29.11.10

Splendeurs dégénérées

L'un de ceux qui eut l'honneur d'être tamponné par les Nazis de dégénéré, Paul Hindemith (1895-1963), est à l'Opéra Bastille. Sa fresque Mathis der Maler ("Mathis le peintre") est un sublimevertige autour de l'histoire des artistes, de leurs oeuvres, de leurs soumissions, de leurs tentations...



Attention, l'errance commence en apnée. Un premier tiers doucement pontifiant. On se perd quelque part le long de l'océan du temps l'on s'endort sur la plage sous la téléphonée mélopée des vagues de l'histoire. C'est le style Hindemith, mais dans une traversée assez peu inspirée. Et comme par hasard la mise en scène d'Olivier Py aussi nous fait bailler par là. Voici qu'il se croit sous les murs de Carthage et nous ressort le coup des échafaudages partant à l'attaque du public avec une armée de coeurs là-dedans qui s'époumonent et tout ça se promène dans tous les sens que je te monte ou descend les échelles. A l'assaut. Mouais. On reste ?

Il faut rester.



Tout se déclenche après le 1er entracte. La musique monte. S'insinue. Se répercute en rythmes à la fois classiques et surprenants. Des éclats, des attentes inclassables. Des éblouissements et toujours par derrière la rumeur de l'histoire mais cette fois comme tenue à bonne distance. Les voix s'en sortent plutôt bien (même si la puissance de l'orchestre les met au défi et les mène au-delà de leurs limites).

Etonnant. Magnifique.

Py aussi s'en sort joliment en dépit de sa tendance à en commettre toujours un peu trop de tonnes. Pfffffff les chiens loup qui défilent à la botte d'un SS de carnaval et les tanks en caoutchouc. Pffff la petite toile sur scène que l'on malmène au cas où un spectateur au fond n'aurait pas capté que l'on parle ici d'un peintre et de ses pinceaux.... Ce n'est plus un retable mais une bande dessinée.

Mais le jeu des mouvements et des lumières, les édifices de papyrus rachètent le côté "toujours plus" de notre petit démiurge... Au nom de l'élégance du mur de bougies et du spectre qui s'y promène on accordera à Py l'exagération monumentale de sa deuxième partie. Py s'y excite avec les machineries de Bastille et se croirait à Las Vegas. Bon. On frôle parfois l'éclat de rigolade. Mais ça passe. Et ce qui suivra dans le troisième volet est émouvant. Je n'en parle pas. La surprise est trop parfaite.


On retrouve le Hindemith le plus inspiré, multipliant fausses pistes et connivences. La folie du monde lorsque l'on est disposé à écouter. En embuscade du néoclassique et de l'atonal. Quasiment jazz parfois ce qui ne serait pas si mal...

A quatre siècles d'écart la question posée par Mathis l'auteur du rétable d'Issenheim et Hindemith l'anti-Wagner surnage mieux que jamais : que fait l'artiste pendant que le monde crache ses flammes ? Oui et nous d'ailleurs que faisions-nous ?






6.11.10

Festin sur scène


Dès les premiers mots cela transpirait. Une chouette cause (la Palestine, la tôle, de maudits auteurs poètes, des lettres d'amour) et des propos expédiés au paradis des bonnes intentions. Les gestes ? Des clous dans la croix. De la danse saucissonnée en illustrations manière De Keersmaeker. Et par-dessus ces morceaux hirsute un sirop engluant le public en otage. Dans la salle des fantômes se marraient. A nos oreilles ils murmuraient : "si vous sortez danseuses et comédiens vont se jeter dans la Seine". Sur scène à voir les regards on les croyait.


"Tangibles" sous le pavillon de tg STAN, au théâtre de la Bastille est un ruisselet qui n'ira jamais faire nulle part la plus minuscule flaque. Il se sera évaporé avant. Pas grave. La prétention désopilante verbale théâtreuse réduite au snif existentiel du metteur en scène on connaît. Un ratage n'est qu'une balle perdue. Et les excellents chevaux nous arrosèrent d'assez d'efforts pour qu'on les en remercie clap clap bon on va boire un coup ?

Oui mais attention.

Dans la brume cavala soudain une créature. Allons disons djinn on sera dans le ton. Non. Un festin. Que tous tous les asticots satans ou autres rôdeurs de l'espace temps confèrent longue vie et passion à cette fille.


Son nom est Eve-Chems de Brouwer.

Parmi le contingent de simopathes déambulatoires elle irradiait. Une manière de phare au bout de monde. Le dernier rocher où s'agripper à la vie. Alllumé. Eteint. Allumé et tout reprend.

Cette comédienne ne parle pas elle danse sur les mots en plein vent. Elle vous raconte qu'il y a quelques instant elle était assise à côté de vous et puis tiens la voilà sur scène gambadant sur le fil.

Eve-Chems de Brouwer est dans l'intensité ET l'abandon. Monstrueuse. Sa justesse vous saisit et ne vous laisse craindre que la ponctuation ou son souffle. Il s'agira une brève éternité d'abandonner sa lucidité. Reprendra-t-elle ? Sera-t-elle encore cette métaphore de la confusion du vivant et des mots ?

J'irai subir la prochaine pièce où elle ouvrira la bouche. Rien que pour proposer à ce parfait serpent de retrouver mes veines.

Les folles danses de la matière molle

En réussissant à produire dans un banal ruban de matière molle (silicone) des phénomènes ondulatoires complexes et inattendus (ondes de Dira...