to the evolution of new genes.”
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Les folles danses de la matière molle
En réussissant à produire dans un banal ruban de matière molle (silicone) des phénomènes ondulatoires complexes et inattendus (ondes de Dira...
-
" Un coup de dés jamais n'abolira le hasard " inaugure une nouvelle ère pour la poésie. Stéphane Mallarmé compare son oeuvre à...
-
Capricorne, au stade de larve, n'est qu'un creuseur. Un forçat tout à son festin de bois. Trois ans durant, aveugle, sourd, sans odo...
-
Catherine VINCENT (BLOG et ROMAN) (Le Monde et Le Monde.fr, le 15 juin) Quand la science se fait légère comme un papillon LE MONDE | 14.06.0...
1 commentaire:
Et si nous faisions comme les bactéries : échanger ?
Catherine S.
Enregistrer un commentaire