29.5.07

Quel est le secret de l'Ombre ?

L'homme est le songe d'une Ombre (Pindare)

Une fois, une seule, mon oeil s'est adressé au noir absolu. Je volais dans le ciel, à plus de 12.000 mètres d'altitude, quelque part au-dessus de la Cornouaille. Cet été 1999 nous glissions à bord d'un Concorde, entre mer et zénith, à vitesse supersonique, attendant sur la trajectoire qu'"elle" allait emprunter, d'Occident à l'Orient. Et nous "la" guettions de tous nos yeux impatients. Lorsque le Concorde vira vers "elle", incliné sur l'aile comme un chasseur, nous plaquant sur nos sièges, ce fut le signal. Je ne sais pas si l'on respira.

D'abord, par le hublot du haut, penché vers les étoiles, le Soleil se voila. Puis d'une ruade l'astre apparut comme percé en son centre, traversé d'une ouverture d'une noirceur absolue. Jamais je n'ai revu un tel néant. Un diamant aveugle. Un astre muet, enrubanné de quelques dernières et impuissantes flammes de lumières. La couronne solaire accentuait de ses méduses vertes, oranges et terribles le calme sans fin de ce centre plus noir que rien. La Lune masquait le Soleil et l'on se sentait happé, aspiré dans ce que l'on aurait juré être un tunnel perforé à travers la lumière. J'étais certain de pouvoir y passer la main.
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Le hublot du bas, incliné vers l'Océan, livrait un tout autre grabuge. Ici, vers le "bas", on dominait les houles de l'Atlantique. "Elle", la tache immense, arrondie comme l'horizon, projetée sur les nuages et la mer, accourrait vers nous à la vitesse du son. L'Ombre. L'Ombre nous rattrapait. Déjà elle était sur nous. Tellement sombre et plus rapide que tout ! Projection parfaite sur les flots de la silhouette de la Lune qui dans l'espace, était venue masquer le Soleil à la Terre.

Alors la lumière devint de cendres. Et dans l'éclipse, on voyait, entre l'Océan et nous, une armada d'aéronefs croisant en tous sens, phares allumés, clignotants, hébétés et stupéfaits. Nous étions dans l'Ombre.

La lumière est le plus vaste, le plus caressant secret de l'univers. L'Ombre l'accompagne. L'Ombre, qui depuis l'aube des Hommes, sert à estimer, à soupeser le temps qui file comme la course du Soleil. Avec elle, on mesure la hauteur des pyramides sans y grimper. Mais se souvient-on comment Aristarque de Samos a arpenté la distance entre le Soleil et nous ?

C'était au III-ème siècle avant notre ère. L'astronome Grec se campa sous la lune, un jour ou l'ombre sur la Lune, au midi, la découpe exactement en deux. Il savait ainsi qu'entre lui, la Lune et le Soleil un angle droit s'était formé. Figure parfaite du ciel. Connaissant la distance de la Terre Lune, qu'une autre ombre, l'éclipse de Lune, lui avait livré, il en déduisit que le Soleil, pourtant tellement apparent et ardent, était au moins 19 fois plus lointain dans le ciel que la Lune. En fait on sait aujourd'hui qu'il s'agit de quatre cent fois. La mesure d'angle d'Aristarque était trop imprécise. Mais l'Ombre lui avait enseigné à l'essentiel : ce soleil immensee est lointain, et les apparences ne sont rien.
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Enfant, longtemps je tenais mon bras en l'air, au lit. Et contemplais l'ombre sur le mur, me questionnant sur la vitesse des ces choses. L'Ombre va-t-elle plus vite que le bras ? Aussi vite ? Comment est-ce possible ? Riez. Des centaines de fois j'ai plaqué mon bras sur la couverture, pour tenter de semer l'Ombre. Et c'est en observant dans le ciel le retard ou l'avance qu'avaient les satellites de Jupiter sur leurs positions "calculées", qu'Ole Rømer découvrit (1676) que la lumière ne voyage pas dans l'instant, mais avec sa fameuse limite (c = 299 792 458 mètres par seconde). Rien ne peut se faire dans l'instant. Notre Univers est bien le théâtre des Ombres.

28.5.07

L'année où la Chine se saborda

Pourquoi la mondialisation ? On pourrait remonter à Babylone, à Rome, aux premiers Empires de conquète et de commerce.

Mais des débris de gouvernails géants (11 mètres) récemment retrouvés en Chine, attestant des dimensions colossales des navires de l'amiral He, et la quasi-simultanéité de ces deux phénomènes me fait choisir le XVème siècle pour souligner le phénomène :

1436 : l'Empereur de Chine, Hongxi, interdit que l'on construise de nouveaux navires au long cours, et met fin aux explorations de l'amiral Zheng He, qui depuis 1405 arpentait les Océans, jusqu'au Mozambique, et selon certains, jusqu'aux Amériques. Zheng He était un Hui, un Han d'origine musulmane. Mǎ Sānbǎo, son véritable nom, était le fils d'un chef mongol (région du Yunnan), et lorsque son père fut vaincu puis tué, l'enfant fut castré (à 9 ans) pour devenir eunuque. Il grimpa les échelons au Palais Impérial et devint grand eunuque. Par son influence il obtint de l'empereur Yongle (celui qui déménagea la capitale impériale de Nankin à Pékin) le commandement de la flotte en préparation.

Une armada d'apparat pour laquelle on rapporte que près de la moitié de forêts de Chine furent sacrifiées. La flotte aurait compté 30 000 hommes et 70 vaisseaux à son apogée, des vaisseaux pouvant atteindre 130 mètres de long et 55 mètres de large, dotés de neuf mâts. Rebaptisé amiral Zheng He, Sanbao effectuera 6 expéditions pour Yongle, et une septième à la demande de Xuande, l'empereur qui succèdera à Hongxi.

Après cette septième expédition ces dépenses furent une nouvelle fois jugées trop lourdes et stériles. L'Empire ne commerçait pas. Il explorait, distribuait des présents, exhibait sa puissance. Un peu à la manière dont les Etats-Unis ont posé le pied sur la Lune, dans les années 70, de façon à démontrer leur suprématie. La flotte fut ainsi brûlée ou laissée à l'abandon et la Chine, empire terrien et de vaste étendue, aux ressources nombreuses et aux frontières difficiles à garantir se recentra sur ses préoccupations millénaires.

1443 : Le prince Henri le "navigateur" ordonne et ornanise les expéditions de ses marins , qui vont descendre toujours plus loin vers le sud, contourner l'Afrique, et ouvrir la voie de l'Asie au Portugal et à l'Europe. Les royaumes européens, en rivalités les uns avec les autres, et de taille parfois minuscules (Venise, le Portugal, l'Angleterre, la Hollande), avaient tout à gagner à étendre leurs territoires dans les territoires inexplorés et à tenir le commerce des denrées rares. La Santa Maria, la caravelle de Christophe Colomb (1495), fait 30 mètres de long et 8 mètres de large.


La "mondialisation" n'est pas le fruit du hasard. La conjonction des techniques (le navire cargo, les cartes, la boussole) et de l'économie (la plus value apportée par le commerce de denrées désirables et l'étendue des territoires européens que procure la conquête de ces "nouveaux mondes", la mise en production de zones nouvelles, la disponibilité d'une main d'oeuvre gratuite dans le cas de l'esclavage ou peu coûteuse) permet un accroissement significatif des richesses pour les acteurs historiques de cette mondialisation. Dans la guerre d'influence que se livrent les puissances économiques et militaires européennes, il est "vital" d'accéder aux richesses minières, agricoles, démographiques du vaste monde.

Cette vague de colonisation, de spoliation, couplée à la révolution industrielle, se complique à la fin du XIXème siècle et prend brutalement fin dans les années 1930. Le choc des Empires, la crise économique, la fermeture des frontière sont un point de rupture violent. La première et la seconde guerre mondiale constituent, d'un certain point de vue, la lutte entre les forces du monde passé et celles du futur. La désagrégation des Empires, l'émergence des Etats-Unis, de l'URSS, du Japon, les révoltes des peuples colonisés transforment un paysage jusque là contrôlé par le Grande-Bretagne, la France, l'Autriche-Hongrie.

Une seconde vague de mondialisation commence dans les années 60.
Ce n'est qu'en 1970 que les échanges mondiaux retrouvent leur niveau des années 1910.
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Pour la "deuxième vague" de mondialisation que nous connaissons aujourd'hui le cercle des acteurs s'est élargi. Davantage de nations participent au jeu (Chine, Asie, Inde, Amérique du Sud, Afrique...). Les instruments techniques ont évolué (avion, cargo, internet, énergie peu chère, règles des échanges internationaux). L'esclavage a disparu, et a été remplacé par un chantage à la misère. Le principe repose toujours sur la plus value attendue d'un produit lointain, désirable car moins coûteux que son équivalent local.

Il est intéressant de noter que la Chine, par le réservoir de main d'oeuvre dont elle dispose, par sa transformation de société agricole en géant industriel et par la structure de son régime politique et social est, sauf cataclysme, cette fois assurée de devenir la grande puissance mondiale du XXIème siècle.

24.5.07

Merci Pierre-Gilles (3) : Discours sous la Coupole

De l'honneur et de l'erreur des scientifiques
extrait du discours de P-G de Gennes à l'Institut, à la rentrée 2002 des Académies.

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Où est, en fait, l'honneur des scientifiques ? Certains philosophes représentent les chercheurs comme ces hommes qui établissent une vérité.

Beaucoup d'entre nous ne se reconnaissent pas complètement dans ce schéma. Les chercheurs de notre temps ne prétendent jamais construire une vérité ultime. Nous fabriquons seulement, avec beaucoup d'hésitations et de maladresses, une description approchée de la nature. Fondateur de l'électrodynamique quantique, Richard Feynman (que je n'ai pas connu, mais que je considère néanmoins comme mon maître) a résumé cela dans une formule fameuse : " Theory is the best guess ". La théorie que nous acceptons à ce jour est celle qui rend compte du maximum de faits avec le minimum d'hypothèses.
Le vrai point d'honneur n'est pas d'être toujours dans le vrai. Il est d'oser, de proposer des idées neuves, et ensuite de les vérifier. Il est aussi, bien sûr, de savoir reconnaître publiquement ses erreurs - savoir signaler certains pièges.

Ici, l'honneur du scientifique est absolument à l'opposé de l'honneur de Don Diègue. Quand on a commis une erreur, il faut accepter de perdre la face. J'ai vu de grands savants le faire avec élégance.
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le lien vers le discours de l'académie des sciences

Merci Pierre-Gilles (2) : Vos textes et réactions (les plus récents sont en bas)

Les critiques avaient tort.
un texte de HERVE THIS (Inra)

Beaucoup de belles choses ont été dites sur Pierre-Gilles, et l'on pourrait allonger considérablement la liste.
Souvent, les chroniques nécrologiques sont une façon de venir se montrer sur la place publique, mais ce n'est évidemment pas ce que je veux faire.

En revanche, je sais -parce que je lui en avais fréquemment parlé (au point qu'il m'avait demandé de figurer dans le groupe de création des "conférences expérimentales" de l'Ecole supérieure de physique et de chimie de Paris) qu'il était très attaché aux questions de transmission : alors qu'il refusait les honneurs et les rendez vous avec les journalistes, il acceptait facilement d'aller dans les écoles, collèges, lycées...
Je comprends donc que sa disparition doit être l'occasion d'aller de l'avant, dans cette direction, de réfléchir, si possible activement. Que devons-nous faire, pourquoi et comment?
Pierre-Gilles de Gennes : "Une premiere chose que j'apprecie dans le dessin, c'est son pouvoir de communication, plus grand que celui des mots. ... Je vois un autre domaine, plus subtil, ou l'art et la science se rejoignent."

(suite de l'article d'H.T.)
Les faits sont d'abord : une désaffection des carrières scientifiques, et, paradoxalement, de nombreux doctorants au chômage.
Ensuite, Pierre-Gilles a été critiqué de son vivant à deux propos. D'une part, certains ont dit de lui qu'il traînait toute son équipe vers une piscine, qu'il faisait un superbe plongeon admiré de tous, puis qu'il disait à tout le monde "on part", et il réentrainait tout le monde ailleurs pour répéter l'exercice. D'autre part, on l'a critiqué parce qu'il montrait des expériences simplissimes (casser des spaghettis, et voir qu'il se forme trois morceaux), en laissant croire que la science était cela, alors qu'il était un extraordinaire calculateur.


Ces deux types de faits me semblent liés, et résulter d'une analyse fautive de ce que sont la science et la technologie.
D'abord, je propose de faire une différence entre la science, d'une part, et la technologie, d'autre part.
La science, c'est la recherche des mécanismes des phénomènes. La technologie, c'est l'application des connaissances procurées par la science en vue d'améliorer la technique (d'où le nom de technologie, relisons les étymologies).
Et voilà pourquoi Louis Pasteur a dit toute sa vie que les "sciences appliquées" sont une aberration, une impossibilité. En effet, soit on cherche des mécanismes, au cours d'une recherche scientifique, et ce n'est pas appliqué ; soit on se préoccupe d'applications, et ce n'est pas de la science. L'un n'est pas mieux que l'autre, les deux activités sont différentes, et elles sollicitent d'ailleurs des capacités différentes des individus.

Pierre-Gilles avait beau s'intéresser à des phénomènes qui se rencontrent dans des situations familières (la pluie sur le pare-brise en verre des automobiles), c'est la compréhension (science) des phénomènes qui était l'objet de ses soins.
Il savait la différence entre science et technologie, mais il savait que, pour que naisse une bonne technologie, il faut aussi que les scientifiques accompagnent leurs découvertes vers les technologues qui feront l'invention. D'ailleurs, c'était une idée parfaitement partagée par mon ami Pierre Potier, hélas également disparu récemment.

Pierre-Gilles, pour revenir à lui, avait beaucoup réfléchi aux questions d'enseignement. Était-il d'accord avec moi sur l'enseignement des sciences et de la technologie? Je ne sais, mais comme j'essaie de me rendre utile à la collectivité, je livre ici mon idée. Dans une école d'ingénieurs, on doit enseigner la technologie. Mais pour enseigner la technologie, il faut montrer les résultats scientifiques les plus récents (ce qu'il faudra transférer vers la technique), et enseigner comment faire les transferts. Explicitement!

Au contraire, dans un endroit où l'on forme des scientifiques, il faut procéder très différemment : il faut mettre à niveau en science, mais aussi enseigner comment faire de la science. La méthode expérimentale, ou une autre (s'il en existe?). C'est quand même différent, non?

La confusion des genres a eu deux conséquences majeures : d'une part, nos sociétés n'ont pas bien su crier "Vive la science" (il faut expliquer au contribuable que la science n'est pas une fioriture, afin de donner à cette dernière les moyens de fonctionner, à condition qu'elle fonctionne correctement, sans dévoyer ces moyens vers la technologie) et, surtout, que nous n'avons pas compris qu'il fallait crier "Vive la technologie" (pour que les jeunes se dirigent vers une activité qui est capable de les faire travailler).


Le terrain étant maintenant préparé, j'en arrive aux critiques qui ont été faites à Pierre Gilles.
On l'accusait de montrer des expériences simples et de "masquer" une remarquable capacité de calcul? C'est injuste, parce que, quand même, avant de faire aimer le calcul (je ne parle pas ici des mathématiques, qui sont autre chose), il faut montrer que l'on peut avoir de vraies belles raisons de calculer. Et c'est cela, la beauté de la science (qui se distingue, je le répète, des mathématiques... que j'aime aussi beaucoup, mais ne confondons pas tout).


Pierre Gilles était un théoricien, mais peu importe : c'était surtout un homme de science. La science, c'est la science. Que l'on aime mettre les mains dans le cambouis expérimental, ou que l'on profite du versant expérimental pour faire découvrir à des plus jeunes que soi comment se procurer des données que l'on analysera, peu importe. Il reste que la science est l'observation de phénomènes, la collecte de paramètres que l'on assemblera en lois, dont on cherchera l'explications, avec de surcroît des tests expérimentaux qui chercheront à réfuter les théories que l'on aura produites... puisqu'elles sont insuffisantes et qu'on ne va pas quand même se satisfaire de ces théories... puisqu'on les sait insuffisantes.
Donc oui, Pierre Gilles calculait, et il était un grand scientifique parce qu'il calculait très bien. Et cela, c'est la science.

Il aurait pratiqué une politique de la terre brûlée? Calomnie : il a surtout cherché à donner beaucoup d'enthousiasme à de plus jeunes que lui, donné de l'énergie, du bonheur de faire de la science. Bien sûr, dans ce cas, on se trouve toujours dans la position de crier "Par ici ma bande!", et la "bande" est heureuse de marcher d'un bloc en direction d'un nouveau but. Que ceux qui veulent faire bande à part le fassent : personne n'était obligé de marcher à grandes enjambées intellectuelles aux côté (derrière?) de Pierre Gilles. Et puis, que de champs ainsi couverts : matière molle, matière granulaire, supraconduction, mouillage...

Je conclus avec nos façons de crier "Vive la Science" ou "Vive la technologie". Vive la science? Certainement, si la connaissance est notre meilleur rempart contre l'intolérance. Mais le cri a été nuisible, parce qu'il a fait briller les yeux de jeunes qui ont été jusqu'à la thèse de science... et qui n'ont pas trouvé ensuite d'emploi dans la science... parce que ce n'est pas là que sont les possibilités d'embauche.

Pourquoi, comme Louis Figuier, n'avons-nous pas crié Vive la technologie? C'est là que l'on embauche. C'est là qu'il faut des ingénieurs (et non pas en science, puisque les ingénieurs ne sont pas des scientifiques). A l'époque de Figuier, il y avait le canal de Panama, la Tour Eiffel. Aujourd'hui, nos canaux de Panama sont également enthousiasmants, mais je ne suis pas certain que nous sachions aussi bien les mettre en valeur, afin de faire briller les yeux de nos enfants, qui s'y dirigeront.

Au total, je pose deux questions :
1. comment crier "Vive la technologie"?
2. comment faire aimer le calcul... et donc la science?

Hervé This
Physico-Chimiste à l'Inra (Gastronomie moléculaire)



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Dans les Ecoles. Un texte de JEAN-PIERRE BOUREUX
(témoignage d'un enseignant)

Les choses se passèrent ainsi. Une invitation, une rencontre autour d'étudiants et lycéens, environ 900, dans un cirque. Quel cirque, quel artiste ! (N.B. : environ 150 représentations au total...) Puis assez d'affinités électives pour que l'orchestre des sphères invisibles se fasse entendre. Le concert a débuté le 13 mai 1992, s'est achevé le 18 mai 2007 avec une dernière partition écrite de ma main le 15 de ce mois et comprenant une dizaine de notes échantillonnées entre observation zoologique directe et prélèvements pour analyses.

Je crois juste d'écrire qu'il n'est pas si fréquent que des hommes parvenus à l'excellence dans un domaine donné développent autant de qualités humaines que celles que j'ai eu l'immense bonheur de découvrir au travers de nos échanges : il fut constamment à l'écoute, toujours soucieux de manifester à ceux qu'il fréquentait une attention soutenue, toute en délicatesse et dignité. Aussi bien n'aimerait-il pas que je vante ses mérites, tant il estimait que ce que l'on fait pour l'autre n'est jamais suffisant. A peine m'avait-il laissé entendre, l'automne 2004 et avec quelle légèreté que toute aventure humaine trouve sa fin. Il se plaisait parmi les hommes c'est pourquoi il apprécierait sans doute que j'écrive in fine que l'humanisme qu'à mes yeux il représentait tant n'est pas mort et que d'autres aussi l'illustrent. Pour tout cela cet hommage affectueux.

Jean-Pierre Boureux, ingénieur en archéologie puis professeur d'histoire-géographie au lycée Roosevelt de Reims.
http://www.boureux.fr



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Une rencontre, une émotion. Par DAVID LAROUSSERIE.
Journaliste (Sciences et Avenir)

j'ajoute un autre témoignage, très bref, mais j'avoue que je n'avais jamais vécu cela. Emouvant.
Mardi en début d'après midi, au laboratoire de physique du solide d'Orsay, dans lequel travailla de Gennes entre 1961 et 1971, une minute de silence a été observée en introduction d'un mini colloque, sans rapport avec les travaux du physicien.
Sinon, de Gennes a été l'un des premiers scientifiques que j'ai interviewé comme débutant dans le métier (fin 1999).

sur son blog on trouve le texte ci-dessous, compte-rendu d'une conférence de Pierre-Gilles de Gennes sur le fonctionnement du cerveau.

J'ai écouté une conférence du plus vieil étudiant de France. A 74 ans, il expose avec un retro-projecteur et des transparents écrits à la main qui glissent sur la vitre. Il parle debout et marche beaucoup (et vice versa). L'oeil pétille. Ses longs bras tracent dans l'air des explications. Le propos est clair. Il a l'air content d'être là. Cet étudiant, tel qu'il s'est définit lui-même, est Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991. Ce mardi 24 octobre à l'institut Curie (Paris), il tente d'initier une cinquantaine de personnes au "défi scientifique du 21ème siècle" : le cerveau. Après avoir étudié les supraconducteurs, puis les polymères et cristaux liquides (pour lesquels il recevra le Nobel), puis tout un tas de matière molle (mousse, liquide, sable...), le physicien s'intéresse en effet, depuis trois ans, au fonctionnement de la mémoire.

Avant d'exposer ses idées et hypothèses sur la façon dont le cerveau retient les odeurs, il brosse à grands traits le portrait de la discipline. C'est limpide sauf qu'il donne peu de références historiques ou bibliographiques. Il ne veut garder que l'essentiel. Tout de même il se permet une petite pique habituelle contre la Big Science, trop gourmande en grosse machine. Pour lui, rien ne vaut les expériences simples, comme celle qu'il mime en présentant des pommes à des bébés et qui a prouvé que les enfants distinguent les nombres 1,2 et 3 mais pas quatre.

La question qu'il essaye lui de trancher est de savoir combien de neurones constituent un objet de mémoire. Un seul ? Tout un ensemble ? Ou autre chose ? Il penche pour cette dernière solution avec un petit nombre de neurones impliqués. Son modèle, impossible à détailler ici, aurait l'avantage d'expliquer les associations d'idées entre couleurs et odeurs par exemple. Il termine son exposé en traçant des perspectives pour les neurosciences : les implants, les cellules souches réparatrices, l'interaction cerveau-machine. C'est l'occasion d'une nouvelle gestuelle expressive pour expliquer une expérience sur les singes. Sobrement il constate que ces progrès mêlent les peurs et les espoirs ! Et qu'ils vont poser des problèmes éthiques plus redoutables que ceux autour de la reproduction. Il assène cela l'air de rien... Ce détachement du chercheur est un peu dommage.

La séance de questions avec la salle illustre encore la verdeur du savant. Il prend chaque question comme si elle était profonde. Il félicite l'orateur, réfléchit longuement, répond, ose dire parfois qu'il ne sait pas. Il monte les marches pour s'approcher de ses interlocuteurs. Le spectacle continue. Il a le don de faire passer des choses compliquées pour des choses simples, prouvant par là que lui les a bien comprises et digérées.

Cette conférence est à ECOUTER ici :
conférence Curie sur la MEMOIRE, par P-G de Gennes.
David Larousserie

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J'installe aussi ce lien, particulièrement riche, avec une autobiographie de P-G de Gennes
Futura science
et celui -ci : Trois conférences à l'Ecole Normale Supérieure

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L'écriture scientifique de Pierre-Gilles de Gennes

Par Enro, mercredi 23 mai 2007 à 20:07
lien vers le blog original et le post complet

L'immense chercheur et prix Nobel Pierre-Gilles de Gennes nous a quittés le 18 mai dernier. Après la biographie toute officielle que vous pouvez lire sur Le Monde et les quelques souvenirs personnels partagés par Tom Roud et Matthieu, je voudrais m'attarder sur un aspect moins connu de de Gennes : son écriture. Celle-ci a été longuement étudiée par Anouk Barberousse[1], travail qui a été le prétexte à une table-ronde à l'ENS en 2003 avec Etienne Guyon et de Gennes lui-même (de la 16e à la 30e minute).

Guyon souligne la qualité dans l'expression, dans la calligraphie, dans le soin du mot juste (surtout les néologismes) de son ancien professeur. Il souligne aussi l'usage particulier des tableaux noirs que P.-G. de Gennes, très grand, remplissait entièrement bien qu'ils occupent des murs entiers dans son bureau — se refusant à utiliser des projecteurs et des transparents préparés à l'avance, même dans ses plus récentes conférences.

Une des hypothèses de départ de ce travail est que dans le domaine étudié, celui des films de polymères, comme tout au long de sa carrière, de Gennes publie surtout des articles courts destinés à être examinés et publiés dans les délais les plus brefs. Ce qui correspond à son habitude de lancer des propositions nouvelles assez peu détaillées, rapidement mises en forme (format de publication dit Rapid Notes ou Letters), dont il attend que ses pairs les développent théoriquement et les testent expérimentalement. Tiraillé ainsi entre la faconde de celui qui introduit de nouveaux concepts et la concision, entre l'implicite et l'explicite, de Gennes a dû développer un style qui lui est propre.

Quel est ce style ? De Gennes ne cite que les travaux qui se rattachent précisément à la théorie qu'il élabore, et occulte sans pitié les résultats expérimentaux qui ne lui paraissent pas fiables. Dès l'introduction, il souligne les avantages de son modèle par rapport aux modèles existants — et en souligne les lacunes en conclusion. Dans le développement, il utilise toutes les ressources du langage pour paraître limpide, en français comme en anglais (ses concepts de "reptation", "brosse" ont fait florès, d'autres émergent comme "régime sandwich" ou "peau").

Des résultats intermédiaires sont passés sous silence[2]. Les figures, notamment celle ci-dessous ( voir lien vers le blog original et le post complet), sont au centre de l'article et du texte ; le sens de certains symboles utilisés ne peut même être saisi qu'au prix d'un traitement complexe de la figure et de son rapport avec le texte. Et avec les multiples renvois, rien ne coule de source dans le développement ! Dans la conclusion, il fait appel non seulement aux connaissances partagées avec ses pairs mais aussi aux jugements et évaluations implicites des théories en jeu.

Quel cheminement lui permet d'y parvenir ? Dans le cas présent, de Gennes réagissait à un poster présenté lors d'un colloque en septembre 1999. Ce poster présente un résultat qualifié de surprenant : une discontinuité. De Gennes y voit un sacré mystère de la nature qu'il s'attache à résoudre. Dès la fin du mois, il fait circuler un premier brouillon de son modèle, et demande aux auteurs du poster de réagir :

When you read the note, you may well conclude that it is nonsense: then drop it. If not, would you be interested in making the comparison? We could then publish together an augmented version.

Résultat : deux articles publiés en 2000 dans The European Physical Journal E et les Comptes-rendus de l'Académie des sciences de Paris, de respectivement 3 et 8 pages (c'est peu !). Pourquoi pas dans des revues plus prestigieuses ? Parce que celles-ci son souvent américaines et que de Gennes souhaite contribuer à l'excellence des revues européennes dans ce domaine, ce qu'un jeune chercheur peut moins facilement se permettre !

Dans ce même numéro de la revue Genesis, un commentaire d'Etienne Guyon revient sur l'importance des images chez Pierre-Gilles de Gennes : prompt à faire des schémas et des figures, il passe aussi son temps libre à peindre. Et ses sujets d'étude se prêtent tous à des visualisations directes, de taille macroscopique (la turbulence, les milieux granulaires, les systèmes moléculaires organisés comme les cristaux liquides etc.) !

Notes
[1] Anouk Barberousse, "Dessiner, calculer, transmettre : écriture et création scientifique chez Pierre-Gilles de Gennes", Genesis, n° 20, 2003, pp. 145-162 (preprint).
[2] Il peut ainsi exceller dans son aptitude, au dire de ses collaborateurs, à saisir l'essentiel d'un phénomène et à en isoler les effets importants.

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et puis ces liens, encore, vers "2 journées scientifiques avec P-D de Gennes" ou cette conférence sur les matériaux biomimétiques, dans le cadre de l'Université de tous les savoirs le 29 sept 2000

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Cet hommage, trouvé sur l'excellent blog Chez Matthieu

Via Tom Roud, j'apprends que Pierre-Gilles de Gennes est mort, vendredi dernier. J'ai un immense respect pour cette figure de la recherche française. Il a développé ce qu'on appelle la science de la "matière molle", tous ces états intermédiaires de la nature qui m'intéressent tant.

Ce que j'appréciais particulièrement dans sa démarche, c'était l'interdisciplinarité qu'il insufflait partout. Je me souviens de mon enthousiasme juvénile à la lecture d'un magazine scientifique (peut-être Sciences et Vie...) où il était question des points communs qu'il avait trouvé entre le mouvement d'une bactérie dans un milieu riche en nutriments et celui d'un électron excédentaire dans un métal. C'était là son génie : il savait trouver des connections entre des domaines du savoir que tous imaginaient cloisonnés. Il n'était pas surnommé l'Isaac Newton moderne pour rien...

Il a donné ses lettres de noblesses à l'étude de phénomènes considérés avant lui comme un peu anecdotiques, ou trop complexes et mal définis, par les physiciens. Il a ainsi obtenu le prix Nobel de Physique pour l'application de la physique statistique aux cristaux liquides et aux polymères. Les cristaux liquides sont des molécules relativement rigides, des sortes de petits bâtonnets, qui peuvent s'agencer en structures relativement régulières.

Les polymères sont de longues, très longues molécules, nous avions eu l'occasion de voir quelques-unes de leurs singulières propriétés. Pierre-Gilles de Gennes a montré que les cristaux liquides subissaient des transitions entre états "ordonnés" et "désordonnés" d'une manière analogue à l'aimantation dans les matériaux magnétiques. Pour ce qui est des polymères, il a apporté ce que l'on peut qualifier de principale avancée théorique dans le domaine depuis les années 60, avec son modèle de reptation. En suggérant que les chaînes polymères peuvent ramper pour se libérer des enchevêtrements et relaxer les contraintes, il a permis de comprendre le comportement mécanique des plastiques fondus, des colles et autres fluides complexes.

Il s'est intéressé à des sujets aussi variés que les bulles de savon, les phénomènes chaotiques ou les surfaces hydrophobes, et a co-signé avec David Quéré (un de ses "disciples", si je puis dire, qui incarne le mieux son esprit touche-à-tout et multidisciplinaire) et Françoise Brochard-Wyart, le livre "Gouttes, bulles, perles et ondes", qui fait référence dans le monde entier. Il a aussi dirigé l'Ecole de Physique et de Chimie Industrielle de Paris, qui est devenue une sorte d'OVNI (j'aurais aimé écrire "modèle") dans le paysage de l'enseignement supérieur français.

Liant formation d'ingénieur de haut niveau, recherche fondamentale, et lien avec les entreprises, c'est un des centres de recherche français les plus connus à l'étranger. 90% des élèves ingénieurs qui en sortent continuent vers une thèse. Les labos sont largement financés par des contrats de recherche avec les entreprises, et rivalisent en qualité avec les plus prestigieuses universités américaines. Si ceux qui veulent réformer l'enseignement supérieur et la recherche en France voulaient bien se pencher cinq minutes sur ce que de Gennes a accompli...

Sa mort est une mauvaise nouvelle pour la science : alors qu'il venait juste de tourner ses formidables capacités d'analogie et de synthèse vers les sciences du cerveau, qu'aurait-il pu découvrir et nous faire découvrir ?

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Sur un autre excellent blog, par Tom Roud

Pour l'étudiant en physique que j'étais au début des années 2000, de Gennes représentait une figure tutélaire, un mythe, un génie touche à tout reconnu. Tous les physiciens théoriciens que je connais décrivaient de Gennes comme LE physicien français, ayant à lui tout seul fondé des domaines entiers. "Ah mais de Gennes, c'est de Gennes". J'ai lu quelques papiers de de Gennes, notamment sur les matériaux granulaires; j'avais été assez enthousiasmé par le fait qu'il avait trouvé un nouveau problème, et avait comencé à le théoriser, à l'aborder à la "physicienne". Il nous faudrait beaucoup de de Gennes pour aborder aujourd'hui le domaine à l'interface physique biologie; ces dernières années, lui-même s'était d'ailleurs intéressé au cerveau. Voici d'ailleurs l'abstract hallucinant d'un séminaire qu'il donnait récemment :

P.-G. de Gennes est atteint d’une maladie classique des physiciens âgés : prétendre étudier le cerveau. Les précédents (Crick, Josephson,…) sont peu encourageants, mais certains cas ont été favorables (L. Cooper). Dans le cas présent, de Gennes s’intéresse au nombre de neurones, M, qui est requis pour stocker un souvenir simple (une odeur), dans un système qui n’est pas précâblé. Sa conclusion (surprenante) est que M doit être très petit.

De Gennes avait été directeur de l'ESPCI. Ses étudiants pourront peut-être en parler mieux que moi, mais à l'époque il avait organisé une réunion entre élèves de différentes grandes écoles aux Houches, lieu de retraite mythique des physiciens théoriciens. J'avais eu la chance d'y participer et de découvrir certains aspects de la physique et de la matière molle, domaine que je ne connaissais alors pas du tout, naïf que j'étais fasciné par les hautes énergies.

La série de conférences était également pas mal axée "applications industrielles", mais dans un dosage parfait avec la théorie, ce qui reste pour moi du jamais vu. Je dois dire que je ne l'avais pas réalisé sur le coup, mais cette retraite était rétrospectivement une grande réussite sur tous les plans (sauf le ski, les pistes étant un peu verglacées); j'espère sincèrement que ces réunions ont continué.

A cette époque, de Gennes lui-même était venu dans mon école présenter la réunion et inciter les étudiants à s'inscrire : je me souviens par exemple de son émerveillement devant ... la fermeture éclair ! Il expliquait que si des extra-terrestres venaient sur terre, et étudiaient notre technologie, ce mécanisme simple, robuste et fiable (et surtout inspiré de la nature) ne manquerait pas de les impressionner.

Ainsi, de Gennes avait manifestement cet enthousiasme devant le monde, une curiosité qui manque peut-être aujourd'hui à la physique théorique moderne obsédée par "les hamiltoniens" et un peu éloignée de "la vraie vie". L'oeuvre de de Gennes n'est pas seulement scientifique; elle est aussi humaine : je suis persuadé qu'il a allumé pas mal de petites flammes et suscité des vocations.

Voilà mes quelques pensées personnelles sur de Gennes, un peu décalée par rapport à la nécrologie officielle. Je ne connaissais l'homme de Gennes que par ouï-dire; ce matin, je pense aussi à sa famille très nombreuse.


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Pierre Gilles de Gennes,
par son ancien élève et ami Etienne Guyon
(ancien directeur de l’Ecole Normale Supérieuer, du Palais de la Découverte, chercheur à l’ESPCI)


Le physicien Pierre Gilles de Gennes nous a quitté le 18 mai dernier. Ce savant , lauréat du prix Nobel 1991 de physique que le jury Nobel avait qualifié de Newton du 20ème siècle, était un grand ami du Palais de la Découverte qu’il a soutenu lorsque son avenir a donné des inquiétudes. Il aimait y venir avec enfants et petits enfants, tout comme il avait apprécié ses découvertes dans ce même Palais quand il était enfant lui même.

Il avait fait une conférence sur 50 ans de physique pour le 50 ème anniversaire du Palais de la Découverte que le président Mitterrand avait honoré de sa présence. Peu avant son prix Nobel, il avait fait une lumineuse conférence « bulles, mousses…et autres objets fragiles » (notez l’élégance du titre) , un des thèmes de recherche auquel il a apporté ses éclairages et où physique, chimie et mécanique se combinent. Ayant eu le privilège de l’accompagner à Stockholm, j’ai constaté que sa conférence Nobel était, à peu de choses, près la même que celle du Palais. Ce que cela prouve est qu’on peut parler simple et que cela vaut pour la cinquantaine de lauréats Nobel qui étaient à ce jubilé que pour les jeunes et moins jeunes des conférences du Palais.

En effet Pierre Gilles pensait simple et parlait simple. Il s’intéressait à de nombreux sujets, mais il n’était pas un touche à tout car chaque sujet qu’il abordait était marqué d’une originalité et d’une grande profondeur. Il ne choisissait pas de beaux sujets, il créait, à partir de ce qu’il touchait comme avec une baguette magique, des beaux thèmes de recherche qui alimenteraient ultérieurement des travaux dans le monde entier, à commencer par l’équipe de jeunes chercheurs et chercheuses ( une parité qu’il tenait à maintenir ) qui l’entouraient.

Si nous terminions actuellement ensemble la rédaction d’un article sur les formes d’un filet de miel suspendu entre deux points, il réfléchissait dans le même temps à l’explication de la superfluidité de l’hélium solide, à des problèmes liés à l’odorat, au mouillage, au frottement … tout ceci en conservant une dignité et un courage exceptionnel devant la maladie qui le minait.

Pierre Gilles aimait à partager avec des jeunes , à commencer par ses propres étudiants où on publiait parfois comme un « groupe » sans isoler les contributeurs (groupe de supraconducteurs et groupe des cristaux liquides d’Orsay , équipe Stratacol (Strasbourg , Saclay , Collège de France) des polymères). Ces travaux d’équipe autour de ce leader charismatique tiraient vers le haut tous ceux qui travaillaient avec lui et qui sentent aujourd’hui le vide et l’impérieuse nécessité de prolonger son témoignage et ses actions.

Les jeunes, cela a aussi été les nombreuses classes de lycées et collèges qu’il a voulu visiter dans les deux années qui ont suivi son Nobel. Ce qui m’a frappé le plus dans les visites où je l’ai accompagné était d’abord la clarté et la simplicité dans son exposé. Mais, plus encore, il était un charmeur par son élégance de style et de comportement et par l’écoute qu’il avait des questions des jeunes quand il se promenait dans les rangs après un exposé jamais trop long pour prolonger une question ou une observation venant de la salle. Si il aimait cette forme d’enseignement , il aimait tout autant s’instruire, et une simple question pouvait entraîner une idée nouvelle que Pierre Gilles développerait ultérieurement.

Pierre Gilles aimait donc le Palais et ses expériences (le manège, l’électrostatique….) mais il disait qu’il avait été maladroit dans celles qu’il avait faites alors qu’il était étudiant à l’Ecole normale supérieure auprès de Alfred Kastler, Yves Rocard et Pierre Aigrain. Ceci ne l’a pas empêché de toujours encourager la physique expérimentale et les recherches en relation avec l’industrie plutôt qu’à travers une théorie qui serait coupée de la réalité.

J’aurais pu vous parler plus longuement de ses apports sur les supraconducteurs et sur les cristaux liquides où ses enseignements ont donné lieu à deux ouvrages fondamentaux toujours actuels, sur la physique des polymères et celle du mouillage là aussi marqués par des ouvrages de base.

On peut recommander tout particulièrement celui sur le dernier thème ( gouttes, bulles, perles et ondes ; éditions Belin) que prolonge un CD de 150 petites expériences animées et qui est marquée par un style particulièrement limpide. La dédicace qu’il m’avait fait de cet ouvrage « pour Etienne, fidèle lecteur de Bouasse » (comme lui même !) faisait référence à un savant du début du 20ème siècle très imaginatif (en particulier sur le mouillage) et prolifique mais dont la carrière souffrit de ses préfaces virulentes contre les mandarins de l’Université.

Pierre Gilles lui-même fit, de façon plus cryptée, une critique de la société académique dans petit point (éditions le pommier) où il épingla un certain nombre des scientifiques contemporains que les experts reconnaissent entre eux . Objet de ses coups de patte la soif du pouvoir, la pédanterie, le manque d’humilité ou d’humanité, les esprits compliqués. J’imagine difficilement d’écrire un tel ouvrage sur de Gennes : l’on ne retrouverait aucune de ces critiques.

22.5.07

Merci Pierre-Gilles (1) Ce jour du Nobel

Le matin du prix Nobel (par PATRICE LANOY)

Je me souviens qu’avec son inusable allure de jeune homme gauche, Pierre-Gilles de Gennes était allé à Stockholm en solitaire, pour recevoir le prix Nobel. Le matin de la grande cérémonie, à l’aube, de la chambre ou je l’appelais au téléphone, il me disait dessiner. L’une de ses passions. Il faisait le portrait d’une jeune concertiste, aperçue lors de la soirée de gala, la veille. Anne-Marie, sa compagne géniale et patiente, était demeurée à Orsay, derrière les fourneaux de son incroyable "Boudin Sauvage" de restaurant.

"Toute cette effervescence est assez lourde à porter, nous n'avons pas envie d'en rajouter", disait-elle, sereine. Le "clan" de Gennes, avec ses trois enfants et ses sept petits-enfants fêta donc le Nobel au retour à Paris du héros, bien sagement. "Bien sûr nous sommes heureux, mais nous continuons notre vie comme avant". Ce que sa femme ne disait pas, bien des amis du couple le savaient. Pierre-Gilles avait davantage de passions que de vies. Trop ? Ses proches ont fait face, comme ils pouvaient. Il était impossible de ne pas aimer ce géant. Visionnaire, talentueux, complexe, couronné pour ses "coups de balais" sur la poussière de vieux concepts et théories ensablées, Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique 1991 a consumé son existence comme son travail: avec un immense paradoxe. Des flammes, une énergie folle, mais aussi l'intelligence de la discrétion. Quel écart !

À coup de déjeuners familiaux écourtés, de dimanches sacrifiés, il avançait, reconstituait les puzzles de la difficulté. "Jusqu'à ce que l'image de la solution s'impose, évidente". Merci, pourrait lui dire l'industrie : magnétisme, supraconducteurs, cristaux liquides, colles, polymères, on ne compte plus les domaines où ses approches, ses équations ont permis de travailler sérieusement, au lieu de faire de l'à peu près. "Des fruits mûrs que j'ai su cueillir au bon moment" s'excuse-t-il. Encore faut-il reconnaître une poire d'une pomme, ce qui en sciences est l'apanage des meilleurs (et qui agace les autres). Un éclectisme et une intuition stupéfiants, qui lui ont valu le redoutable surnom de "Newton". Même le comité Nobel, dans son communiqué, usait de cette comparaison à double tranchant.

Autant gêné par cette marée d'honneurs que par cette grande taille qui lui faisait dépasser les foules d'une tête, ce séducteur timide trouvait à son gabarit un seul avantage : les enjambées. Il ne marchait pas. Il courrait. On le qualifiait de surdoué ? Il refusait le qualificatif, rétorquait par des conférences sur ses erreurs passées, dont raffolaient les étudiants. Outre sa clarté de vision, ce chercheur a su créer des équipes, s'entourer d’affamés de science. "C'est à eux, et à mes maîtres que je dois tout" disait-il. Des craintes ? Une seule. "Que la récompense m'entraîne sur la pente savonneuse des médias, à parler de ce que je ne connais pas..."

Et quand on lui répétait que la France était en manque de prix Nobel de physique, et qu'on lui tendait tous les micros pour qu'il dise ce qu'il pensait du Monde, il répondait qu'il n'avait guère le temps, encore moins les qualités pour jouer les oracles.
Tout Nobel qu'il était, de Gennes entendait préserver de l'énergie pour ses travaux. Il en était capable. Plus d’un journaliste, même ami, s’est échoué sur l’écueil de son secrétariat, lorsqu’il n’avait pas envie. D'autres que lui auraient laissé mourir la flamme de la recherche sous la multiplication des responsabilités et l'étouffoir des honneurs : directeur de l'Ecole de Physique et de Chimie de la ville de Paris, professeur au Collège de France, membre de l'Académie des Sciences et de plusieurs académies étrangères, etc... Lui non.

Je pense à sa famille, ses tout proches, mais aussi à ces pairs, disparus avec moins d’hommages car un peu moins connus du large public. Et aussi à tous ceux qu’il a ébloui et passionné. Nobel ou pas, cela ne changeait rien, quand il s’agissait de parler de science et de bonheur.
Merci Pierre-Gilles.

21.5.07

Avec Mica : des écoles en Haiti (appel)

Pardonnez. Je profite de ce carnet en ligne qui commence à être visité, pour vous entretenir de "Mica". En Haïti, la terre est nue, les arbres sont partis en fumée et l'on se bat parfois rue par rue, pour contrer les bandes armées. Elle, Mica, cette femme de près de 70 ans s'emploie depuis plus d'une décennie à créer et faire fonctionner des écoles, emmener de jeunes gens jusqu'à des diplômes, des métiers.

Au milieu du chaos, comme tant d'autres minuscules associations, Mica produit des miracles. Je veux rester court, sobre. Les nuages du monde on connaît, et chacun bricole à sa façon avec. Tous ceux qui voyagent ou qui ont le coeur en écharpe savent. Pour ma part j'y saupoudrerai ma distance avec les grands machines, les banques mondiales et autres zinzins où la corruption, l'inefficacité, le rançonnage ne sont pas loin. Mica, ca n'est pas le FMI avec des salaires de 100 ou 300.000 dollars par an et des voyages en First. C'est une retraitée, une bénévole. C'est un coeur et des bras. Un combat de savoir, au plus près, sur le terrain. Sans cesse. Pour les détails, on peut voir cet article d'alter Presse. Car Mica, c'est Michaëlle de Verteuil.

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Pourquoi cet appel ? Il se trouve que ma grande amie Nicole van de Kerchove, a rencontré Mica en Haïti. Nicole connaît les gens. Elle m'a raconté un soir que c'était trop bête, puisqu'un euro mis sur la table chez Mica ne serait pas perdu, mais planté. Certains des projets d'écoles sont condamnés, par des fonctionnaires qu'il faudrait "soigner". Mica ne veut pas, vous vous en doutez.

Elle a besoin de nous. Sinon des classes (ou les enfants sont enseignés mais aussi nourris et sortis de la déprime ambiante) vont devoir fermer. Une classe, c'est 1000 euros pour une année, avec un repas par jour pour 25 enfants. Et il y en a une centaine encore à créer, dans le rêve de Mica.

Pour donner, deux manières : devenir membre de VSF (Vêtements sans frontières, l'antenne de Mica en France. C'est précieux, car chaque membre (16e par an, déductibles des impôts) produit une augmentation mécanique des subventions régionales versée à l'association. Bien sur, on peut aussi donner. Pour prendre contact ou verser (déductibles de vos impots) : VSF

20.5.07

La disparition de Bayrou, CQFD ?

Non, les élections ne sont pas "naturelles". Elles ne sont pas même mathématiques, si l'on ignore la construction sous-jacente. Ce qui est, avouons-le, le cas de la plupart d'entre nous, au départ. Outre son côté "citoyen", et "souriant" ce petit exemple montre à quel point parfois, il convient de se méfier d'une première lecture des chiffres...

Kenneth Arrow, Nobel d'économie 1972, a montré que les préférences d'une majorité des électeurs peuvent être subverties par des élections opposant plus de deux candidats. Le marquis de Condorcet avait déjà abordé ce problème qui porte, en hommage, le nom de "paradoxe de Condorcet". Arrow l'a généralisé, démontrant dans sa thèse "Choix social et valeurs individuelles" le théorème d'impossibilité qui porte son nom : les règles pour établir un choix collectif ne peuvent répondre à quelques critères raisonnables. Ce résultat théorique est surnommé le paradoxe d'Arrow ou la « démocratie impossible ». Pour simplifier, si l'on veut respecter le choix d'une majorité, n'interdire aucun candidat, obtenir des élus représentatifs, avoir un système controlable, et tout cela sans dictateur qui agisse en coulisse, alors il y aura toujours un effet "paradoxal" dans le choix final.
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L'exemple suivant en est une illustration du paradoxe de Condorcet et montre comment une minorité peut vaincre, en deux tours, alors qu'elle eut été perdante dans un système à un tour.

Soit trois candidats, "dans un mouchoir" : A, B et C.
A>B>C : 18 indique que les électeurs préférant A à B et B à C sont 18% du total 

on note que :
A>B>C : 18
A>C>B : 18
B>A>C : 12
B>C>A : 20
C>A>B : 13
C>B>A : 19

     
Au premier tour, il se passe ceci :
A
18 + 18 = 36
ELU ( si c'est à majorité relative puisque A est le candidat préféré, proportionnellement)
B
12 + 20 = 32
C
13 + 19 = 32

Si on procède à un deuxième tour
(hypothèse du candidat C qui se désiste)
A
18 +18 +12 = 48
B
12 + 20 + 19 = 52
ELU
C
absent

Si deuxième tour
(lcette fois le candidat B se désiste)
A
18 + 18 + 12 = 48
B
absent
C
20 + 19 + 13 = 52
ELU

Dans cet exemple le candidat A, pourtant majoritaire dans les choix des électeurs, sera éliminé dans tous les cas de figure lors d'un deuxième tour !

Un génie est-il fou ?

Génie à vingt ans, puis schizophrène, prix Nobel d’économie en 1994, le cas de l’Américain John Forbes Nash fascine et dérange. Excentrique, imprévisible, sa lucidité mathématique aurait-elle un lien avec la maladie ? A relire : sa biographie, dont a été extraite un film incomplet, qui nous plonge dans ce destin et cette étrange alchimie qu’est le cerveau.

Quelle est la part de génie que recèle la folie ? Et d’ailleurs combien de grains de folie faut-il pour prétendre au vrai, au pur génie ? La trajectoire de John Forbes Nash, mathématicien révolutionnant la théorie des jeux à l’âge de vingt et un ans, couronné par le prix Nobel d’économie en 1994, semble chercher une réponse cette double question dans le nauséabond gruau de la douleur.

Solitaire, ombrageux, introverti, snob et étrangement spirituel, l’enfant n en 1928 Bluefield, dans les montagnes de Virginie n’a encore rien vu des avanies de la vie. On l’a compris, l’archange aux cheveux blonds, le taciturne aux muscles d’haltérophile, le surdoué du prestigieux cercle des mathématiciens de Princeton a rendez-vous avec le pire. Et son histoire pourra bientôt se confondre avec celle d’un naufrage, d’une survie, d’un pâle et fragile sauvetage, et enfin de la gloire. Classique drame en quatre actes, dira-t-on. Oui mais le destin va massacrer le seul bien, le seul trésor de ce solitaire. Son éclaboussante intelligence. Une intelligence qui l’âge de trente ans, au détour de quelques mots et de quelques gestes ordinaires va s’évanouir. John se trouve soudain, immobilisé, muselé dans la plus raide des camisoles. Schizophrénie.
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Etait-il possible de discerner, dans l’enfance et la jeunesse l’annonce de la maladie ? Ce mystère résiste l’analyse, minutieuse, maniaque, de la biographie que consacre Nash la journaliste Sylvia Nasar, du New York Times. De l’adolescence au jeune âge adulte on croit pourtant discerner dans la structure mentale du mathématicien quelques jolies failles. Excentrique, Nash est un éternel emmerdeur, un imprévisible. Il boude au jeu, s’emporte pour une broutille. On ne l’aime pas. Seule sa force physique retient ses camarades d’école d’en faire un souffre-douleur. Plus tard, à l’université, il donne l’impression de ne vouloir se lier avec personne. Pour ne pas s’encombrer, pour ne pas subir d’influences... Jugé prétentieux, radin, il est maintenu à l'écart.

A Princeton, où il termine ses études, ces traits de caractères lui valent encore de solides inimitiés, et lui vaudront d’ailleurs de ne pas être embauché comme enseignant quelques années plus tard. Mais c’est dans son désert que Nash cultive, raffine son goût pour les mathématiques pures, et plus particulièrement la résolution des problèmes ayant résisté à d’autres. Car Nash est habité par une pure obsession : tout reconstruire, redéfinir, à partir de rien, avec ses propres démonstrations. Des démonstrations qu’il n’hésitait pas à qualifier de bien meilleures que celles de ses enseignants, et des auteurs de manuels. Son talent pour les mathmatiques s’étant précisément révélé au hasard d’une de ces démonstrations originales, où à la surprise de son maître d’école, il trouva une solution élégante et nouvelle pour établir un théorème classique.

C’est bien à Princeton, au contact de la théorie des jeux que son génie éclate. Le département de mathématiques de l’université, prestigieux, abrite alors des talents comme Albert Einstein (à qui Nash, étudiant de première anne, va aller proposer ses intuitions sur la gravitation) ou John von Neumann, auteur avec Morgenstern, en 1944, de la fameuse "Théorie des jeux et comportements économiques". Ces travaux partant du principe que les jeux de stratégie peuvent simuler des comportements humains, notamment lorsqu’il s’agit de ménager des intérêts, de gagner de l’argent sur les marchés boursiers. Les travaux de von Neumann avaient notamment inspiré l’arme américaine pendant la seconde guerre mondiale, en matière de stratégie.

Comment deux négociateurs rationnels vont-ils interagir, l'un face à l'autre ? Cette question était posée par les économistes et les mathématiciens depuis plusieurs décennies. Pour von Neumann et Morgenstern, la réponse était à chercher dans leur théorie des jeux. Mais comment formuler la question en termes mathématiques adéquats ? C'était une impasse.
Agé de 20 ans, Nash tourne autour du problème en cherchant un point de vue original (et sans aller s'empêtrer dans la littérature disponible sur le sujet), il utilise comme il le fera toujours, une approche différente pour simplifier le problème à la base. En fait, sa solution parait aujourd’hui évidente, puisqu’elle montre que les deux parties vont trouver un accord qui dépend de la combinaison des autres alternatives dont disposent les négociateurs et des bénéfices potentiels à retirer de l’accord pour l'une et l'autre partie. Une entre en scène fracassante.

Pour les détails sur "l'équilibre de Nash", voir Wikipédia (extraits :)..

Exemple chiffré :
Deux joueurs choisissent simultanément un nombre compris entre 0 et 10. Le joueur qui a annoncé le plus petit nombre remporte ce nombre, l'autre joueur gagne la même chose moins deux. En cas d'égalité, les deux joueurs subissent la pénalité de deux. L'unique équilibre de Nash de ce jeu est quand les deux annoncent zéro. Dans toutes les autres paires de stratégies, le joueur qui annonce plus ou autant peut améliorer son résultat en déclarant moins.

Exemple des marchands de glace sur la plage :
Deux marchands de glace doivent choisir un emplacement sur une plage de longueur donnée. Les prix et les produits étant les mêmes, chaque client ira vers le marchand le plus proche de lui. Il est facile de se rendre compte que le seul équilibre de Nash pour ces deux marchands sera celui où ils sont tous deux côte à côte au centre de la plage, bien que ce soit la position la moins adéquate pour la satisfaction de leur clientèle.

Dans l'adaptation au cinéma de la biographie, la découverte de cet équilibre est mise en scène par un manège de séduction.
4 camarades de Nash souhaitent séduire une fille parmi les 5 présentes.
Nash leur explique que s'ils suivent individuellement leur intérêt, ils tenteront tous les 4 de séduire la plus belle. Ils vont alors se court-circuiter et essaieront, par la suite, de se reporter sur l'une des 4 restantes. Mais "personne n'aime être un second choix", leur stratégie est donc vouée à l'échec.
La meilleure stratégie serait donc de s'entendre pour séduire chacun une des 4 autres filles évitant, de ce fait, tout court-circuit. Ils augmenteront ainsi leurs chances de succès.
Nash en déduit que la solution classique, celle de la main invisible de Smith est lacunaire.
Ce à quoi ses camarades rétorquent qu'il ne s'agit là que d'une stratégie destinée à séduire la plus belle...

La schizophrénie de Nash se matérialisa lorsqu’il fut sur le point de se voir nommé professeur au célèbre MIT de Cambridge (Massachusets), en 1959. Il avait soudain le sentiment que des messages émanant d’extraterrestres et à sa seule destination étaient codés dans les journaux. Puis les numéros de téléphone, les cravates, les chiens devinrent à leur tour des signes, des textes chiffrés, à lui destinés. Des signes de conspirations et de complots qui l’obsédèrent bientôt au point de dévorer sa vie. Ses démonstrations mathématiques devinrent totalement fumeuses. Nash, dans des éclairs de lucidité, en avait conscience. Il se frappait la tête contre les murs, fut interné à plusieurs reprises et sa femme, épuisée, divorca.

C’est lentement, peu à peu, raconte Nash, que le soleil revint. Personne ne sait très bien ce qu’est la schizophrénie, au fond, encore moins comment on s'en évade. Un jour, du fond d'une salle d'université, où il se recroquevillait, Nash émergea pour signaler au professeur qu'il venait de glisser une coquille dans un raisonnement. Certains spécialistes estiment que deux patients sur dix bénéficient ainsi de rémissions quasi "miraculeuses". Depuis quinze ans Nash va mieux, Alicia son ex-femme est revenue auprès de lui et il a repris un travail intellectuel, notamment sur les quations de l’univers et la gravitation. Son désespoir est désormais que l’un de ses deux fils soit, à son tour, interné. 

Le livre : Un cerveau d’exception. De la schizophrénie au prix Nobel, la vie singulière de John Forbes Nash de Sylvia Nasar. Ed. Calmann-Lévy.

18.5.07

Et si nous étions des flocons, emportés par le vent ?

Peut-on sentir l'univers en soi ? Frémir, presque comme s'il s'agissait de la douleur d'un amour perdu ? Non? Si. Voilà qu'il neige. Le sirocco charrie du sable du désert. Et les étoiles transpercent de nocturnes nuages. Rien de ce qui se passe dans l'immensité du monde ne nous est étranger, rien. Les secrets sont friables, très bleus.

Je vais écouter battre le pendule de Foucault, sous la voûte de la chapelle du Conservatoire des Arts et Métiers. Parfois. Ecouter car il traverse l'air avec ce silence que produit un fauve qui a bondit. Non, je n'ignore pas Umberto Eco. Tenez : "C'est alors que je vis le Pendule... De la sphère de cuivre émanaient des reflets pâles et changeants, frappée qu'elle était par les derniers rayons du soleil qui pénétraient à travers les vitraux". Je ne dirai rien d'autre de ces 700 pages. Il faut relire ce roman, si l'on veut. Ce qui m'essouffle, me magnétise ce n'est pas ce texte. Il dit peu, du Pendule, derrière le lever de rideau. Non, c'est le vrai qu'il faut reluquer, ce câble d'acier tendu, muet, avec un point fixe très haut, idéal, qui supporte tout. Et cette lourdeur. Cette lente et immense masse. Allant, revenant, écrasant le temps, évadée de notre monde. Un astre. Un puits de mystère absolu.

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Voilà qu'il neige dans la chapelle. Et que les soleils traversent la voûte. Nous sommes entre les galaxies. Avec le pendule l'on a sous les yeux la machine du monde. La Terre en rotation, l'univers, puisque le lourd battant reste rivé aux étoiles les plus lointaines, dans un plan fixe, alors que nous, passagers de la planète, tournons. Rôles inversé. Nous sommes dans la cage et pendule est libre. La réponse ? On croit la toucher. Mais non, encore le mystère glisse et coule ailleurs.

Foucault, c'est Stéphane Deligeorges, de France Culture et auteur de "Foucault et ses pendules" (Editions Carré, Collection Vues des sciences, Paris, 1990 et 1995) qui en parle :

"C'est en janvier 1851, que ce physicien français né en 1819, monte dans la cave voûtée de son domicile rue d'Assas son expérience princeps. Elle va montrer qu'un simple pendule, en oscillant, révèle des effets très ténus de la rotation de la Terre. Pour cela, Léon Foucault installe un fil métallique de deux mètres de long supportant un lourd poids de fonte. Le 8 du mois, il découvre, vers deux heures du matin, la réalité d'un mouvement minuscule, mais qui est l'indice pour qui sait l'interpréter, d'un mouvement grandiose. "Le phénomène se développe avec calme, il est fatal, irrésistible (...) On sent, en le voyant naître et grandir, qu'il n'est pas au pouvoir de l'expérimentateur d'en hâter ni d'en retarder la manifestation. Tout homme mis en présence du fait demeure quelques instants pensifs et silencieux, et généralement il se retire, emportant par-devers lui un sentiment plus pressant et plus vif de notre incessante mobilité dans l'espace ", écrit-il.

Que dire aujourd'hui ? Suivons le théoricien Marc Lachièze-Rey : pourquoi le pendule est-il fixe ? Pourquoi désigne-t-il le seul repère absolu, celui du fond de l'univers, qui ne bouge pas, alors que nos planètes, soleils, nébuleuses et galaxies sont en mouvement ?

Ernst Mach est l'inspirateur d'Einstein. Selon le philosophe et le physicien, l'ensemble de la matière du cosmos agit sur toute la matière du cosmos. C'est ce qui explique l'inertie de toutes choses. Les matières ont une résistance au changement de mouvement (accélération et décélération), comme si la trame de l'univers exerçait sur eux une multitude d'actions. Toile d'araignée.

Mais alors si l'on tombe du ciel, pourquoi les étoiles ne nous retiennent-elles pas en l'air ? J'aimerai flotter dans le silence des flocons.

Tentez donc de pousser un camion en panne. Un cycliste à présent. Les deux sont montés sur roues, mais la différence est immense. Elle est due à l'inertie. L'effort à fournir n'est pas le même car la quantité de matière de nos deux "clients" n'est pas identique. Elle résiste au changement, à l'augmentation de mouvement (a). On parle de masse "inertielle" (Mi). (F=Mi.a)(2eme loi de Newton). Cette (Mi) inertielle intervient encore lorsqu'un avion s'écrase sur une vitre. Il provoque davantage de dégâts qu'un moucheron (résistance plus importante à la diminution du mouvement). Cette masse intertielle en quelque sorte "accumule " ou "restitue" de l'énergie lors de ses changements de mouvement (accélérations et décélérations).

Hé, il y a encore une autre masse au travail dans l'univers. Plus rien cette fois à voir avec des mouvements. On parle des objets. Ils s'adorent, ils s'attirent. La Terre la lune, les doigts de la main, le phare et le voilier qui passe devant sont poussés les un vers les autres par une force mystérieuse, qui dépend de leur distance et de leur quantité de matière (F=GmM/r2) (loi de la gravitation universelle : m et M sont les masses des deux objets, r la distance (au carré)). Nous sommes ainsi collés à la surface de la Terre. Reliés à elle. Là encore on dit "masse" mais gravitationnelle, cette fois on note (Mg).

Du sommet de la tour Eiffel, lâchez un ministre et un autobus. Lequel arrive en bas le premier ? Ce qui les attire vers le bas, c'est la force entre leurs masses et celle de Terre. Leur masses gravitationnelles les précipitent vers le sol et à ce jeu, c'est l'autobus qui doit gagner (on "imagine" que la résistance de l'air est nulle).
Mais le ministre et le bus ont aussi une "résistance" à cette accélération de leur mouvement. Et là, cette fois, c'est le ministre qui gagne : il a moins de masse inertielle que l'autobus.

Et bien voyez-vous, l'un des vastes mystères de la physique, c'est que masse inertielle et masse gravitationnelle, pourtant de "nature" différente dans notre représentation du monde, s'équilibrent parfaitement. Les effets de l'une compense à la perfection les vicissitudes de l'autre. Masse accélération et masse de résistance au changement s'anihilent. Et la réponse précise, côté ministre en chute libre, c'est que (dans le vide), le bus et lui iront se fracasser au sol dans le même instant. La durée de chute des corps est indépendante de leur masse. C'est le "principe d'équivalence". Mi = Mg ! Vous avez bien lu : "principe". Cela signifie que l'on ignore, au fond, comment virevolte la neige.

Sciences sauce thai (un resto à Paris)

Un blog ? C'est pouvoir passer de la matière manquante du cosmos à la "salade de fruit", et hop, sans prévenir le moindre électron. Ici je vous parle de Daniel et de Parichat. Daniel Raichwarg et sa femme rencontrée par le plus grand des hasard (une nécéssité, quoi) ont ouvert un restaurant thai à Paris, voici plus d'un an. Jusque là, rien de de spécial, puisque Parichat est Thaïlandaise. L'assiette est délicieuse. Tout va très bien. Rien que pour cela, il faut y aller, déjà.
Bon, je précise et j'aggrave : on y mange, dans ce havre, mais pas que dans l'assiette. Daniel est professeur à l'université de Bourgogne, dirige le Centre de recherches sur la culture, les musées et la diffusion des savoirs. Spécialiste de culture scientifique, d'histoire des sciences et de la vulgarisation (Jules Verne, Pasteur, etc...) il est encore auteur de pièces de théatres désopilantes, de livres étonnants, et à l'occasion, clown, lorsque le spectacle l'exige, pour faire passer la science à des jeunes gens (là je me sens jeune). De quoi surprendre, avouez, côté académies. Son projet : monter un centre scientifique en Thaïlande, pour y former des jeunes gens...
Ajoutez à tout ça un sourire permanent, unejoyeuse choucroute à la Rocheteau, et puis d'aimables neurones qui ne cessent de titiller le sous-entendu. Vous avez là déjà de quoi déguster une sacrée soirée.
Dans la baignoire (d'Archimède), c'est lui. Le livre, science pour tous, chez Gallimard, est de lui. Le menu aussi.

"Voyage au Siam", 60-62 rue St Maur, 75011 Paris (M : St Maur)
Comptez 25e/personne

17.5.07

Premières pages du roman

C’était avant. Parfois le soir nous allions nous percher sur la falaise et regardions le soleil se noyer. Loin, là-bas, il touchait les vagues et hurlait de toutes ses couleurs rouges. Terrible. Mais je ne le lâchais pas. Patricia se foutait de moi. Je le fixais encore et encore. « Ne regarde pas, idiot, tu veux finir aveugle ?» Je continuais jusqu’à en avoir mal. Après je le tenais. Il m’obéissait, le soleil. Je le posais sur sa peau. Je le faisais danser à nos pieds. Et si je fermais les paupières, il flottait dedans, prisonnier. Alors je serrais Patricia et lui disais qu’il fallait qu’elle comprenne. Qu’avec le soleil je devais être un peu voleur de feu et que si cela la consolait elle n’avait qu’à m’embrasser. Elle le faisait, posait ses lèvres sur mes yeux et riait. C’est ce que je voulais. Son rire. Son rire qui écartait mes cauchemars et mettait en fuite toutes les pieuvres du ciel. Ce rire de soie dont je croyais qu’il suffirait à dérober au temps nos désirs et nos âmes, en plus de tous nos secrets. Mais non c’est raté. Patricia s’est évanouie. Deux années déjà qu’elle est partie. Deux années sans respirer.


Voilà trois jours et trois nuits que nous sommes partis du port. Et c’est seulement maintenant que je commence à remplir ce livre de bord. Celui du Morpho. On raconte parfois que lorsque la vie repart elle claque du fouet. Je ne crois pas. Les voyages, les vrais, ne font pas de bruit. Ils s’approchent en silence. Ils vous emportent avec caresses et sans avertir. Et quand ils font mal il est déjà trop tard. C’est peut-être ce qui m’arrive, avec les gosses? Ce n’est qu’à présent que je sais que nous avons été enlevés au monde. Je suis bien forcé. Je vois bien que plus rien, même pas le temps, ne nous retient.


Il y a trois jours. Et si j’étais resté agrippé à ma besogne et emmuré dans mon remords, rien ne serait arrivé. Les gosses ne m’auraient jamais accosté. Mais voilà que je pose mon pinceau et que je lève les yeux. À cause du bruit : des mouettes et des sternes qui se cognent, par-dessus le port. Ah ça, pour gueuler… C’est une mêlée, une bataille en plein ciel. Des coups de becs, les griffes en avant, pour savoir qui bouffera avant les autres. Le cirque de tous les après-midi, lorsque les pêcheurs rendent à la mer tout ce que les hommes n’avalent pas.
...

Comment "savent" les insectes ? (1) Le géant du chêne

Capricorne, au stade de larve, n'est qu'un creuseur. Un forçat tout à son festin de bois. Trois ans durant, aveugle, sourd, sans odorat, "ce bout d'intestin qui rampe", comme le décrit l'entomologiste Jean-Henri Fabre dévore le coeur des arbres. Rien ne résiste à ses bouchées. Pas même les gros durs, ces chênes qui s'abattent soudain, sous un orage d'été, découvrant le dramatique entremêlis de tunnels secrets.

Pour ce boyau qui fait des loopings au fond du bois qu'il rebouche de ses excréments en avançant, le chêne est à la fois aliment et maison. "Vivre et couvert", dit Fabre. Et il s'en porte bien, le taraudeur mou, puisqu'a force des bouchées qu'inflige sa mandibule noire, sorte de cuiller à bord tranchant, il fait sa graisse, grossit, amasse.
Grand Capricorne "cerdo" (à droite)

Mais Cerambyx miles (Capricorne du chêne) est aussi porteur d'un mystère. Comment cet écervelé fait-il tout ce cirque ? Car enfin, incroyable manège il y a ! L'intestin aveugle, un beau jour, cesse soudain de se gaver de l'arbre. Sous l'effet de quel signal, de quelle horloge, de quelle modification ? Mystère. Toujours est-il que le vorace met le cap vers l'écorce. Il creuse tout près, mais ne la perce pas. Non. Surtout pas ! Ce serait risquer de se faire happer par un oiseau qui piquerait par là ("qui ferait régal de la succulente andouillette" écrit Fabre). Mais il prépare une fenêtre, une sorte de meurtrière camouflée. Cette future ouverture ménagée, il s'en retourne un peu plus profond et cette fois taille sa chambre. Un abri douillet pour réaliser sa nymphose : sa transformation en imago (adulte) rigide et à longues antennes.

Des années durant, Fabre fait débiter par les bûcherons de Provence les vieux arbres, recueillant larves et coléoptères. Des mois entiers il les enferme dans de petites boîtes de chêne, de bambou, et teste leur capacité à percer, à ne pas se perdre. Il en déduit que c'est bien la larve qui prépare la sortie, et non l'imago, devenu incapable de tarauder. Il observe et note mille choses. Que la chambre de la nymphe, menacée par les prédateurs, a son orifice clos d'un composite. Un sandwich solide, fait de trois matériaux : à l'extérieur des débris ligneux, du bois haché. Puis un opercule minéral, un couvercle d'un seul tenant, fait de pâte calcaire et d'un ciment organique, qui donne à cette pilule la résistance du roc. On peut s'étonner au passage que l'estomac de la larve soit capable, à un moment de son existence, de changer de régime, et de sécréter un tel mélange. Fabre répond que de nombreux insectes, comme le Sphex ou les Scolies sont capables de prouesses chimiques de même acabit, et usinent par exemple une laque dont il protègent leur cocon.

La chambre de la nymphe est totalement adaptée au cours des événements futurs : un ellipsoïde aplati, de dix centimètres de long et de deux à trois centimètres de large dans les deux directions, au centre. Une forme et une taille qui permettront à l'animal transformé en adulte d'abattre la porte, de franchir sans souci la sortie prédécoupée dans l'écorce.
Toujours la larve "s'endort" la tête vers la porte de sortie. Là, c'est question de vie ou de mort. Devenu coléoptère rigide et encombrant il ne pourrait plus se retourner, l'animal. Ils se verrait emmuré dans son tronc. Comment le sait-il ? Comment un être aussi frustre, isolé de ses parents et de ses frères peut-il tenir tant de comportements en lui ?
Un siècle après les élégants "Souvenirs entomologiques" (1907) de l'instituteur peu à peu devenu ce premier observateur capable de voir les insectes, le mystère reste, fascinant. On ne parle plus d'instinct, oh non. Mais on rêve encore à ces secrets.

15.5.07

Revue de PRESSE et critiques LECTEURS (blog et roman)

Catherine VINCENT (BLOG et ROMAN)
(Le Monde et Le Monde.fr, le 15 juin)


Combien de personnes faut-il réunir pour avoir une chance raisonnable que deux invités fêtent leur anniversaire le même jour ? Comment expliquer que 96 % de l'univers soient invisibles ? Les femmes sont-elles des hommes comme les autres ? La notion de gène se prête-t-elle à la simplification que veut lui faire subir le débat politique ? C'est à réfléchir, rêver ou s'informer sur ces sujets - et beaucoup d'autres - que nous convie le blog de Patrice Lanoy, inauguré en février 2007 et riche, à ce jour, de près d'une centaine de billets.

Des thèmes à consonance plutôt scientifique, noterez-vous ? Normal : son auteur, avant de devenir "écrivain, voyageur, navigateur", était journaliste scientifique. Il l'est un peu resté. Suffisamment pour entraîner l'internaute sur des mers peu explorées, avec une maîtrise solidement étayée par la connaissance du métier. Mais plus assez pour résister à l'envie de faire des ronds dans l'eau et des embardées de gamin, profitant avec gourmandise de la liberté qu'offre la Toile.

Paradoxes logiques et jeux mathématiques, coups de coeur littéraires, méditations inspirées par l'actualité ou l'observation du monde, hommage vibrant et inédit au physicien Pierre-Gilles de Gennes, disparu le mois dernier : rien de mieux sur ce site que de piocher au hasard pour naviguer avec bonheur entre science, art et société.

HUMOUR ET POÉSIE

D'un simple clic, on passera ainsi de la survie des arbres millénaires aux phénomènes aérospatiaux non identifiés (les données du Centre national d'études spatiales relatives aux ovnis ont été mises en ligne il y a quelques semaines). De la fonte des glaces au cas de l'Américain John Forbes Nash, génie à 20 ans, puis schizophrène et Prix Nobel d'économie. Du monstre du Loch Ness aux lois d'Asimov sur la robotique. D'une rencontre avec Edgar Morin au plaisir très parisien d'une place à 5 euros à l'Opéra Bastille...
Un blog, "c'est pouvoir passer de la matière manquante du cosmos à la salade de fruits, et hop, sans prévenir le moindre électron", affirme ce gai luron de la science. Et de fait : entre l'architecture islamique et les quasi-cristaux, entre les vicissitudes de l'informatique et la physique de la tartine beurrée, les rapprochements sont parfois osés.

Toujours surprenant, souvent empreint d'humour et de poésie, ce blog atypique, décrit par son auteur comme une "promenade entre les mots, les atomes et les âmes", porte pour joli nom "Le complot des papillons". C'est aussi le titre du premier roman que Patrice Lanoy vient de publier au Seuil (200 p., 16 euros), dont il fait sur son site - c'est de bonne guerre - l'autopromotion. Du blog au livre, il donne envie de passer le pas.


Marie-Odile MONCHICOURT (ROMAN)
(Sur France-Info, le 12 juin, INFOS-SCIENCES)
A "vu" que le roman parlait de science, sous ses aspects poétiques. Que l'accélération du rythme du livre était celui de nos vies qui passent et de l'Univers. Entretien sur le thème temps du cosmos (1'30) et les supernovas, pour présenter le roman et le thème du temps.

Patrick CHOMPRE (ROMAN)
(RFI, LES VISITEURS DU JOUR, le 7 juin. Invité : 20' entretien en direct)
"Le roman de philosophie et de science, à travers les grands espaces, dont on parle en ce moment..."

Patrick Poivre d'ARVOR (ROMAN)
(LCi-TF1, le 12 mai) :
Mon coup de coeur de la semaine, je vous recommande : "Le complot des papillons" de Patrice Lanoy...

Laurent LEMIRE (ROMAN)
(Nouvel Observateur + Esprits Libres (Guillaume Durand, France2) :
Parmi les voyages, il y a ceux qui vous font aller plus loin que prévu. C’est à ce périple que nous invite Patrice Lanoy dans un premier roman envoûtant. Dans « Le complot des papillons », nous suivons trois personnages sur un bateau, un homme, une adolescente, un autiste ; trois personnages en quête d’eux-mêmes, à la dérive sur un même univers, pris au piège de leur destin. Mais attention, le destin, ça se fabrique nous rappelle Loïc le marin, l’homme qui a perdu sa femme et qui rame pour ne pas perdre sa tête sur ce fragile esquif. « Ce qui fabrique nos vies ce sont les hordes de décisions et d’action imperceptibles qui peuplent le plus ordinaire de nos journées.
Ce sont les choses invisibles et légères qui peu à peu tissent ou défont la trame de l’Essentiel. » Bref il suffit d’un battement d’ailes de papillon, d’une invitation à une sortie en mer, d’un moteur qui casse et d’une dérive sans fin. Le récit joue avec subtilité sur les formes, sur ce que l’on voit ou que l’on croit voir. D’ailleurs le voilier s’appelle Morpho, du nom d’un grand papillon bleu à l’éclat changeant. Et c’est ainsi qu’avec un beau culot de voyageur qui ne se refuse rien, Patrice Lanoy, marin lui-même, transforme un naufrage en traversée poétique et spirituelle d’où la science n’est pas absente. Pour le vérifier, vous n’avez plus, à bord du Morpho, qu’à larguer les amarres…

Isabelle BRISSON (ROMAN) :
Dans le FIGARO, cet article paru le 28 mai 2007 :
Le Complot des papillons de Patrice Lanoy
En astrophysicien délirant, Loïc embarque sur son voilier Klara, une adolescente brutale et son cousin Sol qui est autiste. À bord du Morpho, de la couleur illusion des papillons sud-américains, une dérive va commencer... Qu’est-ce qui fait que l’on s’intéresse au monde ou pas ? Voilà la question que Patrice Lanoy s’est posée et qu’il essaie de dénouer de façon poétique, philosophique et scientifique. Pour l’auteur, Le Complot des papillons c’est ce millier de choses invisibles et légères qui peu à peu tissent et défont la trame de l’essentiel et qui préparent les bonheurs et les peines. Comme disait Einstein, le temps que l’on croit si important n’est en fait rien d’autre que notre illusion de la vie. Einstein nous tirait la langue parce qu’il avait compris cela et n’était pas écouté, il nous parlait de l’infini et tout le monde n’y a vu que des maths. Pourtant, comme le rappelle Patrice Lanoy, dans la réalité les enfants commencent à éprouver de la curiosité pour le monde entre six mois et un an. Loïc son personnage réalisera ainsi, peu à peu, qu’il existe d’autres sensibilités. Et entreprendra un parcours inverse. De quoi nous tirer des larmes d’émotion, en refermant le livre.

Michel LITOUT (ROMAN):
(Centre Presse (gros article dans l'édition papier, 24 mai), en ligne sur ce site internet)
"..un très beau texte, entre paranoïa et réflexion philosophique, entre violence et découverte de soi et de l'autre."

Sur le site labosonic (BLOG)

"En ces temps où l'intelligence et l'humour volent bas sur le web, j'ai découvert deux liens indispensables qui vous réconcilieront chacun à leur manière avec la toile :
- Le complot des papillons, blog du même nom que le livre qui vient de paraître, est écrit par Patrice Lanoy. Chacun de ses billets est une merveille d'écriture qui mêle poésie (parfois), pédagogie (toujours) et science (évidemment). C'est probablement le meilleur moyen de se cultiver en douceur, surtout quand on y connaît rien dans ce domaine car les sujets sont légers sans être stupides. Ca change de beaucoup de ses confrères qui pensent que seule la sexualité des animaux est digne d'intérêt pour faire de la vulgarisation scientifique. Profitez-en de suite, tant que son compteur de visites est bas, ça vous permettra de frimer plus tard, dans six mois tout au plus, quand il sera devenu un des points cardinaux du web francophone. Pour information, ma rose des vents personnelle de la culture sur les blogs le placerait au sud tandis qu'au nord on trouverait Pierre Assouline, à l'Est, André Rouillé et à l'Ouest Eric Roux (parce que la cuisine, c'est encore et toujours de la culture)."

Isabelle PLAT (ROMAN):
(artiste plasticienne, depuis... New York)
Hier après midi, je suis parti en bateau avec Loïc, Klara et Sol pour un voyage non-stop et sans escale. Cela
faisait des années que je n’avais pas lu un livre d’une traite…
Huit mois, j’aurai pu continuer, (de plus, alors que je n’ai même jamais peu pratiquer le pédalo ni même la
balançoire pour raison de mal de mer tout c’est bien passé, pour moi du moins, sur le Morpho). Grâce au
Complot des papillons, ma première journée à NY, attribuée comme vacances fut donc remplie de poésie…
Isabelle

Sure le site Quinquabelle (BLOG)
Blog à adopter : http://lecomplotdespapillons.blogspot.com/
Le nom même de ce blog est jubilatoire..J'ai découvert ces " papillons" à travers un article sur internet . N'écoutant que ma curiosité et ma gourmandise de savoirs , j'ai plongé dans le vol de papillons et en suis ressortie avec le sourire .
Voilà un blog comme je les aime , papillonnant au gré des interrogations de l'auteur , passant sans remords de l'autisme aux aboiement des chiens..avec sérieux et humour .
Comme le chante Philippe Katerine :" j'adooooooooore" :-)
J'espère que - tout comme moi - vous adopterez ce blog et cet homme :Patrice Lanoy !

Georges CHAPOUTHIER (ROMAN):
(directeur de recherche au CNRS, anime une équipe de l’unité mixte de recherche sur la vulnérabilité, l’adaptation et la psychopathologie à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière)
Ce livre m'a beaucoup intéressé, et pas seulement parce que ma quatrtième enfant souffre d'une forme d'autisme. C'est un texte très poétique et je tenterai d'en dire un mot, dans quelques mois, dans une revue de poésie (je m'intéresse à ce domaine). La fin, surprenante, gomme et explique toutes les interrogations que l'on rencontre durant le voyage en mer. Tant il est vrai que les voyages intérieurs sont les plus violents. Avec des scènes inoubliables, comme la tempête ou cette île... J'attends le prochain avec impatience.
Georges

Alain GILLIS :
(psychiatre, psychanalyste, directeur de l'Institut Médico Educatif Michel de Montaigne de Chelles)
Il ne s’agit ni d’un réalisme à la Zola, ni d’un dessein Balzacien, mais d’un roman lyrique, allant d’une appréhension immédiatement poétique de la réalité à une autre appréhension, celle qui s’élabore, aux confins d’un savoir scientifique qui s’enrichit de tous les doutes, qui se plait à chanter ses limites. Nous ne pouvons savoir, et c’est très bien ainsi. Racine de 2 ! Et tout est dit. Ce qu’on pourrait dire, c’est la confrontation poétique entre le réel immédiat du bateau perdu au sein d’un réel vaste, évoqué en poète… Mais en poète qui serait ce qui reste du savant quand il ne prétend plus à la saisie du vrai. De beaux instants d’écriture forte. Des métaphores nombreuses et justes. Des raccourcis heureux. La couverture tendre est trompeuse et c’est mieux ainsi.
Alain

(sur Amazon.com) (ROMAN) :
De la première à la dernière ligne, le complot des papillons emmène le lecteur dans une aventure grandeur nature.
L'histoire est intense et bien écrite, jamais on ne s'ennuie et les personnages sont d'une richesse intriguante!
Je recommande vivement ce roman à tous ceux qui souhaitent sentir la houle et le vent dans leur cheveux!
Longue vie aux papillons.
Mich "FM"

Francis JALUZOT (ROMAN)
(Directeur-fondateur d'un groupe de presse)
Le Complot des Papillons fait partie des livres que j'ai lu en quelques jours (un week-end je crois). Je lis tous les jours, les livres me quittent rarement mais généralement je mets plusieurs semaines à lire un livre.
Si je l'ai lu aussi vite c'est que cette histoire m'a entraîné : curiosité de connaître la scène suivante, envie de connaître le destin des personnages. Intrigué par ce huit clos, ces trois âmes aussi étranges qu'improbables. J'ai été aussi envoûté par ce bateau, véritable héro du livre, selon moi. Emporté par ces tempêtes criantes de vérité qui m'ont emmené loin de la réalité, loin du quotidien.
Francis

Nicole Van de KERCHOVE (ROMAN)
(navigatrice et écrivain)
"Le Complot des Papillons"
On rentre dans l'histoire comme on aborde une mer calme, mais au fur et à
mesure du récit, on tourne les pages de plus en plus vite. Jusqu'à la
dernière qui vous laisse là avec des yeux mouillés et le cœur qui bat.
Il ne reste plus qu'à tout relire pour savourer le texte, et relire encore
pour toutes ces phrases qui viennent chatouiller le cœur.

Mon libraire a levé le sourcil lors de ma dernière visite : je les achète
par deux ! Impossible de ne pas avoir envie de partager "Le Complot des
Papillons" avec les gens que l'on aime.

Les folles danses de la matière molle

En réussissant à produire dans un banal ruban de matière molle (silicone) des phénomènes ondulatoires complexes et inattendus (ondes de Dira...