Nouvelle ©PL
Faisait beau. Faisait chaud.
C'était dans les années 60 du siècle dernier.
Je devais avoir vers les onze ans. Nous étions en colonie de vacances, dans les Alpes et j'étais tellement mal, dans cette colo. Très mal, je me sentais abandonnée par mes parents. Je restais à part. Pas envie d'aller jouer à leurs jeux à la con, ni de rire à leurs blagues, toujours les mêmes. Alors ils ont commencé à me mettre en boîte, à se payer ma tête. La bouc-émissaire.
L'expédition du jour, c'était ça : cette piscine minable, avec ses vieux carreaux cassés, et l'eau froide.
Il y avait un garçon qui ne savait pas nager. L'autre bouc émissaire. Pino, ils l'appelaient. Avec ses lunettes son ventre trop creux son air de remuer pas comme les autres.
A un moment, après la baignade, alors que la troupe mangeait assise sur les serviettes le pain et le chocolat du goûter, sur la pelouse, à deux cent mètres du bassin, une bande de crétins l'a attiré au bord de l'eau. Ils l'ont poussé à l'eau puis sont partis en courant et en riant.
Je voyais tout. Je m'étais mise à part, sous les arbres, pour manger seule.
Je n'ai pas bougé.
Je ne sais toujours pas pourquoi.
Je l'ai regardé se débattre avec l'eau.
Il a fait surface une dizaine de fois.
Puis plus rien.
Je me souviendrai toujours de son silence, quand il faisait surface, de ses yeux grands, étonnés.
Il avait peur. Moi aussi. Mais ça ne suffit pas à expliquer. Je ne sais toujours pas pourquoi je n'ai pas bougé. Cela a foutu chaque nuit de ma vie en l'air. Chaque fois que je sens l'odeur du chocolat je pleure.
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