28.3.16

Nuraghes : un mystère plus vaste que la Sardaigne


 A chaque fois c'est la même histoire. Lorsque la minuscule et vrombissante automobile de mes chers amis sardes slalome et grimpe par les petites routes pour se rapprocher du plateau central de leur île délicieuse, invariablement, immanquablement la conversation retombe sur l'épais et sombre mystère des "Nuraghes".


Comme la plupart des non-Sardes vous n'avez sans doute jamais entendu un traître mot à propos de ces "nuraghes", légions de constructions mégalithiques qui jonchent la Sardaigne. Ni évoquer cette intrigante civilisation disparue des Tyrrhéniens, ou encore "bâtisseurs de nuraghes" (prononcer "nouragues") et l'incontournable question : mais pourquoi ces gars-là, s'échinèrent-ils durant des siècles à ériger des dizaines de milliers de constructions fortifiées à travers leur île ? Des sortes de tourelles. En fait c'était un pays de prouesses, la Sardaigne d'il y a quarante siècles (les plus anciens nuraghes furent érigés vers le XVIIIème siècle  avant J.-C.), car ces édifices comptaient alors parmi les plus imposants et complexes réalisés par des humains.


Les Nuraghes, majoritairement répartis dans le nord-ouest et le sud de la Sardaigne, ne sont pas bien difficiles à trouver : érigés comme des phares par les plaines et vallée, l'on en recense près de huit mille. Mais certains spécialistes pensent que l'on en retrouverait plus de vingt mille, si l'on se mettait à rechercher tous ceux que les éboulements et l'ensevelissement du temps ont dérobé au premier regard.

Lorsque qu'après avoir garé la voiture et dégusté quelques délicieux fromages de brebis au lait cru (vous trouverez facilement un vendeur de pecorino aux parages d'un nuraghe), vous traverserez la prairie et approchez de votre premier mégalithe vous vous direz que cela n'est pas si impressionnant. Et que cette légende ressemble en fait à un gros canular plaqué sur de non moins gros tas de cailloux. Ne vous fiez pas à votre première impression. Un nuraghe est certes moins spectaculaire que les édifices de Kheops ou la Muraille de Chine, mais chaque enjambée qui vous en rapprochera attisera votre intérêt. Et lorsque vous parviendrez au pied de l'empilement de pierres volcaniques, vous serez sidéré par l'ampleur et la sophistication de la construction. Car tout cela semble conçu et réalisé pour traverser les millénaires, les guerres et la disparition des civilisations.

J'ai eu cet hiver le plaisir de visiter l'édifice de Santu Antine, encore nommé "Sa domo de su Re" (la Maison du Roi), sur la commune de Torralba, non loin de Sassari. Le site le plus impressionnant de l'île, et dont l'occupation aurait commencé au XVI-ème siècle avant J.-C. (l'époque du bronze moyen), et occupé, excusez du peu, jusqu'au IV-ème siècle de notre ère.


On y pénètre par une enceinte fortifiée de larges et solides murs,  puis on découvre des tours à la structure composite : une couche externe d'énormes pierres emboitées à vif, sans taille d'ajustement, et dont les dimensions diminuent avec la hauteur de l'édifice, puis une couche intermédiaire, faite de rocs plus modestes et de terre, et enfin une structure formant un dôme (une sorte de tholos mycénien, ou voûte en pierre plates empilées). L'on traverse au passage une cour, pour découvrir que l'on se trouve soudain bien à l'abri des dangers de la plaine, des pirates et des envahisseurs = la tour centrale est flanquée de trois sœurs périphériques, formant une enceinte redoutable.

En hauteur subsistent aujourd'hui deux des trois étages édifiés à l'origine. On les visite, et l'on y grimpe aussi facilement que si la construction datait d'hier. De là-haut c'et encore plus limpide. Le nuraghe prend un air de jeu de construction pour Titans. Des géants se seraient amusés à entasser et consolider des blocs de plusieurs tonnes sur vingt deux mètres de hauteur, selon un plan ménageant couloirs, portes, pièces, ouvertures vers l'extérieur (avec angles de vision et/ou de tir), escaliers en spirale dans l'épaisseur des murs, réserves, puits, ventilations,  et surtout ces trois niveaux avec système de circulation sur deux d'entre eux !

La hauteur du donjon central est au final impressionnante, car aucun relief alentour ne vient le concurrencer. On dit qu'elle a pu dépasser 24 mètres, avant son érosion. De là-haut (dix-huit mètres aujourd'hui, car le dome supérieur est manquant) l'on découvrira la campagne alentour, d'autres nuraghes, et au pied du fortin, blotti contre lui, les murs de 14 petites maisons. Tout un village en fait, dont les fouilles ont révélé qu'il devait être bien plus étendu, et avait également été investi à l'époque romaine...

La question revient alors à l'esprit. Quelle était la fonction des nuraghes Temple ? Sémaphore ? Protection du village, de la populations et et des récoltes? Résidence du seigneur local ? Pour peu l'on imaginerait que tout ai commencé comme dans les "Sept samouraï" de Kurosawa, par le besoin des paysans d'en finir avec les voleurs de récoltes... Une simple fortification devenant peu à peu un édifice ayant d'autres fonctions. Certains avancent ainsi que le réseau de nuraghes permettait de communiquer, à s'avertir à travers l'île lorsque des navires suspects apparaissent au large des côtes.

Il est difficile de se faire une opinion définitive, tant la civilisation de ces bâtisseurs a laissé peu d'informations et de traces exploitables. Il est probable que par la durée de leur présence ces édifices aient connu plusieurs usages. Le meilleur argument en étant la dévotion au culte lunaire, vers le Xème siècle avant notre ère.


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